Le duo techno-cuir parisien sort de sa zone de confort pour nous délivrer un 45 tour de pop française assumée, ambitieuse et racée. Avant-première…

Une nouvelle génération de millenials parisiens semble obnubilée par Etienne Daho, Richard Gotainer ou Joe le Taxi. On ne sait pas exactement quand tout ce merdier a commencé, mais il est curieux de voir le duo techno Il Est Vilaine parisien – composé de Simon et Florent – s’incruster  aussi dans ce train pop français, tant le genre paraît saturé, caricatural et déjà, en fin de vie. The Pirouettes, Thérapie Taxi, Clara Luciani, Corine, Vendredi Sur Mer, Cléa Vincent et la liste est – trop – longue :  ces groupes, malgré leurs fringues de merde tout droit sorties du Emmaüs de la rue Riquet – sonnent davantage comme un mélange improbable de Zazie et Maitre Gims que comme la nouvelle incarnation des jeunes gens modernes tant vendue. Non, ce n’est pas parce que tu portes une moustache et une veste de ski Rossignol, que tu es pop. Ces projets rêvent tous de sonner comme Niagara, arborent des coupes de cheveux étudiés, convoquent un « tempérament joueur et une appétence pour le synthétique » (dixit les Inrocks) mais leurs potages évoquent plus Les Enfants de la Télé d’Arthur qu’une immersion au Palace. D’où vient cette différence flagrante malgré leurs efforts de mimétisme absurde et gênant ? Peut-être tout simplement au fait que Bashung, Jacno ou Taxi Girl n’étaient pas des anciens étudiants en école de commerce, eux.

Il Est Vilaine ne sont pas des fils de pharmaciens (ou peut-être que si, je n’en sais rien) qui se prendraient soudainement de passion pour les faces B de Mylène Farmer, mais un duo techno qui officie dans la lumière noire de Chloé ou des labels allemands comme Bahnsteig 23 et qui chérissent les backrooms gay et les disques d’EBM belges obscurs. Ils se sont faits connaître grâce à leurs sets musclés dans des endroits crasseux de la capitale où la nuit y est belle et sauvage, des maxis et des remixes technos déments et ils portent même des vestes de biker à leur effigie. Aujourd’hui, ils ont décidé de faire un pas de côté et de sortir ce très beau petit 45 tours sous le nom de Vilaine, avec deux chansons et basta – limité à 200 exemplaires, ne dormez pas –  afin de délivrer, eux aussi, avec beaucoup d’audace, leur propre idée de pop française. Et pourquoi pas, foutre un coup de pied dans la fourmilière ?

Sur la face A, le morceau Fini Beauté, il y a d’évidents clins d’œil à Bashung période Oh Gaby ou Madame Rêve, mais aussi aux productions d’Arnold Turboust en solo (“Adelaïde, vous êtes bell-heu”…). Le refrain fait penser à une version gay de Gérald De Palmas – et c’est un compliment :  je veux dire un Gérald De Palmas qui se défait une bonne fois pour toute de ses oripeaux hétérosexuels et patriarcaux pour vendre son cul sur la route, toute la sainte journée.

Sur la face B, L’Amour En Technicolor, on trouve une discrète rythmique de Roland CR-78 en mode mambo du décalco pour nous conter un souvenir d’été, une « carte postale égarée », qui doit autant à l’esthétique d’un Alain Chamfort période Trace De Toi qui traîne son spleen sous le soleil grec qu’au groupe Niagara. Cette thématique de l’été en français, si usitée dans la pop qu’il faut voir cela comme une figure de style avec ses propres codes, un peu à la manière du polar pour un cinéaste ou de la nature morte pour un peintre : il y a d’un côté les grands maîtres du genre – Niagara, David et Jonathan, Joe Dassin, Week End à Rome, Coeur Grenadine de Voulzy – sur lesquels les artistes d’aujourd’hui se calquent pour afin d’en donner leurs propres interprétations. Ce schéma se reproduit sans fin et fonctionne aussi pour l’artiste marseillais Jul ou n’importe quelle autre chanson populaire vantant les mérites de la plage, du soleil, des regards de séduction ou bien des « claquettes-chaussettes ». L’Amour En Technicolor d’Il Est Vilaine se situe dans un univers esthétique très Paris mondain sorti tout droit du film Les Nuits De La Pleine Lune d’Éric Rohmer et a peut-être aussi été influencé par un disque plus contemporain qui a fait date : celui groupe Paradis. Les Vilaine nous donne du post-punk propre sur soi mais derrière lequel on devine une dangerosité animale, le chant y est désincarné et les paroles absurdes enfoncent cette thématique de méta-vacances sublimées qui n’existent, au fond, que dans les clips vidéo. La voix y est aussi bizarrement souffreteuse et semble transpirer d’un manque d’opiacé.

Anyway, c’est un coup d’essai réussi pour nos nouveaux punks Parisiens, un disque à écouter avec des mocassins sans chaussettes, en marinière avec un perroquet sur l’épaule.

Vilaine // Fini Beauté – L’Amour en technicolor / Sortie le 13 Septembre 2019 (et release party le même jour chez BigWaxhttps://dialectrecordings.bandcamp.com/album/vilaine

Un 45 tour limité à 200 exemplaires – soyez vifs.
Photographies par Julia Grandperret Motin.

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