Pour la première fois de l’année, Ty Segall est de retour. Et c’est avec son projet The C.I.A qu’il signe ce nouvel album « Surgery Channel » chez In The Red Records, cette fois accompagné de son épouse Denée et son ami Emmet Kelly. Sur ces douze titres, le trio nage dans le formol, les blouses blanches et le latex.

Ty Segall a toujours quelque chose sur le feu : seulement vingt jours en 2023 et déjà un nouvel album. Cette fois-ci, c’est avec le projet The C.I.A, trio qu’il compose avec sa femme Denée et son ami Emmett Kelly de Cairo Gang. Mais cette fois-ci, il n’occupe pas le devant de la scène, comme le montre la pochette de ce nouveau « Surgery Channel » : face contre terre, écrasé sous les bottes de l’inquiétante Denée. Si l’on peut considérer ce nouvel album comme percutant, c’est parce qu’elle en est la principale force de frappe.

Après un premier album en 2018, passé relativement inaperçu au milieu des six sorties annuelles de Ty Segall, The C.I.A revient cinq ans plus tard, plongeant plus en profondeur dans les abysses et expérimentations noise-punk. Mais contrairement à son prédécesseur, « Surgery Channel » se fait beaucoup plus direct, stérile, désincarné. Ce qui n’est pas forcément une mauvaise chose – il se trouve que cette couleur, ou plutôt cette absence de couleur, sert son propos et son esthétique.

Claustrophobique dès la première seconde d’Introduction et son respirateur médical, « Surgery Channel » s’inscrit dans un univers très fétichiste, tant dans l’esthétique blouses blanches et bottes de cuir que son culte de la machine, du métal, de l’électronique, rappelant les univers convergents de Ballard et Cronenberg. Évidemment, le son est froid, industriel, le garage-punk chirurgical, le chaos mathématique. Un coup d’œil au clip de Bubble suffira à imager la trame dans laquelle se situe l’album – une sorte de Neon Demon au bloc opératoire.
Après la suite centrale Surgery Channel Pt. I et II, l’album recèle deux pépites : d’abord Construct, et ses quelques mots percutants scandés sur une voix blanche : « Needle – Image – Guided – Liquid – Augment – Hurting – Reset – Silent – Ceiling – Latex ». Puis Under, où un semblant de mélodie se dessine, en une accalmie bienvenue au milieu de ces douze titres taillés dans le papier verre et dégoulinants de formol. On pourra toutefois reprocher à l’album sa monochromie, la première partie étant finalement assez redondante.

 

Malgré la radicalité du son, qui redéfinit ce que peut être le punk ou ce qu’il pourrait devenir, The C.I.A conserve quelques-uns de ses aspects caractéristiques. Les textes cathartiques sont crachés sans poésie, servis par un chant maîtrisé et naviguant de la pop séduisante (You Can Be Here) aux hurlements (Inhale Exhale), cette charmante combinaison se retrouvant d’ailleurs souvent au sein des mêmes morceaux. Les paroles glauques et sinistres sont signés Denée et oscillent entre le cynisme, la violence gratuite et la critique sociale propre au post-punk : sur Bubble, à nouveau, Denée narre l’histoire d’un monde rongé par ses désirs et possessions, comme dépassé par un mal dont il serait le créateur. Une direction presque amusante, compte tenu du peu de matériel organique dont dispose l’album et la froideur mécanique dans laquelle il se tient.

Aux antipodes du « Hello, Hi » de l’an passé, où le prolifique Californien nageait dans la folk et son caractère contemplatif, « Surgery Channel » marque une forme de radicalité dans la discographie de Ty Segall. S’il rappelle son autre projet Wasted Shirt, les expérimentations électroniques de « Harmonizer » (2021) ou le chaos de « Slaughterhouse » (2012), ce nouvel album marque un virage supplémentaire dans la machinerie et la froideur. Après 15 ans de carrière et environ 400 albums, Ty Segall peut donc encore surprendre.

The C.I.A. // Surgery Channel // In The Red, sorti le 20 janvier
https://thecia.bandcamp.com/album/surgery-channel

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