Spoiler 1 : Le saviez-vous ? Le saut du requin désigne ce moment fatidique où une série télé bascule dans le « n’importe quoi » indique une note de bas de page du livre du même nom à paraitre le 9 janvier au Diable Vauvert. Je craignais une métaphore tirée des enseignements d’un documentaire animalier, l’explication me soulagea : nous restions dans le domaine rassurant — parce que familier — de la médiocrité télévisuelle.

Spoiler 2 : Cette chronique repose sur une habile mise en abîme, celle de la critique de Gaël Le Bellego, chroniqueur chez Be, qui m’a avoué avoir préféré Le Saut du Requin, un roman futé et drôle, qui en dit long et large sur les trentenaires à mon recueil de chroniques. J’aurais pu me contenter de me draper dans ma dignité en l’envoyant se faire foutre mais appâtée par le ‘futé et drôle’, intriguée par le ‘long et large’, (bientôt) concernée par le ‘trentenaire(s)’, j’étais contrainte à me pencher sur le cas Monnery. A défaut d’avoir trouvé un quelconque intérêt à mes écrits, Gaël Le Bellego est donc à l’origine de ma rencontre avec ce garçon.

saut-du-requin-romain-monneryAfin de m’épargner toute remarque lourdingue dans les commentaires, je précise que bien que Le Saut du Requin parle d’amour, ce rendez-vous n’a pas grand-chose de romantique. D’ailleurs, il s’agit d’une rencontre à sens unique (souvent les plus marquantes), initiée avec le premier roman de Monnery, Libre, seul et assoupi, récit des errements d’un vingtenaire cherchant mollement sa place dans la société.
Ayant parcouru les premières lignes, j’avais refermé le livre, agacée. Romain Monnery semblait avoir saisi d’instinct les mécanismes de névroses que je m’évertuais encore péniblement à analyser. Comme Nine Antico ou l’Américain Tao Lin, il usait de cette capacité à mettre en mots des sentiments souvent jugés trop intimes ou anodins pour être décortiqués. Et parce que sans le savoir l’auteur déroulait le fil de mes pensées, quelques pages suffirent à Machin — personnage principal de son état — pour accaparer toute mon attention. Irritation ultime, Monnery était de ceux capables de glisser dans un premier roman une référence sibylline au meilleur navet français du siècle dernier, à savoir Les Secrets professionnels du docteur Apfelglück (prosaïquement qualifié de film à sketchs par Wikipédia). Il fallut envisager le pire : Gaël Le Bellego avait peut-être raison — ce con.

L’heure de faire connaissance avec les deux héros du Saut du Requin était venue. Ziggy et Méline se sont rencontrés sur adopteunmec.com. Ziggy est mégalomane de profession mais il se dit artiste quand on l’interroge sur le sujet. Méline travaille dans la communication. Sa plus grande réussite est d’avoir su retranscrire tous les atouts d’un fromage dans le slogan  « moins cher, le Comté bon ». Méline aime le caractère fantasque de l’insaisissable Ziggy. Ziggy, trop détestable pour être honnête, n’aime pas grand-chose en dehors de lui-même.

Après avoir raconté la réticence face à l’impératif d’insertion sur le marché du travail dans Libre, Seul et Assoupi, l’auteur continue son étude en épinglant les ‘amoureux solitaires’ trentenaires. Moins personnel, Le Saut du Requin suit le parcours de deux personnages volontairement caricaturaux auxquels l’identification relève du tour de force. Le récit à la première personne s’efface ; restent la drôlerie, le rythme et les références jouissives. Ainsi, le mélomane inattentif découvrira que c’est à Serge Gainsbourg que l’on doit Les Petits Boudins (et non à Robert Farel). Pour le reste, entre Lio, Alister ou Haddaway, nous restons entre gens bien.

J’ai cru un moment que Roman Monnery était mon âme sœur, et puis j’ai réalisé qu’il devait être l’âme sœur d’une tranche conséquente de la population. C’est sans doute ça, aussi, une romance nerveuse.

Romain Monnery // Le Saut du Requin // Editions Au Diable Vauvert
Sortie prévue le 9 janvier

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