Le jour est levé depuis déjà longtemps. Le retour a la réalité frappe au sommet du crane. Des flashs en stroboscope éblouissent et abîment mes pensées. Confusion. Aucun réveil ne sera possible, "Le Prince Harry" s'est installé dans ma tête avec son troisième album "It's getting worse", coproduit par le label parisien Teenage Menopause et le label belge Rockerill records. Cet opus pourrait être la bande originale de ma migraine.

le-prince-harry-masteringLa violence des titres qui habitent ce disque est inouïe. L’énergie brute qui se dégage des brûlots tels que Hit me ou Living dead in toxcity me laisse sans voix. « Le Prince Harry » sévit sur Liège depuis 2005 armé d’une guitare et/ou synthé, d’une basse et d’une batterie. « It’s getting Worse » concilie le punk – ses guitares stridentes et des synthés futuristes – et la cold wave grâce à un chant lent venu d’outre tombe.

L’album s’ouvre avec No brain. Comme un symbole car les beats assénés par « Le Prince Harry » sont addictifs. Ils provoquent irrémédiablement un déhanchement ou des gestes incohérents et arythmiques. Il y a peu de temps j’avais été soufflé par l’univers futuriste des Lost Sound, quatuor de Memphis des années 2000 sous la houlette de Jay Reatards, qui hurlaient des chansons robotiques aux oreilles de l’auditeur. Je retrouve cette urgence dans certains titres comme Release the hounds. Toutefois, le Prince Harry est aussi un concentré d’obscurité lorsque il explore les univers chers à Joy Division ou plus actuellement les parisien de Frustration. On pense au titre So cold, Blitz of bliss ou The ditch. Un mot sur LPH VS BR qui s’approprie avec beaucoup de talent les principes du métal. « It’s getting worse », c’est aussi une pochette fabuleuse commise par l’incontournable artiste belge Elzo Durt qui signe aussi bon nombre d’artwork pour le label Born Bad Records.

Résumer l’album du « Le Prince Harry », c’est parler de sensation et d’émotion. La parabole la plus évocatrice serait celle d’un plongeur d’Acapulco sur les falaises de Normandie. Autant dire que le grand saut, puis la chute, seront terrible. Deux options : Marée haute, c’est la douche froide. Marée basse: Clap de fin!

F. Moron : L’année dernière, l’album « It’s getting Worse », sorti sur Teenage Menopause, a connu son petit succès, comment analysé vous 2012, avec le recul ?

Gerald (batterie) : Ca monte tout doucement. On fait de plus en plus de date entre 3 et 4 dates par mois contre 1ou 2 l’année précédente…

Snon (basse, machines) : Houla, c’est de la folie…..

Lio (synthé, chant) : Nos statistiques augmentent, mais sinon ce qu’on peut dire c’est que nous sommes toujours vivants. En tant qu’individu pas en tant que groupe. On a survécu à l’apocalypse de 2012 mais aussi à nos excès en tous genres…

Snon (il le coupe de nouveau) : A nos ex en tout genre…

Lio : Oui c’est ça,  »à nos ex de tout genre surtout pour toi, Snon ». Et aussi à cette vague de succès phénoménale.

« Nous avons fait un vachement bon disque comparé aux autres qui sont merdiques. »

M.Arty : Votre disque est sold-out quand même ?

Lio : Ben ouais, on en a fait combien ? Plusieurs ?

Snon : Vingt, trente je crois.

Lio : Une bonne vingtaine. Au bout de six mois…. mon père en avait un, le tien aussi.

Gerald : On l’a pressé à 500 exemplaire et on aimerait en represser 300.

Lio: Froos [patron du label Teenage Menopause, NDR] si tu nous entends, on aimerait presser 300 exemplaires de  »It’s getting worse »

F. Moron : Pourquoi, selon vous, on a plus entendu parlé de vous l’année dernière?

Snon : C’est depuis que j’ai intégré le groupe….

Lio : C’est surtout depuis que Snon a intégré le groupe. Cela se voit fort car il est beaucoup moins beau que nous deux. Non, c’est d’abord grâce à Teenage Menopause avec Froos et Elzo, leurs bagous et leurs réseaux… C’est aussi le fait que nous avons fait un vachement bon disque comparé aux autres qui sont merdiques.

Gerald (modère) : Moins bons, moins bons.

Lio: Qui sont moins bons, tu sais quand on est dedans, on a toujours un avis un peu différent. Je les trouve moins bien… Allez vas-y, enlève merdique et laisse moins bien. On fait pas mal de kilomètres aussi. C’est aussi parce qu’on a beaucoup plus joué. On joue de mieux en mieux sur scène. C’est un tout. On a progressé.

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M.Arty : Cela fait combien de temps que vous êtes ensemble. Vous étiez deux au début ?

Lio : On a commencé à trois.

Gerald : On a du se séparer du bassiste….

Lio : Il s’est suicidé, on peut le dire maintenant.

Gérald : Non, il est vivant. Tant mieux pour lui. Cela fait six ans qu’on existe et lui (en montrant Snon) cela fait deux ans qu’il joue avec nous.

« Un peu comme Disneyland sous acide. »

M.Arty : Le parti-pris musical a toujours été le même, ou il a évolué ?

Gerald : Punk alternatif avec des influences électroniques au départ.

Lio : Ouais ça a un peu évolué quand même. Déjà c’est un peu plus mélodique, c’est un peu plus maitrisé. Bon ben voilà c’est un groupe qui a un peu plus de bouteille. ça s’entend, c’est mieux. Après on ne fait pas de slow et nous n’avons pas encore exploré la guinguette ou la java.

Gérald : J’ai une petite théorie la dessus…

Lio : Bon moi je vais pisser.

Gérald : La vitesse est un élément. Y a pas beaucoup de groupes qui jouent aussi vite hormis dans le death métal. La vitesse dans le punk, c’est un peu une espèce de miroir par rapport à ce qu’on vit tous les jours (de plus en plus rapide tout ça). Moi je le ressens comme ça.

Lio : Je croyais que t’allais dire une connerie, mais je suis bien d’accord avec toi, tiens.

Gérald : De plus en plus rapide, de plus en plus technologique, plus en plus d’angoisse au jour le jour. Et voilà, ça dégage ça. Moi c’est ce que je ressens.

Lio : Complètement. Ça alors, je suis complètement d’accord. Je m’attendais pas du tout à une réponse. Déjà je ne m’attendais pas à une réponse articulée de sa part. C’est vrai que pour dire un truc vrai sur cette musique, il y a ce côté rapide, nerveux et violent. Je crois que c’est le reflet de ce qu’on vit et si on nous a reproché d’être abrupt et brutal, ce n’est rien d’autre qu’un reflet du vomi avec lequel on nous a gavés depuis des années.

Snon : Salaud, c’est ce que Gerald vient de dire.

Lio : ben oui mais je suis d’accord et ça fait des belles phrases.

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F. Moron : En live, c’est une énergie que vous arrivez à canaliser. La perte de contrôle !

Lio : Oui, il y a une sorte de transe. Enfin moi je la sens…

Snon : C’est clair que tu sens la trans….

Lio : Connard ! Mais non c’est sûr qu’il y a un côté un peu trans, derviche tourneur, drogue et on se laisse un peu prendre dans ce truc qui est super rapide. Et plus que dans n’importe quel autre groupe j’ai l’impression ne jamais trop me rappeler des concerts. Comme si j’avais trop fait la fête. Oui y a un côté un peu extrême et pas spécialement maitrisé. Un peu magique, un peu comme Disneyland sous acide.

« On a vécu dans l’ombre des trente glorieuses alors que nous on a l’impression que rien ne va. »

M.Arty : Ca vous branche la science-fiction ?

Gerald : Ouais à fond. Moi j’adore l’anticipation genre la route de Cormac MacCarty. Post apocalyptique.

Snon : Ou le film Iron Sky : des Allemands qui restent planqués sur la face cachée de la lune.

Lio : Et puis comme disait Snon, depuis qu’on est petit on nous raconte que c’est la crise et que ça va pas aller. On a vécu dans l’ombre des trente glorieuses alors que nous on a l’impression que rien ne va, qu’on n’aura pas de boulot et que ce ne s’améliorera jamais. On a été imprégné par ça depuis qu’on est gamin. Tu as donc deux attitudes possibles : soit tu es plein d’espoir, soit tu regardes ce dont on t’a nourri toute ta vie et tu finis par sortir un truc sombre, urgent et un peu dur.

F.Moron : Ce qui est intéressant c’est que les influences cold wave des années 80, vous les avez intensifié. C’est une démarche consciente.

Lio : Ouais cela s’est fait petit à petit. Quand on a commencé le groupe, on ne savait pas du tout où aller. Ce n’était pas prémédité mais je pense qu’il y a des trucs qui se rejoignent dans la manière de voir les choses. Il y a eu trente ans de décalage mais je pense que nos visions du monde ne sont pas si différentes .On s’est radicalisé.

M.Arty : Y-a-t-il une scène garage belge ?

Lio : Si tu parle de la scène Bruxelloise et bien il y a beaucoup de français dedans comme white fang, Warm Toy Machine. Dans la scène garage à la française comme par exemple avec la scène bordelaise, il y a pas grand chose en belgique. Par contre y a beaucoup de trucs dans les années 80, dans le punk alternatif et dans l’électronique, qui sont méconnus chez vous. C’est plus nous en tant que liégeois qui nous sommes dit : « tiens il se passe des trucs en France« . Sur ces dix dernières années, il y a des groupes intéressants, à l’inverse des années 90 où y’avait pas grand choses en France. Des trucs comme Kap Bambino. Quand c’est sorti, on s’est dit : « putain c’est Français ça ? Ils ne font pas que reggae, du ska ou de l’accordéon ! »

Le Prince Harry // It’s getting worse // Teenage Menopause
http://teenagemenopause.bandcamp.com/album/its-getting-worse

Chronique : M.Arty
Interview : F.Moron et M.Arty
Montage émission : R.Le terrible

3 commentaires

  1. Vu en première partie des Black Lips à Rouen, quelques excellents morceaux mais le côté Cold Wave/synthés à gogo finit par lasser. Ça passe mieux sur disque.

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