Et rappel des faits : en 1985 sort “Old Ways”, un album country aussi bon que les entrecôtes du buffle des zones commerciales. Au départ, une commande de David Geffen qui espère un “Harvest 2” après le cuisant échec de “Everybody’s Rockin”, autre disque raté dont on vous a déjà parlé. Suite à ce nouveau pied de nez, le label que Young a fait chier un quinquennat durant exige quelque chose de moderne. Il n’en faut pas plus pour que notre hôte prenne un malin plaisir à démontrer l’absurdité de la requête en livrant son… pire album. Et non seulement ça, mais tout en prouvant qu’il y a du génie dans sa médiocrité.
Tout est histoire de contexte chez le loner
Son passé est encensé par la jeunesse, mais les pages des années 80, qu’il a passées à pourrir sa carrière pour montrer à Geffen qu’il était libre quoiqu’il lui en coûte, sont trop facilement mises de côté. Peut être que l’attitude de ce héros dont on sélectionne les actes de bravoure résonne peu aujourd’hui chez tant de jeunes groupes habitués à la compromission des pubs pour banque et autres tremplins débiles. Ceux-là même qui découvrent enfin Young alors qu’ils parlent de lui-même à l’imparfait. Et ceux-là même qui n’ont jamais su que Neil allait toujours de l’avant (cf le disque “Trans”, son chef d’œuvre qu’on lui a tant reproché). « Landing on water » sera donc la démonstration que Neil maîtrise l’euphémisme à merveille. Car plutôt qu’un amerrissage d’urgence, c’est d’un crash en plein vol don’t il s’agit. Est-ce du second degré inspiré ? Le plus dingue dans cette histoire, c’est que sur le paquebot de Neil il y aura des survivants au naufrage comme le très justement synthétique Hippie dream, Touch the night… ou le bien nommé I got a problem, qui tente même la synthèse des âges, celle d’un tout jeune quadra qui ne veut ni oublier, ni se reposer, sur son héritage rock. Et au passage, notre hôte découvrira à ses bénéfices que le fan de rock est con.
Bonus. La pochette de “Landing on the water » est sûrement la plus laide que Young nous ait jamais offerte. Dans ce crash suicidaire (toute ressemblance avec l’actualité serait fortuite) ressort encore une fois le droit à la médiocrité. Preuve que le Canadien est capable d’être mauvais quand il veut être bon (une bonne partie de “Storytone”), et inversement (“Bad news beat”). Alors que la jeunesse se focalise sur la vieillesse (ce putain de revival 70’s dur à digérer), beaucoup de ces anciens ont fait le contraire, à tort ou à raison. Et si on ne peut s’empêcher de penser que si Neil a voulu mettre Geffen au pied du mur, son entreprise de démolition n’en est pas moins honnête. “Landing On Water” (1988), singulièrement mauvais, reste un disque sincère et une autre tentative de Neil Young pour marier son propre héritage au fossé des années 80. Le comble étant peut-être de voir qu’un ancien a cru en une jeunesse qui ne croît pas en elle-même. On se demande au final si le crash avéré (ou plutôt le très idéaliste amerrissage) que Young souhaitait évoquer ne concerne pas l’impossible conciliation des époques. Quoiqu’il en soit, le « père du grunge », figure mal mythifiée, aura donc tenté la pop synthétique dans les 80’s. Et lancé un message à ceux qui ne jurent que par le vintage : l’avenir ne regarde pas en arrière. Eh oui, c’est con dit comme ça, mais The Graviators n’ont pas l’air d’être au courant. Et ça, c’est clairement plus problématique.
5 commentaires
j’adore cet album
Il ne peut en rester qu’un!
……………ce ne sera pas celui-là
Pochette superbe, minimale comme un bon Factory. Touch the night, un de ses meilleurs morceaux. Pfffff
ouais Touch the night est bon, pour ça qu’il fait partie des survivants. Je ne déteste pas cet album. Même si je ne trouve pas le résultat bon sur le plan musical, j’aime ce qu’il a voulu faire, et qui était bien plus couillu que beaucoup d’autres groupes