@Louis Geslain

Le groupe normand, qui a sorti son premier album « Surrounding Structures » sur Fuzz Club en avril, a fait une petite sélection spéciale krautrock pour Gonzaï, avec des classiques et deux trois petites pépites cosmiques à écouter sur l’autobahn du bonheur.

« Même si on ne se considère pas tout à fait comme un groupe de krautrock, on se prête volontiers à l’exercice ». Joueur, Veik relève donc un défi : celui de parler de krautrock sur Gonzaï alors que tout (ou presque) a été écrit dans un numéro spéciale désormais sold-out. Bien qu’ils ne se considèrent pas comme un groupe motorik, on retrouve des éléments inhérents à ce genre musical sur « Surrounding Structures ». Un disque maîtrisé de A à Z, sans chichis, à la fois rigide et libre dans sa forme, qui met une petite claque cosmique dans la gueule. Mais avant de l’écouter, on laisse Boris, Vincent et Adrien nous raconter pourquoi, mine de rien, ils aiment le kraut. Et comment ils le laissent infuser doucement dans leur musique. 

Faust – « Faust IV »

Veik : Le disque s’ouvre sur un morceau de 11 minutes intitulé Krautrock, donc tout est dit. Le fait est que l’on aime cet album parce qu’il n’est pas à l’image de l’idée que l’on se fait généralement du krautrock. On a l’impression que le terme est utilisé à tort et à travers dès que l’on a affaire à des musiques répétitives avec de la guitare et quelques synthés. On réduit trop souvent le courant aux rythmiques motorik. Pourtant la musique de Faust est parsemée d’orchestrations pop incroyables noyées dans du bordel prog’ comme sur le morceau Jennifer. On adore l’écriture surréaliste (« je n’ai plus peur de perdre mon temps / Je n’ai plus peur de perdre mes dents »), l’approche naïve et les bizarreries mécaniques sonores. On a été cherché ça pour notre album « Surrounding Structures ».

La Düsseldorf – « La Düsseldorf »

Veik : Comme pour Faust, on a été inspiré par ces sons de guitare et de batteries hyper secs avec un effet de proximité, même si ça ne s’entend pas forcément directement sur notre disque. On aimerait aussi mentionner le single Ich Liebe Dich sorti en 1983. Il y a un jeu de panoramique que l’on pourrait qualifier de grossier, en particulier sur la batterie, mais que l’on adore. On a cherché, mais on n’a toujours pas trouvé le bon morceau de Veik pour réussir à le reproduire. Parler de La Düsseldorf, c’est aussi plus généralement un clin d’oeil à la Düsseldorfer Schule, à D.A.F, Tangerine Dream, mais aussi à Eno, Bowie ou Joseph Beuys. 

Kraftwerk – « The Man-Machine »

Veik : Tout a probablement déjà été dit sur Kraftwerk. Tout est essentiel dans leur musique. On a choisi « The Man-Machine » parce que c’est un pur album pop qui fait le pont avec leurs disques plus expérimentaux, on se retrouve beaucoup dans cette synthèse. On est assez étonnés du nombre de personnes qui nous ont dit que notre musique leur évoquait Kraftwerk depuis la sortie des premiers singles de l’album. On n’oserait pas faire le parallèle nous-mêmes, en revanche, on peut exprimer notre attachement au minimalisme et à l’essentialisme kraftwerkien, tant sonore que visuel.

Cavern Of Antimatter – « Void Beats​/​Invocation Trex »

Boris : C’est un super disque sorti en 2016 sur Duophonic Records (le label fondé par et pour les membres de Stereolab et des groupes descendants dont Cavern Of Antimatter fait partie) avec les contributions de Bradford Cox (Deerhunter) et de Sonic Boom (Spacemen 3). Cet album allie parfaitement instrumentations électroniques (synthétiseurs mais surtout boîtes à rythme) et acoustiques (un mixe et un équilibre que l’on a recherché tout au long de notre album et une influence qui peut s’entendre sur la deuxième partie de Political Apathy notamment). Je me souviens notamment de leur concert douloureux à Villette Sonique en 2016. Ayant le même genre de formation et utilisant le même type de matériel, on s’est nous-mêmes souvent retrouvés dans ce genre de situation délicate sur scène. Sans possibilité de séquencer ni de « clocker » certains de nos instruments, on se retrouve souvent sur une corde raide que l’on recherche parce qu’elle est source de tension et d’accidents. On se retrouve avec des lives moins standardisés.

Manuel Göttsching – « E2-E4 »

Veik : On a choisi cet album de Manuel Göttsching pour son histoire, sa dimension mythologique et pour la démarche de création par accidents et improvisations qui définit, à notre avis, l’essence du krautrock. C’est en tout cas en cela que l’on se sent proche de la musique cosmique. Et puis c’est un disque fondateur de la house et de la techno, des genres que l’on s’aventure à explorer avec nos propres outils comme sur Château Guitar. C’est aussi un hommage au titre et à la pochette de l’album : passé une certaine heure (et un certain degré de défonce, quand le temps se dilate), Boris a la fâcheuse tendance de défier Vincent en duel aux échecs. Et deux accords sur 58 minutes, il y a de quoi faire relativiser Adrien, souvent frustré du manque de variation harmonique dans notre musique.

Gomina – « Whenever You Guys Are Ready »

Veik : On ne pouvait pas faire une sélection sans y glisser nos potes de Gomina. C’est un groupe de Caen dans lequel joue Nicolas Varin qui a produit notre disque. Depuis 2012, ils ont pondu trois albums et une poignée de singles absolument sublimes sortis chez nos autres amis de WeWant2Wecord. On aurait pu couvrir de compliments n’importe quel album de leur discographie, mais on a choisi « Whenever You Guys Are Ready » parce que c’est leur dernier sorti en 2019, pour sa pochette clivante et parce qu’il a été enregistré à Invada Studio Bristol. On aime se dire que ça forge une sorte de filiation entre Beak>, Gomina puis Veik.

Le rapport avec le kraut ? Premièrement parce que Nicolas maîtrise le groove d’Halleluwah (Can) à la perfection. Deuxièmement, parce qu’on a souvent discuté avec eux de nos manières de composer et d’écrire. Eux ne fonctionnaient que par session d’improvisation qu’ils enregistraient et dans lesquels ils allaient piocher, à la manière de Can. Et troisièmement, parce qu’il doit rester quelques-uns de leurs vinyles à vendre ici et que ça c’est incompréhensible.

Pinkunoizu – « The Drop »

Vincent : C’est un disque que j’affectionne tout particulièrement. Ca ne tombe pas comme une évidence de l’associer au genre, mais voilà une synthèse moderne de l’essence du kraut comme on a pu le définir plus haut. Avec des choses à la Can, des impros enregistrées, découpées puis montées. On utilise une version peut-être plus rudimentaire de ce processus de composition avec Veik mais l’idée reste la même. Les Danois ont sorti deux albums et deux EP entre 2010 et 2013 où ils mélangent plein de trucs, et pas que du kraut, un peu comme nous, je crois. C’est aussi pour ça que j’ai pensé à cet album. Ensuite, j’ai vu que vous aviez écrit un article à la sortie de « The Drop », ça m’a rassuré dans mon choix.

The Horrors – « Primary Colors »

Boris : C’est l’album essentiel de ma post-adolescence. Je l’ai écouté des milliers de fois et me le refais régulièrement. Il passe toujours aussi bien. C’est un disque marquant dans mon parcours de musicien, et le jour où j’ai découvert (tardivement) qu’il avait été produit par Geoff Barrow, j’ai vécu mon Grand Éveil à moi. Et pour ce qui est du krautrock, chacun se fera son avis.

L’album « Surrounding Structures » de Veik est dispo ici sur Fuzz Club Records.

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