«Alors Dick, toujours avec tes santiags?». Estomaqué devant mon écran. Comment pouvait-on dire une chose pareille : « Alors Dick, toujours avec tes sant

«Alors Dick, toujours avec tes santiags?». Estomaqué devant mon écran. Comment pouvait-on dire une chose pareille : « Alors Dick, toujours avec tes santiags ? » Quelle espèce d’ignare prétentieux pouvait se permettre une réflexion pareille. Qui ne pouvait pas comprendre la profonde culture américaine de l’homme, l’amour du western et la pulsion rock qui accompagnait le tout en grand fracas électrique. Ce con, c’était bien entendu Fogiel. Et que je ne le reprenne jamais à prendre les gens pour des cons…

Alors pour réhabiliter l’homme, une interview organisée grâce au jeu promo de la sortie d’albums. L’homme sans âge… mon œil, oui. 62 ans et son premier disque à 15. Autant dire que l’homme en a vu beaucoup. Du coup, une interview thématique pour vous. Un témoignage par un du cru. Regard moderne ? Who Cares?

La culture Country-Western:

” Pour les gens de notre génération, ce sont nos vraies racines. Notre rêve américain c’était tout cela. Avant le rock… en parallèle. D’ailleurs le mariage des bottes de cow-boy avec un perfecto… RIDICULE. Après des mecs se sont emparés de cela. Mais à leur place nous n’aurions jamais fait cette faute de goût. Nous, c’était les cowboys type Robert Mitchum, Gary Cooper et autre John Wayne. Avec tout le fantasme de pays lointain, grand espace… Puis le rock qui était une musique un phénomène social important. Si tu regardes Brando dans l’équipée sauvage, il ne porte pas de cowboy boots mais des bottes de moto avec le perfecto. C’est européen la façon dont ils ont habillé les blousons noirs.

“Moi mon rêve américain je ne l’ai jamais vécu, je suis mon propre rêve américain.”

À part Austin au Texas, qui est une ville blues et électrique. Mais il y n’a pas de cowboy. Les gens mettent le chapeau parce que c’est comme un béret en France. Il m’est arrivé de chanter au festival qu’ils appellent country en France, les festivals de Mirande dans le Gers… Que des mecs du coin qui se déguisent pendant 4 ou 5 jours. Moi j’adore la culture cowboy. J’ai trait des vaches, fait du cutling. J’essaye de vivre mes rêves à fond. Toutes les choses que je fais, je n’en rougis pas.”

Découverte française du rock :

Dick Rivers, urbain“Le rock, je l’ai découvert dans les bases américaines qu’il y avait près de chez moi à Nice. Ca a également été le cas pour Bashung dans l’est de la France ou Depardieu à Chateauroux. Dans tous les endroits où il y avait des bases américaines, les gars ont découvert la culture américaine avant tout le monde. Les mecs apportaient leurs bagnoles, leurs femmes, quand c’était des officiers, la bouffe et la culture. Le cinéma, moi j’ai connu que ça à part des Chabrol ou Fernandel qui faisait marrer tout le monde. Sinon on avait que des films américains. Ma façon de chanter vient de là. C’est comme l’équitation : tu as l’équitation classique et tu as la monte cowboy. Austin, j’y suis allé pour la première fois pour enregistrer en 91, j’y ai rencontré des gens qui sont devenus des amis, avec qui l’on a fait des bœufs. C’était au service de mon efficacité.”

La France, un pays colonialiste.

Ils n’y avait pas de racisme. Et pourtant moi je viens d’une ville de cons qui s’appelle Nice, et qui est un état dans l’état. Les bons Niçois sont tous partis de Nice. Mais il n’y avait pas de racisme. Moi je ne savais pas ce que c’était qu’un juif. Il a fallu que j’arrive à Paris, que l’on prenne un batteur qui s’appelait Willy Lewis -en réalité Willy Taïeb-, que j’aille manger et dormir chez lui pour me rendre compte que l’on ne mangeait pas vraiment la même chose que d’habitude. Là on me dit : “il est juif”. Ah Bon !! Mais je savais même pas ce que c’était. Le colonialisme, pour nous c’était naturel, un département français ! Comme on n’avait pas beaucoup d’informations… Quand je suis arrivé à Paris début 61, il y avait les barrages, les postes de police. Mais on ne comprenait pas trop. Des noirs, on en voyait peu. C’était soit des médecins soit des vendeurs de tapis. Alors il y avait un côté folklorique. Le racisme ne se posait pas. C’est après, à Paris, que l’on t’inculque des trucs, on te demande de faire un choix.

C’est pour cette raison que je déteste toutes les religions. Je connais des catholiques intégristes qui ne baisent leurs femmes que pour faire des enfants. C’est un truc de malade. Dieu existe pour tout le monde, mais l’homme a créé les religions. Et ils se foutent sur la gueule avec cela depuis la nuit des temps.
Moi quand j’étais môme, mon meilleur ami était juif. Jamais on m’a dit : “lui il est juif, toi tu es catholique”. Jamais. À l’époque de la guerre d’Algérie, mon père était boucher dans le vieux Nice. On a vu la première migration d’Algériens francophiles. Ils venaient pour fuir la guerre. Ils nous invitaient chez eux, nous disaient « vous viendrez chez nous quand la guerre sera finie », nous apportaient des galettes de dattes. La façon de parler était folklorique. Mais ça s’arrêtait là.

Une jeune fille de 21 ans écoute Dick : «C’est pas sérieux mon amour».

L’homme sans age“Il y a un moment où cela devient du 3ème degré. C’est sublime que quelque chose qui ne représente quasiment plus rien musicalement pour moi ait traversé le temps. C’est le côté légendaire et flatteur. Si on m’avait dit, lorsque mon premier disque est sorti le jour de mes 15 ans, que je parlerais encore de musique à 62 ans… Pour moi, à 15 ans, un mec de 30 ans, c’était un vieillard.”

Le Canada :

“Oui, j’ai une double vie là-bas. Depuis 1965 il y a deux Dick. 80% de mes chansons au Québec ne sont pas les mêmes qu’en France. Sur les mêmes albums, eux choisissent autre chose. Et proportionnellement, j’ai eu plus de numéros 1 là-bas, qu’ici. En 10-12 ans, j’ai du avoir 15 numéro 1 là-bas. J’ai donc deux orchestres, un pour chaque pays.

Mais les Canadiens préfèrent les ballades. Par exemple, il y a cette chanson que j’ai faite en 66-67 quand j’habitais chez Mort Shuman à New-York où j’ai fait la connaissance de Neil Diamond. Et Neil Diamond à l’époque écrivait beaucoup pour des gens comme les Monkeys. Mais lui en tant qu’interprète avait un label local, qui ne couvrait que l’état de New-York, qui s’appelait Bang Records, et il était auto-produit. J’ai donc fait la version française de Girl You Will Be a Woman Soon. C’était lui qui l’avait écrite. Je suis donc parti enregistrer en Alabama où j’ai fait l’adaptation qui s’appelle Viens tout connaître. Numéro 1 au Quebec… Ici complètement inconnue. Mais, eux à l’inverse, ne connaissent pas Twist à St Tropez.

Payer sa fidélité à la cause du rock & roll.

Le Rock & Roll, je serai enterré avec. Malheureusement (ou heureusement) pour moi, je fais partie de ceux qui ont été biberonnés au rock & roll avant le reste des Français. Mais le vrai rock, celui qui nous colle, il est mort le jour où Elvis est parti à l’armée. Après le relais a été pris par tous les groupes anglais. Mais le rock tel qu’on le rêvait… il était fini aux USA. Quand des gens comme Gene Vincent ou Jerry Lee Lewis sont venus en Europe en 60-61, c’est que ça ne marchait plus là-bas. Le départ d’Elvis à l’armée, c’est la fin du rock au sens propre du terme. Du mouvement rebelle, social qu’était le rock.

Le travail de studio :

“Les masterings maintenant, on n’arrive pas à limer complètement le côté métallique du CD, mais ça se réchauffe. En plus, moi j’enregistre toujours : A-D-A-D. C’est-à-dire que l’on enregistre sur bande 24, on reporte sur un Pro Tools, et après je mixe en demi-pouce analogique. Et c’est le demi-pouce analogique qui part en mastering. On garde quand même la chaleur de la prise avec les défauts et la distorsion que cela peut comprendre. Mais c’est le jour et la nuit. En plus ça devient de plus en plus compliqué de trouver des demi-pouce, ça coûte la peau du cul. Mais dès que l’on appelle un mec de mastering, que ce soit Bob Ludwig ou n’importe qui et qu’on lui dit « vous avez les deux supports ? »… parce que on finalise toujours avec les deux supports: un CD ultra-pointu et la bande. Tous les mastering’men prennent la bande.”

Le MP3…

“C’est de la merde.”

Le manque d’âme des disques.

“Le problème n’est pas dans l’enregistrement mais tout ce qui est autour. Aujourd’hui on ne supporte plus les choses approximatives. Mon batteur par exemple, Larry Ciancia, un vrai batteur qui joue après la voix… il passe son temps à caler une fraction de pied de grosse-caisse avec la basse. Avant, ça serait passé parce que c’est inaudible à l’oreille humaine. C’est comme le fait que mes prises de voix sont toujours réelles. Parce que je déteste les recoupes de plusieurs prises. Quand on vous fait faire 3 bonnes prises et qu’on les compile, les découpe… bon.

Donc, plus les musiciens jouent bien, plus ils aseptisent. Par exemple, l’auto-tune dans Protools. L’auto-tune, c’est la légende de faire chanter n’importe qui ne sachant pas chanter. C’est pas vrai en fait. Parce que ça se sent quand on “bend” la note. Le premier mec que j’ai vu “auto-tuné” c’est le chanteur de country Garth Brooks qui avait un budget de 35 000 dollars d’auto-tune. Ils viraient en fait toute les notes un peu bleutées sur ses prises. Ils ont donc tué la blue note.”

Johnny Cash et la médiatisation :

“Moi je détestais Johnny Cash à la période Sun. Pour moi il chantait faux. Et je détestais les gens qui chantaient faux. Donc quand il y avait Roy Orbison, Jerry Lee Lewis et toute l’équipe Sun historique. Pour moi lui, c’était le mauvais élève. Et il a fallu que j’attende Rick Rubin avec les American Recordings. Parce qu’il y a eu l’intelligence de se servir de Cash par son vécu et sa voix. Lui faire chanter des tubes, c’était très intelligent. Mais Johnny Cash aux USA, c’était énorme. Ici, on a dû attendre d’apprendre qu’il allait crever pour que les gens s’intéressent à lui. C’est comme mon vieil ami Bashung, on n’en a jamais autant entendu parler que depuis que l’on sait qu’il a un cancer. C’est terrible, c’est la médiatisation people. Moi par exemple je ne suis pas un client pour les people. À part parler de mes bottes et de ma pseudo banane, les mecs, qu’est ce que tu veux qu’ils disent. J’ai une vie normale, je paye mes impôts, je suis pas en cure de désintoxication, je ne suis pas pédé. Je ne suis pas un client. Et eux cela ne leur suffit pas de dire “quel beau disque” dans tous les Talk Show. C’est pour cela que je ne ferai plus ces émissions à la con.”

La chanson :

“J’ai une prétention, et je pense être le seul comme cela : je ne chante pas comme un Français. Je chante en français, je revendique ma francophonie… Mais mon école n’est pas française. J’ai une formation complètement anglo-saxonne. Quand j’enregistre avec des Anglais ou des Américains, ils n’ont aucun problème avec ma façon d’interpréter. C’est l’une de mes plus grandes fiertés : me faire respecter par tout ce qui se fait de mieux en France, en Angleterre et aux USA au niveau des musiciens. Mais il y a une chose fondamentale : en France, le texte est primordial. En anglais, à l’exception de Dylan ou Cohen et les poètes, c’est l’inverse. Du coup, en France, il nous prennent pour des fêlés quand on veut faire sonner une syllabe différemment.”

Les années 1968–1972 :

“C’était l’époque où nous, on était encore très, très jeunes mais déja “has been” grave. En France tu avais d’un côté Mike Brant, Stone et Charden et de l’autre le Baba cool. Là on a morflé grave. Chez les branchés ricains, Rock & Folk et compagnie, ils étaient en plein trip américain. Moi j’ai détesté mai 68. Ca me faisait chier… Puis de l’autre côté, on avait une variété qui a pris le pas sur nous. Il a fallu atendre 71-72. Il fallait donc s’accrocher à quelque chose et moi je me suis raccroché au rythm & blues. La première fois que j’ai vu James Brown à l’Olympia, j’ai même pas pu applaudir. De l’autre côté, le seul groupe qui pour moi reste le plus grand groupe de rock du monde, c’est Creedence Clearwater Revival. Parce que c’était les seuls à Woodstock qui étaient un peu comme nous : un garage band.”

Johnny Cash // L’homme sans âge // EMI
http://www.myspace.com/dickrivers

Photos par Muntz Termunch

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