Frappés du syndrome Nick Hornby, nombreux sont les mélomanes se risquant à un moment ou à un autre à dresser une liste des groupes les plus sous-estimés de l'histoire. En omettant bien sûr à chaque fois d'y insérer Make Up, groupe jamais cité lors des sempiternels débats entre amis et cruellement absents des réseaux sociaux de tout poil où l'on bombarde pourtant de la musique à toute heure du jour et de la nuit.

Et alors, c’est grave docteur? Non. Bien sûr que non. Mais un peu quand même. Make Up, c’est un peu comme un film de cul que tu chérirais à outrance, tu as très envie d’en parler à la terre entière tout en ayant en tête une immense crainte : qu’il te fasse bander mou par la suite. « C’est vrai que le culte collectif rencontre des limites, mais il est avant tout source de plaisirs divins et d’affirmation des sens », nous indique Raël en coulisses. Feu vert pour en parler, donc.

Actif de 1995 au début de l’an 2000, Make Up est peut-être un groupe trop parfait pour faire adhérer les foules. Hébergés sur des labels top crédibilité comme K records, fondé par l’activiste Calvin Johnson, ou Dischord, maison mère de Fugazi, il ajoute à son carquois quelques flèches saillantes : une discographie qui ne souffre d’aucun point faible (en quatre ans sortiront ainsi trois LP’s studio au contenu irréprochable) mise en valeur par des pochettes magnifiques et un look digne du chapeau melon et bottes de cuir des swinging sixties. Bref, il a toutes les qualités requises pour marquer son époque, à l’exception du sens du timing et du marketing.

Après quatre 45t prometteurs, le groupe débute ainsi sa discographie avec… un album live (« Destination : Love« ) et l’achèvera quatre ans plus tard avec une compilation de singles (« I want some », récemment rééditée) en guise de cercueil. De la musique vivante à la musique morte, il n’y avait finalement que quelques pas. Le temps de cette courte marche, Make Up (qui a décidé de se la jouer sans Beckham) va sortir trois LPs au contenu irréprochable et d’une cohérence rare. Pas de temps mort, aucune faiblesse, des merveilles par dizaines, ces américains originaires de Washington D.C parviennent à enfanter entre deux olympiades une discographie plus parfaite que celle des Smiths une décennie plus tôt. Des athlètes de haut niveau, recordmen du morceau assassin.

Mais cette musique, c’est quoi? Je n’ai jamais été très doué pour décrire la musique que j’écoute ou pour lui coller une de ces satanées étiquettes (« Alors que branles-tu chez Gonzaï? », me dit-on au fond de la salle. Très bonne remarque, mais ce n’est pas le débat du jour), mais avec Make Up, c’est assez facile. Quel que soit l’album, tu découvres immédiatement la sauvagerie, l’élégance, la sensualité, l’énergie brute, le côté salace, la classe, le style, le mordant et l’ironie (In mass mind est ainsi produit par « Adam et Eve ») qui font parfois défaut aux groupes actuels. Sinon, pour ce qui est de l’étiquette : Make Up fait de la pop garage, du rock de ferrailleurs.

Au chant, le brillant leader Ian Svenonius susurre avec morgue et nonchalance des mots qui claquent, des phrases qui marquent, avant de se laisser aller à des déflagrations sonores brutales. Le batteur Steve Gamboa et la sublime bassiste Michèle Moa jouent comme s’ils étaient les deux mains d’une seule et même personne, pendant que le guitariste James Canty tricote à la guitare des motifs ahurissants d’efficacité que tout amateur de pull jacquard devrait apprécier. L’orgue est omniprésent. A quelques exceptions, chaque morceau est concis, précis, le groupe fait dans la dentelle et écrit des tubes potentiels à la pelle (au hasard : Pow! To the people ; I am pentagon ; Joy of sound ; Drop the needle…). Problème : le rock n’est vraiment pas en odeur de sainteté dans cette seconde moitié des 90’s qui ne jure que par la musique électronique ou presque. Et le rock garage encore moins. Alors Make Up reste confidentiel. Et tournera vite la page. En 2000. Un an avant l’explosion médiatique des Whites Stripes, Strokes et autres groupes en The… Poissards jusqu’au bout. L’époque ne veut pas d’eux, et la messe est dite.

The-Make-Up

Dès lors, plus rien ne sera jamais comme avant pour le petit génie Svenonius. Ne lâchant pas l’affaire, il monte en 2002 Weird War, supergroupe intégrant Michelle Mae et Neil Hagerty (ex Royal Trux). Rebelote. Quatre très bons Lps sortent en quatre ans dans l’indifférence générale. Trop weird? Même pas puisqu’on jurerait entendre Make Up sur certains titres. Parallèlement, Ian devient animateur d’une émission rock de folie (Soft focus), se révèle auteur théoricien dans deux brillants bouquins sur la pop culture, puis revient avec Calvin Johnson sous une troisième incarnation toujours en activité : Chain and the gang. Mais tout ça, c’est une autre histoire.

Tu l’auras compris, comme Usain Bolt, Make Up frisait l’excellence en permanence. Difficile d’isoler un de leurs albums plutôt qu’un autre. Le plus simple est peut-être de découvrir le groupe avec leur premier LP studio, « Sound Vérité », dont la pochette est un bel hommage au « Forever changes » de Love sorti en 1967. Et la prochaine fois que tu réfléchiras à ta liste des groupes les plus sous-estimés ou qu’un pote te demandera un conseil, tu sais ce qu’il te reste à faire. Rassure toi, même après avoir éventé ce secret encore trop bien gardé, le maquillage te fera toujours autant d’effet et ta libido n’en sortira que plus grandie.

9 commentaires

  1. Je les ai découverts en concert et ce fut -je pèse mes mots- une épiphanie. J’ai compris ce soir ce qu’on put ressentir les gens qui découvraient les Stones en ’64: le rock’n’roll.

    Koko a raison: c’est Jonathan Fire* Eater qu’il faudrait ressortir du purgatoire. Ces deux groupes sont vraiment arrivés au mauvais moment et ce sont les Strokes et les White Stripes qui ont tiré les marrons du feu.
    J’ai une tendresse particulière pour Jonathan Fire* Eater qui m’ont introduit au garage. Un des groupes les plus sexuels que je connaisse avec cette reptation suintante sur la quasi-totalité des morceaux…Leur « Trouble Under Boom Lights », c’est vraiment la classe.

  2. Putain Albert Potiron et G-Man Hoover : les Make Up et JF*E sont dans mon TOP 3 ever !!!
    Bordel.
    J’ai eu la chance de voir Weird War lors de leur 1ère tournée française dans une salle minuscule de Bordeaux, et de shooter le Ian sur scène.
    Puis aussi de faire 2 dates à NYC en 1ère partie du dernier projet de Stewart Lupton (ex JF*E) qui s’appelle Childballads… Un peu le casse du siècle, mais qu’importe.
    Côtoyé un peu le gars : bien abîmé par les excès mais capable d’envolées poétiques qui riment aussi bien que She’s Like A Rainbow des Stones… et une voix surtout toujours aussi intacte !

    Kino – Gonzaï boy

  3. Bon bah, on en saura pas plus.
    Mais dans ce genre là et dans les trucs récents – pas sixties-, j’ai essayé Billy Childish, les Gories, The Oblivians, King Khan and the Shrines et bien sûr Jon Spencer mais rien ne m’a botté autant que les deux groupes sus-nommés.
    Quelqu’un a écouté Psychopathia Sexualis des Makers?

  4. riot rio riot c hot vu les Leningrad cowboys au Portugal dans un trou derrierre une dune, & A Paris les 22Pistepirrko passage du nord ? riot rio riot que des fans et des femmes, si quelqu’un y était, je veux bien en discuter, c’était le riot !

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