Petit festival à la prétention mesurée, Beauregard est devenu progressivement un incontournable du grand Ouest, un de ces rassemblements où l’excellence n’est pas encore ensevelie sous la boue. Ce fameux samedi soir au fin fond de la Normandie, Sébastien Tellier sexualise une foule lubrifiée, un pass s’arrache, une bouteille de champagne disparait et une question en suspend : mais putain, que s’est-il donc passé dans ce coin VIP ?

Ce pays a quelque chose d’agaçant. Il y a ce ciel gris, cet éternel faux-espoir et ces gouttes de pluie qui s’abattent inlassablement sur une marée de boue étendue à perte de vue. Après des années de Route du rock, j’étais pourtant prévenu, pourquoi s’entêter ? Même les prévisions orageuses jouent contre moi. Il est à peine 18 heures, mon ventre est vide. Par peur d’être influencé ou simplement par excès d’élitisme mal placé,  je décide de snober la conférence de presse de Sébastien Tellier, à d’autres la comédie de boulevard et le one man show pro-drogues. Les journalistes s’amusent à traquer une bête faussement naïve qui tente désespérément de jouer de son image « bobo-gourou »., c’est d’un triste… Il est déjà 19h30, Izia finit de geindre, Kaiser Chiefs s’installe sur scène. Rien de plus qu’une goutte d’eau de plus dans une tempête qui s’annonce.


Heureusement et à force d’entêtement, une bonne nouvelle finit par arriver. La pugnacité du responsable presse du festival Beauregard porte quand même ses fruits, il vient de me dégotter vingt minutes d’entretien avec le barde de l’Alliance Bleue. Mes questions sont gribouillées sur un bout de carton arraché à la pizza quatre fromages du train inter-cité. Le pastis commence à élever, la dégustation de bière inhibe, la vodka décharge l’adrénaline vacant d’un esprit commençant à vaciller. Le  taux horaire Tellier étant étrangement cher et en pleine inflation, c’est la guerre des demi-heures pour se retrouver seul avec l’attraction du jour. Accessible et d’une gentillesse troublante, Sébastien m’accueille comme un vieux pote de Cergy. Rencontre.

Nous sommes en crise, il pleut, il fait froid, la nuit tombe et tu offres avec « My god is blue » une rêverie amoureuse très optimiste. Comment fais-tu pour y croire encore ?

Il faut rêver et moi, c’est ce que j’aime faire. Déjà rêver c’est gratuit, à la portée de tous, il suffit de t’allonger et t’envoler vers des contrées plus bleues. Mais je crois que la chose la plus importante c’est de cultiver sa folie, ou même l’inventer. C’est ce qu’ont fait Dali ou Picasso, à la base des gens très normaux.

On peut devenir fou du jour au lendemain ?

Exactement, j’avais 17 ans, je logeais dans un cabanon à Paris, je n’avais pas de métier. Je n’avais qu’à penser. Et je me suis dit : « si je veux faire de la musique, ce serait bien d’avoir une personnalité à part et surtout distrayante, faire de l’entertainment ». Il faut faire rêver les gens sinon ils se désintéressent de toi, il est donc de bon ton de se créer un personnage pour amuser le public. Autre que la folie, le mensonge est primordial, c’est une clé du rêve. Le show business, le spectacle, ce sont des mensonges. Mentir ne me choque pas, il faut coûte que coûte rester intéressant et performant.

Ton dernier album est pourtant un peu triste. Malgré ce rêve bleu, je trouve que ça manque de poésie et surtout de hauteur.

C’est très étrange car je le vis totalement différemment. Quand j’ai créé cet album, quand j’ai écris les paroles et maintenant quand je l’écoute, je voyage de lacs en montagnes enneigés, perdus dans une jungle touffue.

Tu me fais plus rêver au piano avec L’amour et la violence qu’en jouant les gourous.

Venons en à cette chanson. Je la vois comme un poème de René Char, un poème court à répétitions. Et cette chanson c’est peut-être ma plus grande fierté quand le public la reprend en cœur avec moi. C’est tout ce que je veux faire, de l’Antonin Artaud popstar, du René Char popstar.

Ah ta fameuse quête de popularité…

C’est primordial. Moi je viens de la banlieue de Cergy-Pontoise, d’un pauvre lotissement entourant une cité où toutes les maisons sont identiques. Quand on grandit dans ce genre d’environnement, on a envie d’être connu. Moi je ne pouvais pas me permettre d’être personne dans tout ce bordel. Certaines personnes snobent la popularité comme les gens de grandes familles que je côtoie. Moi c’est le but de ma vie, quand je signe des autographes dans la rue, je suis fier de moi. Et j’aimerai être le français le plus connu au Monde. J’ai ce besoin d’être connu, c’est fondamental.

N’est-il pas pathétique d’avoir à se droguer pour créer ?

Ca peut le devenir avec la dépendance qui prend le pas sur tout. Moi, je ne pourrais plus jamais composer un titre sans avoir fumé un joint. C’est un peu triste mais pas trop quand même. La drogue n’a jamais été un refuge, ça a toujours été un moteur, une excitation. Je hais ce qui est malsain, se retrouver dans des plans foireux avec des mecs shootés ou se faire allumer par une nana sous ecsta, pas pour moi. Je me protège du côté glauque de la drogue pour n’en tirer que le bon côté.

Pour toi, l’alcool est-il un fléau ?

L’alcool n’est pas un fléau mais ça m’a détruit, c’est ce qui m’a amené à être interné. Une bouteille de Jack Daniels par jour avec du Lexomyl, y’a de quoi devenir barjot. L’alcool m’a fait du mal, le nombre de concerts que j’ai foiré, le nombre de rendez-vous où j’ai tenté de faire le mec sérieux en vomissant partout. Mais je ne regrette rien car je m’éclate avec l’alcool. Parfois la cuite purifie mon esprit comme hier soir avec de l’alcool blanc du Bénin qui te fracasse au premier verre. L’alcool m’a fasciné très jeune, notamment à cause d’un moyen-métrage de Jean Rouch, Les maitres fous, où un village bourré au khat rentrait en transe et inventait une nouvelle société.

Es-tu un punk et te sens-tu investi d’une mission d’amour ?

Je suis un punk clean qui aime le fric. Je suis un rebelle confortable. Je vote pour l’argent et le confort, je veux faire partie de la jet set. Pourquoi ? Ca m’apporte de la joie simplement. Oui, je suis en quelque sorte en mission et notamment via le titre Cochon ville qui est un message de liberté. A l’Alliance Bleue on accepte tout type de sexualité, sauf la pédophilie. On est très open sur la zoophilie par exemple. Je n’aurai jamais cru dire ça un jour mais oui, aujourd’hui, comme a pu l’être Balavoine, je suis le porte-parole d’une génération en quête de liberté.

Veux-tu être éternel ? 

Bien sûr et pour ça, il faut faire de la musique sexy, ça permet d’être jeune pour toujours. James Brown, même à la fin de sa vie ses concerts donnaient envies de baiser. J’essaye de la faire de la musique pour tout le monde en espérant que la nouvelle génération ne me gerbe pas dessus, que je puisse m’inscrire dans la postériorité.

Pour finir, tu n’as pas parlé une fois de ton talent de musicien, et surtout de mélomane …

Comment croire en un quelconque talent quand Elvis est déjà passé par là…

Fier comme un paon d’avoir pu approcher la bête, je vais de ce pas courir secourir ma dulcinée perdue au pied d’un parking macabre, culs de bouteilles et cubis premiers prix en guise de tapis rouge. Et quoi de mieux qu’une pinte de Pastis pour boire le sud à deux et oublier le temps d’un verre la torpeur obscure du ciel, hein ? Pendant ce temps là, les Tindersticks jouent dans la plus grande indifférence. Enfin, surtout la mienne.
Mon état d’ébriété commence à me porter de table en table, du coin VIP au point presse, les verres s’enquillent, éclaboussent, ma tête divague, mes souvenirs s’envolent, ma conscience et mon esprit sont quand même bien là pour le concert de Jean-Louis Aubert qui me donne la nausée. Le sosie de Mick Jagger sous anxiolytique abuse un pauvre public berné par son passé. Il est temps à mon tour de (me) tromper. Oh je n’ai pas la prétention de berner des milliers de personnes, deux bouteilles de champagne dérobées suffiront à ma vengeance égoïste et paranoïaque. Dent pour dent dirons-nous. Quel beau souvenir, celui-ci bien ancré et attaché comme une bouée à la mer, seul vestige d’une joie de courtée durée…. Il est 23h, Sébastien Tellier est seul sur la grande et pleine scène. De la fumée bleue l’élève en demi-dieu, il est si loin, si près, intouchable barbu, cupidon du cul qui sexualise une foule à poil. J’ai les yeux qui se ferment, le bassin qui se déhanche et la pluie lubrifie les visages amoureux du sexe sale et de l’amour. De « Sexuality » à « My god is blue », Tellier parvient à dépasser l’échec relatif de son dernier album pour livrer un acte amoureux de plus d’une heure. Une performance pour ma part impossible à tenir. Le parapluie est jaune transparent, il me protège comme un cocon impénétrable. La bouteille de champagne passe de main en main, gargarise les timorés, excite les timides et manipule les plus chétifs. Du haut de mon mètre soixante tout mouillé, je commence à déconner sec. Etre saoul n’a jamais servi d’excuse.

Alors tout va très vite. Orelsan en fond sonore, le coin VIP théâtre des horreurs et quatre vigiles qui s’abattent sur ma carcasse aussi lourdement que la pluie sur mon visage. La vision se trouble. Motif de mon inculpation? Un geste impardonnable, une baffe sur la belle qui m’accompagne. Comme ça, pour rien. Connement. Un jeu d’adolescent qui tourne mal, une paume nerveuse qui s’abat sur un beau regard. Erreur fatale. On me traine sur toute la longueur du VIP, pas d’exclusion temporaire. C’est le carton rouge direct, retour à Paris en seconde classe.
Trainé vers la sortie du festival, je lévite légèrement grâce aux vigiles au dessus de la boue avec le bruit de la foule et d’Orelsan qui lentement s’éloigne, comme moi, de la fête. Je me sens sale, j’ai envie de dormir pour tout oublier, je me réveille brutalement dans un train avec le bruit des anecdotes et des SMS pour seul signal de détresse. Bien loin du gonzo rêvassé au fond de mon lit humide d’adolescent, je reprends lentement conscience. Beauregard s ‘achève, des leçons plein la tête à défaut de plombage. Au cachot Mr Ig et à l’année prochaine, avec l’ambition d’être un brin moins con. Pas bien compliqué diront certains.

http://www.festivalbeauregard.com/

2 commentaires

  1. On te savait pathétique mais il serait temps de grandir un peu. Clean up your act. En ce qui me concerne tu ne devrais même pas avoir droit de cité. Arrête deux secondes de faire ta surprise. Perso j’en ai franchement ras le cul d’entendre Gonzaï se faire cracher sur la gueule parce que tu es incapable de te tenir, d’autant que ce n’est même pas fun …

  2. Sinon Sébastien Tellier va bien finir par être le français le plus connu dans le monde et dépasser David Guetta à force de désirer le succès plutôt que la qualité, peu de doutes…

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