Fondateur du tout nouveau disquaire Aberdeen Records à Biarritz, Mathieu Parisot a eu la bonne idée de prendre un billet pour le PowerTrip festival, sorte de mini Hellfest américain planté à Indio, en Californie. Dans ses valises, un carnet de notes, des bouteilles pour la sueur et le récit de son weekend endiablé avec des légendes si grosses qu’on ne les présente plus. La suite, c’est le récit de son expérience racontée dans l’avion du retour, tel un Hunter S. Thompson doté d’un all access ouvrant les portes du paradis métallique.

Power Trip 2023 Lineup Poster

IRON MAIDEN – Vendredi 6 octobre – Première partie

Doctor Doctor de UFO retentit suivi du thème de Blade Runner (celui de Ridley Scott) par Vangelis, les Iron Maiden déboulent sur scène et entament directement Caught Somewhere In Time. Le son est parfait, même proche de la scène, il n’est pas gênant, bien qu’il soit très puissant, les instruments sont bien positionnés dans l’espace, les détails sont perceptibles. Ce sera une constante tout au long des 3 soirs.

Une impression de grande sérénité se dégage de la prestation d’Iron Maiden, les membres du groupe ne semblent en effet pas tout subir la pression d’être les premiers à jouer au sein de cette programmation inédite.

(C) Mathieu Parisot

Ils sont appliqués dans l’interprétation de morceaux puisant dans leur vaste répertoire du premier album (Iron Maiden extrait de l’album du même nom sera joué en rappel) au dernier et 17e (The Death of the Celts issu de « Senjutsu »). En tant que fan, je remarque tout plein de petits détails qui rendent les plus anciens morceaux encore plus percutants, notamment par un travail sur le son des guitares. Il faut reconnaître qu’ils sont 3 guitaristes sur scène, ça doit aider ! Et puis, qu’est-ce que Bruce Dickinson chante bien… De mieux en mieux même. Entre les morceaux, il gratifie le public de considération sur le monde dans lequel nous vivons introduisant subtilement le thème du morceau à venir. En effet, derrière l’apparente simplicité des paroles se cache souvent avec Maiden un message philosophique sur l’importance de la culture et le rapport au temps, autrement dit la vie et la mort. Traversant les âges, leur mascotte Eddie avec son physique squelettique est là pour illustrer ce propos. Eddie, naturellement très présent dans les visuels diffusés sur les immenses écrans derrière et de part et d’autre de la scène, décliné selon les univers graphiques des albums dont font partie les morceaux joués, fait remonter à la surface mes souvenirs de dessins sur mes cahiers de collégiens…

Le groupe savoure le plaisir d’être sur scène et ça se voit.

Le lendemain, tout le monde est d’accord pour dire que c’était le meilleur show du 1er jour. Et puis, c’est quand même l’un des rares groupes où tous ou presque portent des t-shirts à l’effigie de leur propre groupe. 

GUNS N’ ROSES – Vendredi 6 octobre – 2e partie

Je ne les avais jamais vu sur scène et j’étais très heureux à cette idée, d’autant qu’on l’oublie peut être parfois mais c’est un groupe unique en ce qu’ils ont mélangé le glam rock et le punk (voir les artistes repris dans « The Spaghetti Incident ») dans leur mixture et de ce fait a grandement contribué à l’élargissement de ma culture musicale.

Le son est bon, un peu moins enveloppant que celui de Iron Maiden, donc un peu moins puissant, mais il n’y a que 2 guitares, c’est parti pour 3 heures de show GNR ! Car oui, le concert des Guns va durer 3 heures, et c’est peut être là que ça coince : Axel même s’il est toujours dans le tempo n’a pas la voix pour tenir aussi longtemps donc je fais l’hypothèse qu’il s’économise. Résultat : sur certains morceaux, ça fonctionne, sur d’autres, beaucoup moins. Côté musiciens, tout le monde assure. Slash. Slash quoi ! Il a progressé ! Dans ses solos, les notes s’enchaînent à une vitesse folle et pourtant ses doigts se déplacent avec flegme, c’est vraiment beau de le voir jouer (dans son t-shirt Alice Cooper). Duff McKagan a la classe dans son gilet de cuir noir avec une broderie « LAMF » rose bonbon, rose que l’on retrouve sur le sticker « Love Symbol » qui orne sa basse blanche, tout est dit. D’ailleurs son interprétation au chant de la reprise des Stooges T.V. Eye sera un des meilleurs moments du concert. Et croyez-moi, ça me fait mal de l’écrire.

Les meilleurs moments justement : Bad Obsession, Pretty Tied Up, Live and Let Die, Down On The Farm, le solo de guitare de Slash introduit par une petite taquinerie d’Axl avec le public, Welcome To The Jungle cache une géniale montée presque électro avant le final !

Electro, parlons-en. Axl dont il ne fait aucun doute que c’est lui qui commande n’aurait-il pas voulu se la jouer « HOLO » de Eric Prydz ? Les visuels sont beaux mais vraiment je ne m’y fais pas, ça ne colle pas avec leur univers.

Axl lui change de tenue tous les 2 morceaux et massacre Rocket Queen sauvée par une longue partie instrumentale avec plein de solos d’abord de Richard Fortus puis de Slash. Sur Better (très bon morceau de « Chinese Democracy »), l’intro heavy est énorme et le chant de la choriste et multi-instrumentiste Melissa Reese au look cosplay manga le sauve car elle double sa voix (souvent), ainsi que les riffs à découper le jambon de Slash et le solo de Richard.

Tout le monde chante sur Anything Goes, et ça le fait.

Malin drapeau ukrainien en intro de Civil War où la voix de Axl fonctionne et Slash sort la grosse artillerie avec une première double manche. Sur Sweet Child O’ Mine, Axl revient avec un perfecto en serpent blanc qui défonce et sa voix ne passe pas trop mal.

November Rain, quel morceau quand même ! Axel est au piano et enchaîne sur Patience où le parler chanter ne le dessert pas. Sur Coma, il est un peu à la traîne mais parvient à hurler parfaitement sur le final. Un Paradise City réussi clôture le show et Slash fait un poirier sur son haut de forme pour sortir de scène… No regrets !

Judas Priest – Samedi 7 octobre – 1e partie

Pour le 2e soir, la première partie est Judas Priest. Initialement, lors de l’annonce du festival, Ozzy Osbourne était à l’affiche mais son show a été annulé pour raison de santé. Les organisateurs se sont tournés vers Judas Priest, groupe anglais de la NWOBHM (New Wave of British Heavy Metal) avec pas moins de 18 albums à son compteur. Comme souvent dans les entreprises humaines, le groupe a connu son lot de changements de personnel notamment avec le départ en 1992 de son chanteur emblématique Rob Halford revenu au bercail depuis 2003. Malgré tout il y a un côté « gardiens du temple du metal » chez ce groupe grâce au registre vocal très étendu de son chanteur et à l’utilisation de 2 guitares électriques (une pour la rythmique et une pour les solos).

(C) Mathieu Parisot

Rob justement est au top et même s’il se déplace un peu lentement, il arpente l’intégralité de cette grande scène, pour s’approcher de tous les fans et mets en valeur les musiciens à tout moment par des gestes d’ouverture, comme des sortes de bénédictions, c’est touchant de voir cet homme qui pourrait être le papa de certains d’entre eux les adouber de la sorte. Notamment les deux guitaristes qui rivalisent de technicité, mais toujours au service des morceaux, jamais dans le côté démonstratif.

Il apparaît clairement que ce groupe fonctionne telle une machine bien huilée où chacun a sa place pour exprimer son individualité tout en gardant en tête l’importance de faire perdurer le projet commun. Communion qui se prolonge avec le public régulièrement flatté et encouragé à prendre du plaisir. Même l’excellent batteur s’y met en expliquant les circonstances de leur présence ici détaillées plus haut et remercie tout le monde pour avoir rendu cela possible et envoie tout son respect de la part du groupe à Ozzy.

Le son est encore parfait, le show visuel est top, raccord avec l’univers « biker metal » des morceaux qui s’enchaînent sans temps mort, le plaisir de jouer est palpable, l’envie de bien faire aussi. Totale est ma joie quand ils terminent avec passion leur show sur mon morceau préféré, Living After Midnight !

AC/DC – Samedi 7 octobre – 2e partie

AC/DC est probablement le groupe le plus attendu par les festivaliers, en majorité plus que quarantenaires. Ce qui frappe dès le début du show, hormis la musique et la puissance du son, c’est combien c’est réussi visuellement. Sur Back In Black, c’est magnifique de sobriété : comme sur tout le show, des idées d’une simplicité désarmante mais tellement puissante sont développées par la technologie qui s’efface pour laisser place à l’imaginaire. Autre exemple sur Thunderstruck : un « première couche » d’image montre des montagnes à la tombée de la nuit comme un fond d’écran suggérant un paysage où peuvent se former des éclairs. Les musiciens sont filmés en plan serré et ajoutés sur les montagnes. Puis à des moments bien précis du morceau, des éclairs jaillissent du ciel. Oui mais ce n’est pas tout ! Ces éclairs atterrissent sur la guitare de Angus ou sur le micro de Brian, c’est magique.  Et c’est parti pour un voyage dans l’univers atemporel du groupe. Je trouve même qu’on est ici au cœur de l’affaire. Pensez aux détracteurs du groupe, ils disent quoi ? « La musique d’AC/DC est toujours la même ! » Ils ont raison ! Et c’est ça qu’on aime ! Année après année depuis 50 ans, ils remettent le rock sur leur établi pour le peaufiner, l’améliorer, en faire un expérience totale comme celle que j’ai vécu avant-hier soir ! Car avec pas moins de 52 amplis Marshall comptés sur la scène, on parle là d’une orgie électrique. C’est simple, il y a un petit blanc de 15 secondes entre chaque morceau. Quand ça repart, je me faisais surprendre à chaque fois tant c’est puissant. Le son est très bon, je le ressens physiquement.

(C) Mathieu Parisot

La batterie d’abord remonte le long des jambes. La basse groove par-dessus et les guitares s’entremêlent. Enfin la voix si caractéristique de Brian vient raconter l’histoire. Mais à la façon Steinbeck hein, très épurée. Les mêmes phrases ou mots sont répétés en chœur tels des mantra pour simplifier le message et être sûr qu’il passe bien.

Ces mecs étaient pris pour des cul-terreuux ? Ils sont devenus d’un chic. Faut avouer qu’ils ont chopé le nom de groupe le plus cool ever, non ? Et pourtant, ils ne sont pas revanchards. Ils font leur truc à fond. Angus et Brian assurent le show. Ce dernier chante comme un damné sur High Voltage RnR par exemple. Tous sont habillés de noir sauf Angus bien sûr dans son uniforme d’écolier mais as de bagouze, pas de montre, pas de bracelet, tout pour la musique. Ils sont en forme physique ça se voit et ils se donnent sans retenue, comme s’ils allaient mourrir non après chaque concert mais après chaque morceau ! Comment ne pas aimer ce groupe ?

Et comme à chaque concert, sur Let There Be Rock, Angus fait son feu follet sur la nacelle qui monte devant la scène pendant son solo de guitare. Ben oui. Ils se prennent la tête pour ça rien que pour un solo. Angus se donne beaucoup de mal en particulier, mais il est l’âme de ce groupe. Toute cette énergie vous met la banane. Y’a même pas besoin de connaître les chansons elles sont toutes énergiques et mélodiques car ces mecs sont en mission pour ça. Pour le rock.

Tool – Dimanche 8 octobre – 1e partie

3e et dernier soir, je dois le confesser, Tool est le groupe que j’attendais le plus de ce festival. James M. Keenan délivre quelques mots pour introduire le concert « You look beautiful. And you smell delicious. »

Le son est parfait encore une fois. C’est assez rare quand le son est très proche du disque mais en plus percutant, plus puissant, plus insidieux. On redécouvre les chansons qu’on connaît mais en plus pénétrantes. Il n’y a que le live pour faire ça pour procurer ces émotions. C’est énorme. Car c’est une corde raide de parvenir à ce résultat et de s’y maintenir pendant plus d’une heure. Les morceaux sont parfaitement reproduits et pourtant ils ont cette touche live si fragile qui les rend inoubliables. Tool sont moins connus que les cinq autres groupes. Leur univers est à part. Il y a un parfum de danger chez eux, de geekerie étrange aussi. Des connexions avec la science, la médecine dans leurs paroles, avec les animaux et les extra-terrestres, la transformation des corps (influence de Genesis P. Orridge ou peut-être Orlan plus proche de nous) dans leur univers graphique si particulier. Ce sont des weirdos qui doutent du monde tel qu’on nous le présente et laissent la place au chaos. Et puis leur blase. Ça fait penser à des outils pour faire des trucs à plusieurs, enfin vous voyez…

(C) Mathieu Parisot

La pulsation est capitale dans leur musique. Le batteur et le bassiste sont l’ossature. Ce qui est toujours le cas mais encore plus chez eux. Le guitariste et le chanteur tel un chaman viennent apporter leur touche de bizarrerie. Des récits de vies chaotiques mais passionnantes. Les morceaux qui sont joués puisent dans leur discographie espacée sont construits ainsi : un motif de base est répété à l’envie, des couches successives sont ajoutées au service d’une transe qui m’emporte. Et puis d’un coup, on revient à la mélodie de base après avoir ouvert les tiroirs dans les tiroirs et on reprend son souffle. Parfois le chanteur répète des mots inlassablement. A l’image de cette immense étoile à sept branches qui orne l’arrière de la scène, elle parait impossible, on cherche les triangles qu’on ne trouve pas !

Ce groupe a toujours cultivé une aura de mystère et ce n’est pas ce fabuleux concert qui va changer la donne mais leur a sûrement permis de recruter des nouveaux adeptes, car le mystère… c’est ce qui crée le désir non?

Metallica – Dimanche 8 octobre – 2e partie

Les notes de Ecstasy of gold de Ennio Morricone pour la musique de « The Good, the Bad and the Ugly » résonnent et on sait que c’est parti pour le dernier concert de ce festival dans le désert. Bon là, tout le public est terrassé. Le son est d’une puissance rarement entendue. Tous les instruments sont bien en place. Chacun distinctement.

Les animations visuelles sont simples, efficaces, mettant en valeur chacun des musiciens. Kirk Hammet s’en donne à cœur joie avec ses solos. Robert Trujillo prend le micro et explique avec Kirk, spécialement pour ce concert, ils ont composé Funk in the Desert, un petit morceau instrumental qu’ils viennent interpréter au plus près du public, tout à l’avant de leur scène que seul Metallica pouvait développer avec un pit dans le pit encerclé par deux pontons qui se rejoignent en plein milieu du public ! Robert continue ; « on était là dans le public, on a vu nos héros avec vous et on a kiffé comme vous » !

(C) Mathieu Parisot

Avant de commencer Fade To Black qui traite du suicide, James a ces mots parfaits « Here is a subject we are not supposed to talk about. But if you feel darkness, please talk to your friend. We love you the Metallica family. » Car oui c’est une grande famille qui semble réunie dans le désert, tout simplement pour se faire plaisir, profiter et partager des bons moments. D’ailleurs, le chant de James est libéré. Il se permet des notes, de moduler son chant, d’accélérer sur des mots pour leur donner plus ou moins de saveur, d’emphase, de ralentir sur d’autres. C’est beau. Les solos de Kirk sont justes magnifiques, tellement fluides. Robert triture sa basse avec tant de force et de puissance. Et Lars est impérial derrière ses fûts.

Cette scène magique leur permet de venir jouer au plus prêt du public car une batterie cachée en sort ! Ils nous gratifient d’un Seek and Destroy véloce et majestueux. « Peu importe qui vous êtes venu voir, vous êtes de la famille. Comme vous, nous sommes venus voir les autres groupes. Vous, peut être nous… »

C’est trop cool le nombre de potes qui se checkent et se hug si contents de partager ce moment. Moi y compris avec Joey mon pote de Chicago rencontré un peu plus tôt dans la navette.

« Once in a lifetime experience » qu’ils disaient. Fuckin’ yeah.

Pour retrouver Mathieu dans la vraie vie, ça se passe chez le disquaire Aberdeen Records, à Biarritz, au 13 rue Gambetta, 64200 Biarritz. Et sur Instagram, ça se passe par là.

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