Si Thomas De Quincey est sorti cette année en Pléiade, c’est qu’il est grand temps de parler de l’opium du peuple, ou même de l’opium tout court. Et s’il existe, en ce bas monde ou dans un autre à barres parallèles, des musiciens qui en chargent par semi-remorques lorsqu’ils partent en tournée, c’est bien les Growlers. Hallucinerions-nous tous, toi, moi, et vous, là ?

L’opium vous a-t-il déjà fait l’effet d’un miroir démultipliant ? À moi, oui. Et j’ai retrouvé cette sensation deux fois dans ma vie : la première fois quand je suis retourné au Musée Grévin, et la seconde quand j’ai découvert les Growlers et l’usage disproportionné qu’ils font du trémolo. Fade in : la note se répète, se répète, se répète. Fade out : la note se répète, se répète, se répète. Là-dessus, une fuzz bien cracra pour bien tout bousiller. Un son psyché sixties qui vous métamorphose en omelette, en montre molle ou en gelée de gombo, au choix.

Pour les Growlers, partir on tour, c’est d’abord partir en live. À L.A., pour payer son dealer, on ne peut pas rester indéfiniment dans un studio en train de faire le geek devant un magnétique 4-pistes vintage. Il faut faire des gigs. Ça tombe bien, ils sont pas difficiles, les Growlers, on the road : tu bookes une date à 20 miles de Costa Mesa et tu réserves une chambre pourrie dans le B&B du coin (une, ça suffit, ils s’y entasseront à cinq). Seule exigence : que la chambre soit à une dizaine de mètres du point de chute et que le frigo soit full-fourni en roteuse.

–  Tu vois le mec avec son beedis au coin du bec ? C’est un Growler.
–  Ah, OK !
–  Maintenant, tu vois l’autre mec avec son chapeau Tijuana style et une cithare à laquelle il manque deux cordes ?
–  Ouais, je vois bien, mec.
–  Eh bien, c’est un Growler, aussi.
–  Ah, OK, OK ! Et heu…  et alors ?
–  Et alors c’est tout.

La réception de la musique des Growlers dans les chaumières est à l’image de ce dialogue : il mène à rien. Ça t’flatte l’ego si ton papier est retweeté en minilink, mais sinon, t’attends pas à les voir finir sur un sampler Fnac Indétendances. Par son essence même, faite de patchouli et de bourgeons de jasmin, ce groupe ne peut pas dépasser une certaine audience. Bim, le discours récurrent du groupe de chapelle, de niche, de chapnichelle. Ce qui me déprime et me pousse à aller consulter.

Syndrome : peur de mal communiquer mon amour pour les gros-grow-groove-grrrhhhowl… oh, toubib, j’arrive plus à l’dire !

Symptômes : eczéma séborrhéique, problèmes de rétention d’eau, infections fongiques, parasitoses inflammatoires, dermatoses allergiques et hémorroïdes internes.

Prescription : 1,5 ml d’huile essentielle de ravintsara tirée de Sea Lion Goth Blues + 100 ml d’huile végétale de Jojoba extraite de Wandering Eyes (l’huile essentielle de ravintsara peut être remplacée par du laurier noble).

Contre-indications : la voix (d)éraillée sur Acid Rain des Growlers ayant des propriétés décongestionnantes, régénératrices, aphrodisiaques et insectifuges, il est préférable de compléter la médicamentation par un usage irraisonné de substances psychotropes.

Recommandations : appliquer directement dans le tympan droit puis masser, et refaire la même manipulation avec le tympan gauche, au son de ma chanson préférée, introuvable sur le Net à part sur, hum-hum, Last FM.

Du coup, je vous mets un embed d’un Bill Murray se dandinant :

The Growlers // Are you in or out ? + Hot tropics // Everloving Inc.
http://thegrowlers.bandcamp.com/

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