Au départ, les mines décomposées qu’on pouvait alors voir apparaître sur l’ensemble des visages des festivaliers croisés en ville ne laissaient augurer que tristesse et noyade dans l’alcool pour oublier.
C’était sans compter sur la volonté des équipes organisatrices de la Reverberation Appreciation Society de maintenir le festival. Ni sur la forte composante de solidarité et de Do It Yourself de la scène musicale d’Austin. De vrais génies. Jamais nous n’aurions pu imaginer que ce qui allait se dérouler pouvait même à certains égards dépasser la magie du festival traditionnel. Aussi, lorsque l’organisation décida de relocaliser en grande pompe la majeure partie des concerts en plein centre ville – on compare alors le Levitation au SXSW, autre grand festival rythmant la vie de la capitale du Texas et se déroulant au cœur d’Austin – tout s’est transformé en véritable champ de bataille pour trouver des places. C’est ainsi qu’a débuté mon improvisation.
À la pré-party du jeudi je me permets de voir un grand nombre de groupes le même soir, à commencer par The Golden Dawn, groupe de rock psyché texan d’Austin formé en 1966, dans la veine du 13th Floor Elevators. De jeunes papis toujours en pleine forme.
Les Night Beats remettent une cure de jouvence à la soirée avec un set bien grindy et plein d’énergie pour remercier les gens présents, la plupart dépités par la nouvelle de l’annulation. Du bon Night Beats sur la scène extérieure de l’Empire Garage avec un public bien déglingué, rien de tel pour commencer un « festival ». Je passe ensuite côté Barracuda et assiste au live des excellents Levitation Room et leur garage 60’s super mélodique bien planant, un vrai revival nugget.
Les filles barrées et grivoises de Coathangers et leur attitude riot girl me tapant un peu sur le système, je décide d’enchaîner sur un jeune groupe prometteur de L.A. signé chez Lolipop Records, The Turns, le cul entre deux chaises : mélange parfait de mods anglais et de surfeurs californiens. Cette pré-party du jeudi soir se concluait parfaitement, bercée comme dans un hamac par la pop psychée à tendance latino des Mystic Braves de L.A., dont l’absolument génial dernier album ‘Days of Yesteryear’ qui enchaîne les hits envoûtants du niveau mélodique des Zombies.
Vendredi, je me rends aux studios de la radio campus locale KUTX pour checker le showcase de Dungen, Suédois absolument géniaux proposant un rock psyché aux consonances jazzy 70’s bien placées et des mélodies pop-nordiques auxquelles seuls les Scandinaves savent nous habituer.
Le soir, après seulement deux heures et demi d’attente devant la salle, un petit Mexicain super cool galérant autant que moi pour choper de la place à l’entrée me gratifie d’un sésame pour rentrer. Merci Chicano ! Le set 70’s parfaitement déstructuré de Dungen nous envoie plus vite dans l’espace que n’importe quel vol d’Apollo. Puis, les géniaux Brésiliens de Boogarins et leur style psyché tropical bien perché, ainsi que le rock psyché touareg des Algériens d’Imarhan mettent une véritable claque à un public texan déboussolé et finissent d’achever mon voyage.
Samedi, après m’être encore une fois débrouillé, j’assiste au set des Français de Blondi’s Salvation qui envoient quatre chansons de leur album psyché-hippie à tendance celtique et nous entraînent dans un autre monde fait de forêts peuplées d’elfes et de princesses aux allures Woodstockiennes. Très heureux d’avoir pu assister au concert des seuls représentant de la scène psyché française du festival, je m’oriente ensuite vers le concert des MacDeMarco-friendly Mild High Club avec leurs looks de post-adolescents indie 90’s et leur son bourré de flangers et démodulations mélodiques comme on en fait que chez Robert Wyatt ou Burgalat. Ce groupe a vraiment de la gueule sur scène et leur sens de la mélodie imparable allié à leur désinvolture les rend très attachants.
Direction le set de La Luz, groupe de minettes rock 60’s aux riffs de guitare terriblement élégants originaires de Seattle. Ces nanas ont du chien, une super attitude sur scène et balancent un concert stylé, avec des guitares très surf-rock pleines d’écho et de reverbs. Je passe sur les sets de Delicate Steve qui m’ont donné une fausse impression de musique d’ambiance et d’Ultimate Painting, et dont la majorité du live s’est révélée très gentillet. Autant se jeter dans le bain avec les Murlocs, la tête la première. Ces jeunes Australiens dont le leader participe à King Gizzard & The Lizard Wizard comme harmonica/backing vocal mettent une véritable baffe en live. Tout comme l’écoute de leurs deux albums proposant un rock garage aux mélodies ciselées, virant sur le blues du bayou et avec un chanteur chargé comme une pile à la voix nasillarde à souhait et dégainant un harmonica salvateur plus vite que son ombre.
Un crochet par Al Lover, DJ de la scène rock psyché qui vient de produire l’album hommage ‘A Tribute to Pet Sounds’ sur Reverberation Appreciation Society avec la crème de cette scène sortant dans le cadre du festival permet de jauger le talent d’expérimentateur et le sens du psyché du bonhomme.
Vient le tour des très attendus King Gizzard et leur rock psyché progressif très rapide et puissant (limite tapageur) déclenchant pogos ravageurs et slams à foison. Je sors de là lessivé et tente ma chance dans la foulée pour rentrer au Scoot Inn voir les Allah-Las et les Black Angels, en vain. Je m’aperçois que des engins de chantier garés autour de la scène extérieure du club où avaient lieu les concerts permettent de conjuguer vue imprenable sur le concert et son de qualité, dans une ambiance hyper bon-enfant au milieu d’autres festivaliers. J’assiste à la fin des Allah-Las suivis des Black Angels, grands gaillards du coin à l’initiative du festival et participant activement à son organisation, qui nous offrent un moment émouvant avec leurs chansons aux guitares heavy progressives et envoûtantes. Ils se surpassent encore une fois malgré tous les problèmes à gérer en urgence avec l’annulation du Carlson Creek Ranch et font basculer le public dans un moment d’extase général.
Le lendemain, je me rends au concert des ours heavy-stoner psyché de Sleep, dont le style flirte parfois avec le métal, ce qui me permet de découvrir la chouette scène du Mohawk. On passe un moment intense dès midi pour mieux commencer la journée qu’avec un bol de Ricoré et on se rend ensuite au Barracuda pour une fin d’après-midi/soirée intense. En-dehors de quelques groupes vus la veille – et dont les prestations furent même meilleures – j’ai la chance d’assister aux lives terribles de trois groupes représentant avec brio cette scène rock psyché à qui est dédiée le Levitation : les formidables Holy Wave et leur sens du psyché rare dont la qualité de la prestation me décompose sur place, le génie Christian Bland et ses Revelators qui me décochent une droite avec leurs chansons psyché intenses et leur charisme incroyable et enfin les Portoricains de Fantasmes, très grosse surprise en live et idéal pour une fin de soirée à planer totalement, pour atterrir ou rejoindre définitivement l’immensité spatiale. Leurs ballades psycho-cosmiques complètement intemporelles ensorcellent l’assemblée prête à grimper dans leur soucoupe volante sans aucune forme de résistance pour un aller simple vers d’autres galaxies.
Après ce long voyage aux confins de mondes perdus, nous finissons par alunir avec l’aide d’un dernier live des Mystic Braves. Clap de fin parfait pour atterrir en douceur.
La post-party à l’Hôtel Vegas le lendemain me donnera la chance d’assister au concert des Rotten Mangos, futur grand nom de la scène garage psyché dont le style peut représenter un pacte tacite entre des Tame Impala véritablement sous acides et des Temples qui auraient viré freaks. Le chanteur guitariste est traversé par des fulgurances mélodiques hallucinantes et la section rythmique tue, avec une mention spéciale à cette basse qui claque comme pas deux.
Merci à toute l’organisation du festival malgré le fail de l’annulation, vous avez géré la situation comme des chefs en maintenant une programmation d’une qualité folle. Tout s’est tellement bien passé qu’on est même en mesure de se demander si cette édition, avec ce petit brin de folie et d’improvisation, n’était pas encore mieux comme ça. On retiendra surtout la vague de good vibes et le bel élan d’entraide qui ont animé Austin pendant ces quelques jours. Tellement grand qu’on a presque envie d’annuler tout concert pendant une très longue période histoire de maintenir la barre très haut placée. That was freaky awesome Dudes !
1 commentaire
Putain mais comment t’as eu un visa pour les US ? C’est plus gardé qu’un coffre-fort ce pays de facho en ce moment.