Peu connu en France, le chanteur-guitariste londonien Andy Roberts proposait en 1971, avec « Nina and the Dream Tree », un ambitieux mélange de folk-rock teinté de psychédélisme et d’inflexions soul. Entre indolence solaire et introspection noctambule, l’album demeure une belle invitation à la contemplation. De quoi le sortir de cette seconde division où il a été injustement placé.

Largement sous-estimé, le talent d’Andy Roberts semble aussi avoir été sous-exploité. Le guitariste londonien est surtout connu des mélomanes pour avoir épaulé Pink Floyd sur la tournée de « The Wall », en 1981. Le folkeux fut aussi l’un des plus fidèles compagnons de route du transfuge de Fairport Convention, Ian Matthews, avec qui il fondera l’éphémère Plainsong, en 1972.
Roberts, qui fit ses premières armes au sein du collectif poético-musical, The Liverpool Scene, à la fin des années 1960, avait pourtant de belles dispositions d’auteur-compositeur. Comme le prouve son deuxième album solo, « Nina and the Dream Tree », paru en 1971 chez Pegasus, cet obscur label mit la clé sous la porte peu de temps après la parution du 33 tours, qui peina, de fait, à trouver son public.

Multipliant les projets à l’époque, la démarche artistique de Roberts est alors hésitante, le musicien oscillant entre son goût prononcé pour la musique populaire américaine traditionnelle (folk, blues, country) et des efforts de sophistication propre à la période. C’est d’ailleurs un équilibre aussi précaire qu’étonnant entre ces deux éléments qui rend son Nina si attachant.

Folk-soul taillé pour les grands espaces

Réalisé par Sandy Roberton, producteur associé à la fine fleur de la scène folk britannique d’alors, le LP est seulement constitué de cinq chansons. Celles-ci sont souvent étirées par des respirations instrumentales où guitare acoustique et piano occupent généralement le premier plan. Le disque est taillé pour les grands espaces. Et l’ampleur contemplative qui s’en dégage en fait un parfait acolyte pour l’automobiliste traversant le Midwest américain  (ou, plus près de nous, les plateaux du Larzac en empruntant l’autoroute A75).

Ce charmant témoignage de “progressive folk” s’ouvre opportunément sur Keep My Children Warm. Les glorieux accords majeurs d’un piano et le souffle suave d’un saxophone évoquent les rayons du soleil pointant au petit matin, derrière l’horizon des collines. Puis, viennent la six cordes et la voix assurée d’Andy Roberts. Le texte, qui semble rendre compte d’une séparation (définitive ?), est interprété avec un détachement touchant et sans mélancolie feinte, comme pour signifier que la vie doit suivre son cours. Très soul, le morceau gagne en emphase, via des arrangements gospels dominés par des chœurs féminins et des envolées au saxo.

Traveling musical

Vient ensuite ce qui demeure peut-être à ce jour l’un des trésors les mieux cachés du début des seventies. Car rarement notes et mots se sont aussi bien accordés que dans le cinématographique et crépusculaire, I’ve Seen the Movie.

Dans ce travelling musical bouleversant de pudeur, Roberts fait une nouvelle fois référence à un amour contrarié. Et ce, en usant d’obscures métaphores tissées autour du septième art, comme pour mettre à distance ses sentiments.

Cette impression d’isolement est rehaussée par l’entrée en scène de cordes enveloppantes, un peu plus d’une minute après le début du morceau. La partition, superbe, est l’œuvre de Robert Kirby, à qui l’on doit notamment les subtils arrangements des chansons de Nick Drake, à la mêm​​e période. Dans un pont aussi contemplatif que bien senti, les violons dialoguent avec quelques notes égrainées au piano et à la guitare acoustique. Le morceau se termine sur un aveu cru et désarmant du chanteur qui, après avoir baladé l’auditeur dans des vers surchargés d’images, fini par déclarer simplement à son destinataire : “I really wish you’d call / I’m going to miss you that’s all”.

Le miracle d’équilibre et de concision qu’est I’ve Seen the Movie, prouve en 5’40 minutes de quoi Andy Roberts était capable. Il ne fera malheureusement jamais mieux. Dans la suite de sa carrière. Mais aussi dans le reste de l’album, qui n’atteindra plus un tel niveau d’émotion retenue.

Une “suite” folk de 15 minutes

Ce qui vient après demeure pourtant de bonne facture. En témoigne la troisième piste du disque, formée de l’imbrication de trois chansons distinctes. Roberts renoue ici avec la chaude indolence gospel de Keep My Children Warm, tout en se montrant plus nerveux dans l’électrique Breakdown.

L’on passera rapidement sur Good Time Charlie, anecdotique reprise du trio de country-blues américain, Koerner, Ray & Glover, pour se concentrer sur Dream Tree Sequence. Cette ambitieuse “suite” folk de plus de 15 minutes fait cohabiter avec bonheur psychédélisme, arpèges étranges à la Bert Jansch et passages soul solennels, poussés par l’orgue Hammond de Zoot Money, invité de marque. Présent sur l’ensemble de la plage, le claviériste star des sixties donne parfaitement le change à Roberts. En particulier dans un long interlude instrumental, où piano et guitare folk se répondent avec grâce et douceur, en jouant subtilement avec les silences. Le moment vient souligner la finesse du jeu de Roberts, qui brille par son humilité. Or la modestie est rarement la clé du succès. Ceci explique peut-être en partie cela…

Andy Roberts, Nina and the Dream Tree, Pegasus, 1971. L’album n’a été réédité qu’une fois, en 2005, par le label japonais Strange Days Records, en format CD.

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