18 mars 2025

Jean-Yves Leloup : « La musique disco n’a jamais disparu en France »

© Hasse Persson

Aussi fédérateur pour les communautés LGBTQ+ ou afro-américaine que franchement haï par les rockeurs virilistes, le disco qu’on croyait mort a pourtant fini par revenir partout, des playlists de mariage aux stades de foot et même aux meetings de Trump. Que s’est-il passé entre-temps ? Comment le disco, son esthétique, son message, ont-ils pénétré nos imaginaires ? L’exposition « Disco : I’m coming out ! » à la Philharmonie de Paris remet le genre à sa juste place dans l’histoire de la dance music, avec un parcours à la fois pointu et grand public qui donne envie de se trémousser autant que de se révolter. Jean-Yves Leloup, commissaire de l’exposition, remixe avec nous la bande-son de l’époque.

Le mouvement disco s’inscrit dans un contexte politique et social particulier : pouvez-vous nous le résumer ?

Jean-Yves Leloup : On peut considérer qu’entre la fin des années 60 et le tout début des années 70, on assiste à une période de mutation qui va amener peu à peu, dans la première moitié des années 70, des droits nouvellement acquis notamment pour la communauté LGBT suite aux célèbres émeutes de Stonewall en 1969. Cet événement va initier ou accélérer la création d’associations, de groupes et de collectifs qui portent les revendications de la communauté LGBT qui se structure en tant que force politique. Ces groupes obtiennent quelques succès concrets comme le recul assez net du harcèlement policier à l’encontre de la communauté et du harcèlement administratif qui allait de pair. Les émeutes de Stonewall ont eu une répercussion considérable et une portée symbolique majeure. Le contexte politique de l’époque est très électrique, avec de nombreuses manifestations contre la guerre au Vietnam, en faveur des droits civiques, pour les droits des femmes et pour les droits de la communauté LGBT.

« Ce serait faux d’affirmer que la musique disco était une musique engagée. »

Cette convergence des luttes est doublée d’une atmosphère de crise urbaine et sociale, notamment à New York, qui subit de plein fouet la désindustrialisation. C’est à la fois une crise et une renaissance, puisque ça permet à plein de gens pauvres ou à la marge, artistes et homosexuels notamment, de venir habiter de grands espaces avec des loyers très peu chers. Les petits clubs interlopes et underground aussi bien que les grandes discothèques qui vont se développer à partir de 1976 font écho aux difficultés de la vie quotidienne, à la violence et aux tensions entre l’État et les différentes minorités et communautés politiques. L’hédonisme disco est une réponse à cette crise. À travers certains refrains, slogans, couplets, on peut déceler le contexte des luttes de l’époque.
Pour autant, ce serait faux d’affirmer que la musique disco était une musique engagée. J’ai plutôt tendance à dire que c’est la bande-son d’une époque de droits nouvellement acquis. Les paroles des chansons sont souvent très simplistes, j’essaie d’insister sur ce point pour ne pas donner une vision totalement woke ou politisée qui serait contraire à la vérité historique. C’est une musique qui possède des refrains très simplistes sur la libération du corps, la danse et l’urgence de faire la fête. Il y a peu de chansons engagées comme « Say It Loud – I’m Black & I’m Proud » ou d’autres morceaux funk, disons. Si on y regarde de plus près, quelques morceaux possèdent une dimension politique ou sociétale très forte comme « Bad Luck » de Harold Melvin and the Blue Notes qui est une chanson sur les difficultés du quotidien par exemple ou « I Was Born This Way » de Carl Bean, un pasteur noir qui fait son coming-out avec son seul single sorti sur Motown qui est devenu un hymne des gay prides, mais on a très peu de chansons ouvertement politiques comme celle-ci à l’époque. C’est plutôt par des moyens détournés ou à travers des paroles à double sens que peuvent se révéler, parfois, la dimension politique des chansons. C’est vrai pour des morceaux qui évoquent la vie quotidienne, sexuelle ou affective des jeunes homosexuels de l’époque de façon codée ; c’est vrai aussi pour plusieurs morceaux qui sont des odes assez évidentes à la liberté et à l’émancipation sexuelle, chantées par des femmes afro-américaines hétérosexuelles qui revendiquent le droit au plaisir et à l’orgasme. Plus généralement, l’époque prône l’émancipation, pas seulement sexuelle, et des morceaux comme « I Will Survive » de Gloria Gaynor, avec son message universel, sont devenus pour le grand public des hymnes. Parmi les morceaux qui portent un message encore plus clair et engagé, on peut citer « Runaway » de Loleatta Holloway (littéralement « fuis, fuis cet homme ») ou « Young Hearts Run Free » de Candi Staton qui parle d’une relation abusive et de la nécessité de fuir tant qu’il est temps les hommes violents. Sans nommer le patriarcat, plusieurs chansons désignent cette menace qui pèse sur beaucoup de femmes.
Pour autant, la dimension sexiste du disco est une réalité qu’on montre notamment à travers une série de pochettes où la femme est objectifiée, et on pense que le public est capable de lire entre les lignes.

Aujourd’hui Trump, ancien habitué du Studio 54, est au pouvoir et passe la musique de Village People lors de son investiture. Comment expliquer que le disco ait perdu cette dimension sociale et politique et qu’il soit devenu la bande-son d’une dystopie libertarienne ?

On touche à l’un des paradoxes de cette musique qui en possède beaucoup. La dimension sociale et politique sur laquelle on essaie d’insister dans l’exposition a été oubliée parce qu’elle s’est trouvée rapidement noyée dans l’effervescence populaire de ce mouvement qui a très vite touché toutes les classes sociales et la majeure partie des pays du monde. Et c’est la raison pour laquelle, je pense, Donald Trump n’en a rien à faire du sens caché de « YMCA ».

Plusieurs documents ou objets qui sont montrés dans l’exposition proviennent de fonds d’archives LGBT, et je ne crois pas avoir vu de source équivalente pour le patrimoine afro-diasporique ou l’histoire du féminisme. Comment l’expliquez-vous ?

D’abord, le disco est indissociable des libertés nouvellement acquises pour la communauté LGBT dans les années 70. Le disco, c’est la bande-son d’une sorte de parenthèse enchantée entre un moment d’acquisition de droits nouveaux après Stonewall en 1969 et l’arrivée du sida en 1981. Ensuite, la communauté LGBT surtout aux États-Unis est très attachée à la préservation de ses archives et à la transmission de son histoire. On a récupéré des archives de deux associations, une de San Francisco, la GLBT Historical Society qui nous a prêté les costumes de Sylvester, et une de New York qui s’appelle The Saint Foundation. Des particuliers nous ont aidés aussi, je pense à une ancienne light jockey qui s’appelle Marsha Stern, une femme lesbienne qui a gardé beaucoup de traces de l’époque. Cette proéminence des archives LGBT dans l’expo s’explique par le fait que d’autres archives ont été beaucoup plus compliquées à trouver. Quasiment toutes les stars ou les figures de cette musique n’ont pas prêté attention à nos demandes, ont refusé ou jamais répondu à nos demandes, à part Nile Rodgers. Je pense que leurs agents, leurs héritiers ou estates n’ont pas vu l’intérêt de notre exposition. Mon interprétation, c’est que le disco rapporte encore énormément d’argent en termes de royalties pour les gens qui gèrent les catalogues ou les héritages, sans parler des agents qui travaillent pour les artistes encore en vie. Donc une exposition d’art, muséale, avec des budgets très réduits, ça ne les intéresse pas du tout. Les seuls qui nous ont vraiment répondu avec un certain enthousiasme, c’est les Français, Nile Rodgers et la fille de Donna Summer. Parmi les figures historiques du disco, certains n’ont pas franchement envie de donner accès à leurs archives sans qu’on leur verse de grosses sommes d’argent que les musées n’ont pas. C’était plus facile de faire l’exposition « Électro », parce que les gens de la scène électro se sentent beaucoup plus proches de l’art, de sa dimension visuelle ou plastique. Et c’était assez simple de travailler avec les Daft Punk par exemple, ou Ralf Hütter de Kraftwerk. Mais je me souviens qu’on avait été confrontés aux mêmes difficultés quand on avait voulu évoquer la scène commerciale EDM, par exemple avec des costumes de scène ou des masques pour montrer la dimension créative de cette scène-là. Impossible. Ces gens ne s’intéressaient pas à l’art, ils ne voyaient pas l’intérêt.

© Bill Bernstein, Paradise Garage 1979


Il y a beaucoup d’œuvres d’art dans le parcours de l’exposition ; je pense à celles Faith Ringgold ou Keith Haring, au portrait de Marsha P. Johnson par Warhol. C’est une expo d’art autant qu’une expo musicale. Comment avez-vous imaginé ce juste équilibre entre musique et art ?

Faire une exposition, c’est proposer un parcours esthétique, visuel, et les œuvres d’art permettent de faire écho aux imaginaires et aux thématiques convoquées dans la musique. Et puis toute musique possède des extensions, échos ou des pendants dans les arts visuels, le graphisme, la photographie, la vidéo, le clip, les arts plastiques. On a souvent entendu, surtout au début de l’existence de la Philharmonie, des critiques disant qu’on ne pouvait pas exposer la musique, voire qu’on ne devait pas. Une institution, un musée a fortiori, n’aurait pas la légitimité pour exposer une culture populaire. Ça me semble pourtant tout à fait normal qu’une institution culturelle documente les différents courants artistiques et musicaux. Il faut aussi dire qu’il y a eu beaucoup de très mauvaises expositions sur la musique, qui ont pu être très fétichistes, montrant les objets ayant appartenu à untel, la guitare de tel autre, le costume, les accessoires…

Il y a eu les slips de Fela Kuti à la Philharmonie !

Ça c’était assez drôle, quand même. On a des objets fétiches voire fétichistes dans l’exposition disco, des cartes de membres de certains clubs ou des boîtes d’allumettes. Mais on a essayé de s’attarder davantage sur l’imaginaire, sur les utopies liées à cette musique, les réalités convoquées à travers différentes œuvres d’art. C’est ça qui rend le parcours esthétique plaisant, à la fois fun et documenté, comme pour l’expo « Électro » ou l’expo « Metal ». Je pense que c’est la meilleure manière de présenter une musique, sinon on fait un documentaire ou un livre mais c’est une approche différente. On reçoit parfois des critiques qui pointent tel ou tel oubli. Mais faire une exposition sur une musique, ce n’est pas décerner des titres de noblesse à tel ou tel artiste. C’est essayer de faire saisir aux visiteurs l’essence d’une musique. Bien sûr, on peut mettre en exergue tel ou tel artiste mais certains ont tendance à voir les expositions comme celle-ci comme une série d’hommages, alors qu’elles ne sont pas du tout pensées ainsi. De toute façon, on manque de place pour parler de tout.

© Joachim Bertrand


L’exposition laisse une place aux femmes, aux divas et aux interprètes en particulier, mais on se demande parfois où sont les femmes et où sont les femmes lesbiennes notamment parmi les DJ, compositeurs ou producteurs de la scène. Même dans les photos des clubs, on voit surtout des hommes. Qu’est-ce qui explique que ces femmes ne soient pas visibles ?

Les lieux lesbiens semblent plus rares à l’époque, ils sont à la fois moins nombreux et moins documentés. Il y a peu d’éléments à ce sujet dans le livre de Tim Lawrence ou celui de Peter Shapiro. Plusieurs personnes avec lesquelles on a pu échanger l’expliquent en décrivant cette communauté comme un peu plus secrète ou fermée. Il y avait très peu de DJ femmes de toute façon mais on peut citer Sharon White, une femme noire américaine habituée du Paradise Garage qui est en photo dans l’exposition. Après, on a des figures lesbiennes comme Marsha Stern, une prêteuse de l’exposition qui était light-jockey, et qui a participé à l’histoire de ces lieux-là, le Studio 54, l’Ice Palace, le Bond aussi ou le club Hollywood. Elle nous a dit que les archives étaient trop masculines. Même si les clubs étaient plutôt gay et masculins, elle nous a rappelé que les femmes lesbiennes étaient présentes, bien que souvent minoritaires, mais elle a peu d’archives sur le sujet lui-même. On pourrait citer aussi Meryl Meisler, une photographe qui fréquentait les lieux les plus mélangés de l’époque. Elle allait autant au Studio 54 que dans des petits clubs très interlopes comme Les Mouches ou le G.G.’s Barnum Room qui était plutôt un lieu transgenre.

Le disco, c’est un genre musical indissociable des lieux qui l’ont vu naître, les discothèques. Comment avez-vous abordé la question des espaces et des lieux ?

Parmi les clubs qu’on a mis en avant, on a opéré des choix en fonction des archives qu’on a réussi à trouver. Pour les tout premiers clubs comme The Gallery ou le Loft, il y a très peu d’archives, alors que ces lieux ont marqué les esprits. Pour le Loft, il n’y a quasiment rien qu’on peut montrer. À l’inverse, pour des lieux comme le Studio 54, il y a pléthore de documents d’époque. Certains lieux ont une importance historique ou symbolique comme le Paradise Garage qui a facilité le passage du disco vers la house, et il y a quand même quelques sources, même s’il n’y a quasiment pas d’images vidéo de bonne qualité. Il y a quelques sources photographiques aussi. L’île de Fire Island est plutôt bien documentée avec Meryl Meisler et Tom Bianchi dans l’exposition. Il y a The Saint qui est visible dans le parcours, grâce à des documents versés par une association LGBT new-yorkaise. Le Palace aussi, avec les photographies d’Arnaud Baumann qui a publié un livre sur le sujet. Ceci dit, beaucoup d’autres photographies ne sont pas très intéressantes artistiquement, en dehors de leur dimension documentaire, et ça compte aussi dans la sélection des œuvres. Et puis on considère qu’une photo peut parler pour d’autres lieux, puisqu’on ne peut pas parler de tout. On a des photos de La Main bleue de Montreuil, un club qui a eu une durée de vie très courte, très fréquenté au début par la diaspora africaine puis par un public plus branché avant l’ouverture du Palace. La force et la qualité de ce montage photographique paru dans le magazine Façade nous ont plu. Mais encore faut-il avoir des documents qui permettent d’évoquer ces lieux.

« La musique disco n’a jamais disparu en France, on l’entend toujours dans les mariages ou les discothèques. »

Deux séries photographiques documentent l’architecture des discothèques à la fin du parcours, avec d’un côté des boîtes italiennes au design exubérant, de l’autre des clubs français de zones commerciales ou périphériques. D’où viennent ces photos ?

Ces deux séries sont présentes à la fin du parcours qui montre la persistance du phénomène disco, et le développement des discothèques à partir des années 80 en Europe. C’est vraiment durant cette période que les discothèques se développent et se démocratisent, même si le premier Macumba est ouvert en 1966 et qu’avant ça, des discothèques parisiennes existaient dans les années 50. Les photos d’Antonio La Grotta montrent des clubs de l’Italie du Nord et du Nord-Ouest dans les années 80 et témoignent de cette démesure, de cet imaginaire qui mélange exotisme et références à l’antiquité et à l’Empire romain. Toute la série montre ces ruines d’une architecture assez délirante et fantasque. Les discothèques françaises qui émergent dans les années 80 et que montre François Prost dans sa série After Party se situent plutôt dans des zones périphériques, dans des entrepôts loin des centres-villes qui permettent de faire davantage de bruit. La proximité des parkings facilite l’accès. Mais ce sont souvent des lieux sans architecture particulière, mise à part une éventuelle devanture ou quelques efforts décoratifs assez sobres. Tout est centré sur la piste de danse, avec de vrais investissements de matériel pour que le son et la lumière créent un environnement immersif.

© Hasse Persson, Halloween with Diana Ross & Michael Jackson, 1978


Il y a un essor des clubs et une persistance du disco en Europe dans les années 80 mais un net essoufflement commercial aux États-Unis au même moment. Est-ce qu’on parle encore de disco ?

À partir des années 80, le terme de disco disparaît aux États-Unis. On parle plutôt de funk, de boogie, terme qui revient aussi en France, ou de dance music ; et quand on parle de disco c’est parfois de façon péjorative. Cette musique devient plus électronique avec l’apparition des boîtes à rythmes dans les années 80. La musique de danse continue d’exister dans les années 80 aux États-Unis, il y a encore des gros tubes, sauf qu’on ne les désigne plus vraiment sous le terme de disco. Et puis vers 1985-1986, cette musique mute sous la forme de la house et retourne au moins en partie dans l’underground, ce qui n’empêche pas certains grands succès de musique dansante comme « Thriller » de Michael Jackson qu’on passe dans les discothèques. La musique disco n’a jamais disparu en France, la preuve : on l’entend toujours dans les mariages ou dans les discothèques populaires.

« Le disco était une musique assez joyeuse. À l’inverse, je trouve que la mélancolie règne de plus en plus dans la musique pop actuelle et cela reflète bien l’époque. »

Dans les années 70, le rôle du DJ évolue, et cette évolution s’accompagne d’un certain nombre d’innovations techniques (invention du mix et du remix, apparition du maxi 45 tours, etc.). Quel regard portez-vous sur l’évolution de ce rôle des années 80 à nos jours ? On a l’impression que les DJ ont perdu le pouvoir.

Les DJ de l’époque du disco sont souvent des résidents, qui travaillent tous les soirs, très souvent plusieurs soirs par semaine, toute la nuit et pour des sommes dérisoires. Souvent, ils ont une vision très panoramique de leur travail, ils pensent leur set du début à la fin de la soirée, comme une histoire à raconter qui va accompagner les danseurs toute la nuit jusqu’au lever du jour. Beaucoup sont très préoccupés par la qualité du son et participent, avec des ingénieurs du son, à l’amélioration de l’équipement sonore. Certains s’occupent aussi de la lumière, dont les technologies se perfectionnent dans les années 70. Le DJ est une sorte de metteur en scène. Par exemple, David Mancuso est quelqu’un qui met en scène l’ensemble de la soirée, il se définit comme hôte musical et pas comme disc-jockey. Il conçoit l’ensemble de la scénographie de la soirée, les ballons, le punch au LSD, l’accueil du public, il joue avec les ventilateurs, la soufflerie, les lumières, etc. C’est à la fois un organisateur, un hôte et un programmateur musical, qui va devenir prescripteur. D’autres DJ vont travailler sur les effets lumineux, parfois d’autres effets sonores. Et puis ils avaient une place très discrète, parce que les gens sortaient avant tout dans un lieu. On allait au Paradise Garage pour le lieu plus que pour les DJ, même si Larry Levan faisait partie des premiers DJ stars. Ça n’a rien à voir avec les récents développements, ces cinq, sept dernières années, du rôle du DJ. On assiste pour moi à une sorte de dérive : les DJ sont mis en avant, certains font des sortes de playback, des chorégraphies… Le DJ set est devenu spectaculaire mais très factice. Tout oppose les DJ originaux du disco et certains DJ de la nouvelle génération. Ils n’étaient pas là pour faire le show mais pour le construire, l’organiser en termes de scénographie et de mise en scène, d’enchaînements musicaux. Leur personnalité restait secondaire, leur place moins centrale dans la fête, presque cachée. Ils étaient très peu mis en avant. Aujourd’hui, on affuble le DJ d’une sorte d’aura. On pousse le DJ à assurer un spectacle, ce qu’il est bien incapable de faire puisqu’il se contente de jouer la musique des autres. Tout ça est très factice.

David Mancuso n’aurait pas été un grand fan des Boiler Room.

Non…

© Arnaud Baumann, Le Palace

Si on essaie de dresser le bilan, qu’est-ce que le mouvement disco a à nous apprendre de notre époque ?

Ce que j’en retiens, c’est que le disco était une musique assez joyeuse, hédoniste, mélodieuse et cathartique. À l’inverse, je trouve que la mélancolie règne de plus en plus dans la musique pop actuelle et cela reflète bien une partie de l’époque. Voilà peut-être quelque chose qu’on aurait à apprendre du disco : l’époque était difficile aussi, il y avait la menace nucléaire, un climat de guerre froide, de bonnes raisons de ne pas se réjouir et pourtant cette musique proposait une forme d’énergie positive qui contrastait avec une partie de la soul music et sa tendance au dolorisme. Cette musique est ancrée dans notre mémoire collective en partie parce qu’elle possède une forme de joie qui a quasiment déserté la pop actuelle. C’est ce qui fait qu’elle est restée populaire et qu’elle touche plusieurs générations.

L’exposition Disco – I’m coming out ! est visible à la Philharmonie de Paris jusqu’au 17 août 2025. Commissariat d’exposition : Jean-Yves Leloup, Marion Challier. Conseiller scientifique : Patrick Thévenin. Bande-son : Dimitri From Paris.

Catalogue d’exposition : Disco, I’m coming out !, sous la direction de Patrick Thévenin, Paris, Éditions de la Philharmonie/Éditions de La Martinière, 2025.

Disco. I'm Coming Out | La Librairie

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