C’est l’histoire d’un disque vendu à 50 exemplaires à sa sortie et qui, refusant l’époque à laquelle il est né, aura mis 40 ans pour enfin renaitre dignement avec un repressage ces jours-ci chez Born Bad. Fairplay, Thierry Müller, rescapé de sa propre aventure, revient pour Gonzaï sur la trajectoire de comète du seul album de Ruth, « Polaroid / Roman / Photo ».

Il faut croire que la France aime ceux qui commencent par perdre puis, dans un grand finish, l’emporte dans la dernière ligne droite de leur vie. L’histoire de la musique est peuplée de ces destins flashés, et c’est forcément encore un peu plus vrai pour le « Polaroid / Roman / Photo » de Ruth, débuté dès 1982 par Thierry Müller alors que le pays semble difficilement se remettre de l’explosion de Téléphone. Dans une autre sphère, disons plus intimiste, moins putassière, le Français oeuvrera silencieusement pendant 3 ans; trois longues années à bricoler ce tube générationnel que personne n’entendra. Oui, c’est Polaroid / Roman / Photo, exhumé au début des années 2000 puis dès les débuts du label Born Bad, en 2006, sur la compilation « BIPPP ».

Un peu Talking Heads, un peu Polyrock, un peu Deux, un peu trop synthetico-bancal pour les années 80 donc, Ruth avait pourtant pas mal d’atouts dans sa poche, et pas qu’un single. Le titre d’ouverture Thriller (rien à voir avec le pédophile gris), mais aussi la première reprise officielle de CAN sur un album (She brings the Rain) ou encore ce étrange de funk blanc des DOM-TOM qu’est Mabelle.

Uriner contre le sens du vent, hélas, n’a jamais chance à personne. Avoir des goûts d’esthète, non plus. Et c’est là que, par la magie des années qui passent et des couleurs qui sèchent, le disque qui a flingué la carrière de son auteur revient ces jours-ci en grâce avec une réédition qui rappelle autant le parcours des zinzins bricoleurs de Cha Cha Guitri que celui des jeunes gens modernes; caste futuriste à laquelle Müller n’a finalement jamais appartenu. Pas grave : sur la fameuse ligne d’arrivée, tout le monde a le droit de poser sur la photo. En espérant que cette fois, le polaroid ne s’efface pas instantanément.

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