Tout le monde connait Miles Davis, tout le monde connait sa musique, tout le monde connait son histoire mais qui connait Miles « Dévisse »? Pas forcément moi. Niv

Tout le monde connait Miles Davis, tout le monde connait sa musique, tout le monde connait son histoire mais qui connait Miles « Dévisse »? Pas forcément moi. Niveau jazz, il y a tellement d’artistes tripés style Coltrane ou Esbjörn Svensson Trio que mon histoire avec Miles s’était arrêtée au moment où je le considérais encore comme une valeur sûre d’un jazz disons « pur » : en haut d’un ascenseur. Vous connaissez la suite.

Lumières quasi absentes, fond musical teinté St-Louis, vieilles photos au grain unique et bandes vidéo rarissimes, tel est la cène au commencement de l’expo We Want Miles à la Cité de la Musique. Tout au long de la première partie du pèlerinage, pas une voix ne s’échappe de la paroisse, si ce n’est quelques « you know man » lancés religieusement par Miles sur une pellicule en sale état. Ici, au rez-de-chaussé, on est dans l’histoire.

Qui était Miles, quelle vierge lui a donné le sein, quel était son destin ? Du Wikipédia, okay, mais parfumé d’objets poussiéreux, d’instruments d’époque, de coupures de presse subjectives et d’anecdotes toujours cool à zieuter lorsqu’on raque une expo. Moi ce que je voulais, c’était en savoir plus sur le Miles barré, ce qui résultait d’un Miles drogué, d’une brebis égarée. Alors oui, j’avais penché l’oreille sur le mythique On The Corner mais je redoutais le reste : la possibilité de contempler tristement un jazzman sucé par le son et les couleurs des 80’s. Mais Miles a su se tenir : plus kitsch dans sa garde robe que dans sa musique, bienvenue au sous-sol de la Cité, le nouveau testament de We Want Miles.

Et j’ai bien cru que je ne pourrais jamais me la taper cette deuxième partie.

Dès l’entrée, un son appelle à la messe. Les organisateurs ont osé coller un extrait live de Davis à l’Île de Wight en 70. Accompagné de Jarrett à l’orgue et de Dejohnette à la batterie, lever mes lunes de devant l’écran relève de l’impossible. Tous les ingrédients sont là : le pain, le vin. Miles dévisse complètement, lui et une trompette bourrée de réverb’. Des mélodies rares et griffées sortent de l’âme impure du guide. Constamment sur la brèche, chaque vent frôle avec la dissonance, à deux doigts d’une noyade dans les profondeurs de la masse. Pourtant les notes du jazzman restent divines. Aucun enchaînement ne refoule le baroque d’un technicos dégueulant son solfège. D’ailleurs, Miles l’a déjà crié :« Pourquoi jouer tant de notes alors qu’il suffit de jouer les plus belles ? ». Pour Jarrett, c’est la même chose. Même si le son du live est plutôt crade, il suffit d’ouïr le Keith plaquer un accord pour se prendre une baffe digne du jugement dernier. D’autant plus que son orgue électrique  épargne les beuglements du transcendé dans la repisse du micro de son traditionnel Steinway. Parallèlement, le Moog connait l’age d’or et le Big Bang de Davis l’utilise à bon escient (Soft-Machine devait s’en bouffer l’hostie). Niveau trame du morceau, c’est diabolique, épileptique, instable, angoissant, presque dodécaphonique. Encore une fois, ce son m’a crucifié. Dans ce live, chronométré à une trentaine de minutes, 600 000 pécheurs sont au rendez-vous. On apprend dans la vidéo qu’un spectateur demande à Miles «  quel est le titre de cette chanson ? ». Le Dieu répond : « appelle-là comme tu veux ». Et le saint naquit, le petit dentiste en herbe n’est plus, bonjour Seigneur! L’expo continue…

Et ça n’en finit plus de prêcher…

De gauche à droite, de bas en haut. Miles touche presque tout, tente presque tout et réussit presque tout. Certes, j’apprends vers la fin qu’il s’offre une veste cloutée typée Kiss… Saches Davis que tes offenses te seront pardonnées… De l’histoire d’un album en passant par les messages contestataires jusqu’aux expérimentations diverses du genre coller une Cry-Baby sur le mic d’une trompette, il y en a presque trop. Comme dans la Bible. Les toiles du maître elles aussi sont là. Car le Miles qui inspira Basquiat pour le tableau Bird of Paradise, fut également inspiré par Jean-Mi’ lors de sa période pinceau. Jazz et peinture, une histoire d’amour colorié par Matisse… Une bénédiction, sauf qu’il en faut du temps pour se torcher convenablement We Want Miles. Loin d’être semblable à tout ce ramassis d’expos aux installations chiadées et attrayantes dans le but de masquer, voire d’enterrer, une collection lamentable, la Cité de Musique pond ici du fond et de la forme. De quoi faire oublier la scandaleuse rétrospective Lennon qui n’était autre que le vulgaire plateau promotionnel des dernières frasques culturelles de Miss Ono. Amen, je rends l’antenne.

We Want Miles, du 16 octobre au 17 janvier à la Cité de la Musique.
http://www.cite-musique.fr/minisites/0910_we_want_miles/main.aspx




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