Plus de cinquante ans après « Concerto For Group And Orchestra » de Deep Purple reste dans l’esprit des amateurs de rock comme une ignoble bouse ampoulée qui aura également engendré chez les groupes de rock des envies de fusion rock et musique classique à travers les décennies suivantes. Et souvent pour le pire. La réalité est que cet enregistrement n’a jamais été vraiment écouté et que son histoire contredit totalement sa réputation. Pire : ce double album live était en fait très bien.
La décision de saquer le chanteur Rod Evans et le bassiste Nick Simper remonte en fait autour du mois de mai 1969. Il est évident que Deep Purple est en train de se faire dépasser par sa droite par un rock heavy plus redoutable que les expérimentations proto-Vanilla Fudge des deux premiers albums de Deep Purple. Jeff Beck Group et Led Zeppelin ont pris d’assaut les Etats-Unis, et Vanilla Fudge et Iron Butterfly, les deux pionniers heavy à base d’orgue sont devenus moribonds en quelques mois, passant du statut de stars en 1968, à remorques du rock en 1969. Deep Purple sent passer le boulet de près. Et malgré l’immense qualité du troisième album « Deep Purple » avec Evans et Simper, il est devenu bien trop timide par rapport à l’explosion musicale qui est en train de se développer depuis l’enregistrement du disque en janvier 1969. il y a bien sûr le premier album de Led Zeppelin, un véritable obus publié le 12 janvier 1969, suivi de sa réponse en juin 1969 par le Jeff Beck Group : « Beck-Ola ».
Nouvel équipage
Le dernier concert du Deep Purple Mark I avec Evans et Simper se tient à Cardiff le 4 juillet 1969. Une tournée américaine eut lieu auparavant, mais il n’en existe quasiment aucune trace. Le 4 juin 1969, le guitariste Ritchie Blackmore et l’organiste Jon Lord assistent à un concert d’Episode Six pour constater de visu le talent du chanteur Ian Gillan qu’on leur a conseillé. A la fin du concert, Gillan est débauché, mais il pose sa condition : le bassiste Roger Glover le suit. Cela tombe bien, car Nick Simper doit également sauter.
Les répétitions du Deep Purple Mark II commencent au Hanwell Community Centre à Londres alors que le Mark I n’est pas officiellement dissous. Il ne le sera en réalité jamais : Rod Evans et Nick Simper découvriront que Deep Purple se produit sans eux au Speakeasy de Londres le 10 juillet 1969. Ce sera le premier set de cette seconde incarnation, qui ne jouera que devant une poignée de spectateurs. Rod Evans rejoindra Captain Beyond, et Nick Simper, Warhorse. Cependant, leurs contrats avec Coletta et Edwards n’ont jamais été officiellement rompus, ce qui va poser de nombreux problèmes pour eux à l’avenir.
Deep Purple débute un long travail de labourage du public rock pour redorer le blason. Assurant toute une série de concerts en Europe, là où ils sont le moins connus, Deep Purple Mark II se fait une réputation d’attraction de scène. Et cela, il le doit à son nouveau chanteur charismatique et violent, Ian Gillan, et aux duels farouches d’orgue et de guitare de Jon Lord et de Ritchie Blackmore. Le 4 octobre 1969, Deep Purple se produit au Casino de Montreux. Le concert est enregistré et sortira en 2006. Il dévoile une formation furieuse, propulsée par deux nouvelles compositions de taille : Kneel And Pray qui deviendra Speed King, et Child In Time. Le reste du set est une version largement réarrangée des vieux classiques. Mais même la basse vrombissante de Roger Glover apporte un nouveau souffle. Le batteur Ian Paice ne se départit pas de son jeu jazz à la Buddy Rich, mais joue de plus en plus fort. Ce fameux concert est absolument exceptionnel, et dévoile l’évolution dantesque de Deep Purple en quelques mois. Tout sature, la violence musicale est presque physique.
Un morceau décisif
Cette violence est dû à quatre musiciens face à un seul : Blackmore, Paice, Gillan et Glover soudés dans la nouvelle orientation, alors que Jon Lord est encore dans des sonorités fines et psychédéliques. Pourtant, elles se mêlent incroyablement bien à la nouvelle évolution de Deep Purple, et le chef d’oeuvre de cette étrange fusion s’appelle Child In Time. Cette nouvelle composition, issue des cerveaux combinés de Ritchie Blackmore et Jon Lord, croise les grandes aspirations artistiques du Deep Purple nouveau, encore contradictoires. Sur l’enregistrement de Montreux en octobre 1969, Deep Purple est une espèce d’hydre débordante de créativité, allant du proto-hard-rock en passant par la soul et la musique progressive d’influence classique. Le jeu de guitare montre en lui-même l’embarras dans lequel le groupe se retrouve. Blackmore joue toujours sur une Gibson ES-335 rouge cerise avec vibrato qui devient trop laborieuse à exploiter. Cet instrument à grosse caisse et mécanisme laborieux comme un V8 américain, va être remplacé à la fin de l’année par une Fender Stratocaster noire à tête large, la même que Jimi Hendrix au Festival de l’Ile de Wight en 1970. Il va tellement en exploiter les possibilités que ladite guitare va perdre la moitié de ses mollettes dans l’action au cours des mois à venir. Et cet enthousiasme sera pour écrire les compositions qui alimenteront « In Rock ». Mais nous n’en sommes pas encore là.
Un projet foireux au mauvais moment
Alors que Deep Purple est en train de se faire un nom dans le circuit hard-rock dans la lignée de Led Zeppelin et Jeff Beck Group, Deep Purple Mark II sort son premier simple le 25 juillet 1969 : Hallelujah. C’est une chanson traînant l’héritage de la période Evans-Simper, et ce n’est assurément pas une bonne idée, d’autant plus que la face B est une version raccourcie de April, un morceau du dernier album avec Evans et Simper.
S’agit-il d’une volonté de ne pas perturber les anciens fans de Deep Purple ? Alors que le groupe est capable de toutes les audaces en concert, il joue une étrange carte de la sécurité qui n’a que des effets négatifs. En effet, il a déjà perdu son public américain, et alors qu’il tente de conquérir le public européen, il utilise la formule musicale qui n’a jamais donné aucun résultat commercial en Europe. Conclusion : le simple ne se classe même pas en Grande-Bretagne, et ne fait que 108ème aux USA. A cela s’ajoute également un point historique intéressant : la chanson a été enregistrée les 7 et 12 juin 1969, c’est-à-dire avant le débarquement de Evans et Simper, et alors que Deep Purple souhaite justement changer de cap musical. Ritchie Blackmore évoquera plus tard en interview « un espèce de milieu de plusieurs trucs » tentant de séduire à la fois l’ancien et le nouveau public, et qui n’en ravira aucun.
Fort de cette erreur, Deep Purple retient la leçon et va donc forcément publier un de ces nouveaux morceaux puissants qui commencent à alimenter sa setlist. En effet, dès les premiers jours de répétitions au Hanwell Community Centre en juin 1969, les bases de Child In Time et Kneel And Pray sont déjà jetées. Le prochain simple ne peut être que Kneel And Pray/Speed King, parfait pour imposer le nouveau son. Mais avant cela, Jon Lord, qui est encore le leader de Deep Purple, va imposer un nouveau projet de son cru avec l’assentiment de Coletta et Edwards : un concerto pour groupe et orchestre classique.
Une drôle d’idée en forme d’évènement
Si Ritchie Blackmore et Ian Paice avalent quelque couleuvres à l’entame des répétitions de ce concerto, ils marquent un point important : le concert sera en deux parties, avec une première constituée d’anciens morceaux réarrangés, et de nouvelles compositions. La seconde sera consacrée au concerto. Le concerto prend également des allures d’évènement, puisqu’il va se tenir au prestigieux Royal Albert Hall, haut lieu de la musique classique britannique. Deep Purple va être le premier groupe de rock à s’y produire. Le concert va également être filmé par la BBC, et retransmis à la télévision. On ne peut rêver mieux pour faire connaître sa musique.
Jon Lord réussit à obtenir la participation du Royal Philharmonic Orchestra, conduit par le chef d’orchestre Malcolm Arnold. Ce dernier est un personnage en soi. Né en 1921, il est avant tout un brillant compositeur, auteur de 9 symphonies, plusieurs concertos et surtout des musiques de films comme Le Pont De La Rivière Kwaï en 1957. A la fin des années 1960, il est pourtant un personnage à la dérive. Réputé comme colérique, alcoolique, il divorce par deux fois dans la décennie, et tente également de se suicider à deux reprises.
Lord a beaucoup de respect pour lui, et Arnold aime l’enthousiasme de ce jeune musicien rock. Il y voit également une manière d’ouvrir un peu le monde de la musique classique, et accepte le défi de ce concerto. Jon Lord essaie de dérider tout le monde : il s’agit avant tout de s’amuser, de prendre du plaisir dans une expérience musicale qui n’a jamais été faite à ce jour. Tout cela est dans l’esprit de la pop : irrévérencieux. On désacralise, on s’amuse. La séance photo, qui se tient quelques jours avant la prestation, montre Deep Purple en compagnie de Malcolm Arnold de bonne humeur posant devant le Royal Albert Hall. Même Ritchie Blackmore esquisse un sourire. Arnold semble en tout cas très fier de cette expérience enthousiasmante.
Les répétitions sont toutefois compliquées. Se tenant dans l’enceinte du Royal Albert Hall, la plupart des musiciens du Royal Philharmonic Orchestra se montrent peu assidus, clairement revêches à jouer la musique d’un musicien de rock chevelu accompagné de son groupe d’amateurs. Qui plus est, ils sont dirigés par ce vieil alcoolique de Malcolm Arnold à la réputation des plus détestables. Cependant, les choses se mettent peu à peu en place. Les musiciens classiques se rendent compte que le quintette de rock est loin d’être mauvais, et qu’ils ont une capacité à s’adapter musicalement à n’importe quel contexte pour improviser. Si Jon Lord est l’auteur de la musique du concerto, Ian Gillan apporte des paroles, et impressionne par sa capacité vocale.
La musique
Le 14 septembre 1969, le jour J est arrivé. Deep Purple se produit devant les caméras de la BBC, devant un public de jeunes gens amateurs de rock et de pop, peu habitués à ce lieu guindé de la grande culture britannique. Le concert sera diffusé ultérieurement, accompagné d’une introduction par un speaker de la BBC, qui présente l’enregistrement comme une première mondiale. On y entend des applaudissements nourris, et la présentation du groupe et de l’orchestre, résumant l’aspect unique de la prestation.
En première partie, Deep Purple réinterprète Hush dans une version plus sauvage et dynamique. La guitare est indubitablement plus présente. Ritchie Blackmore se sert encore de sa précieuse Gibson ES-335. Le son est encore très rond, entre fureur hard et frénésie psychédélique. La voix de Ian Gillan a cependant déjà envoyé Deep Purple dans une autre dimension, celle à venir. Elle est encore pleine de nuances, entre douceur et montée d’hystérie rock’n’roll. Ritchie Blackmore s’amuse à y ajouter des thèmes de dessin animé pour montrer sa lassitude de cette vieille scie scénique, mais qui montre la bonne humeur générale.
S’en suit une superbe version de l’instrumental Wring That Neck issu de l’album « The Book Of Taliesyn » dans une version très jazz-rock avec de multiples solos d’orgue et de guitare. On est loin du côté médiéval un peu prétentieux de la version studio. Ian Paice et Roger Glover propulsent la rythmique dans la stratosphère, Lord et Blackmore rivalisent alors d’inspiration et de ferveur pour rendre la chose palpitante. La complicité est exceptionnelle, se répondant note pour note, mesure pour mesure, se soutenant mutuellement et se relançant en permanence, plus de treize minutes durant. Ritchie Blackmore a particulièrement atteint une autre dimension à la guitare. De bon soliste inspiré, il est devenu un maestro illuminé, que seules quelques sardines de tente retiennent encore au sol.
Enfin, il y a le premier grand chef d’oeuvre de Deep Purple enfin capté sur bande : Child In Time. Dans ce contexte majestueux et orchestral, le morceau prend une dimension presque iconique. C’est l’une des plus belles versions jamais captées, encore pleine de la sensibilité des musiciens convaincus de tenir une grande chanson. Le chant de Ian Gillan est plein de sensibilité et de virtuosité, l’accompagnement de Jon Lord à l’orgue est d’une sensibilité à fleur de peau. La rythmique est exceptionnelle, avec la virtuosité à la batterie de Ian Paice. Quant à Ritchie Blackmore, il crève des sommets avec son solo de guitare vertigineux, plein de nuances et de subtilités, tout en étant déjà rapide et virtuose. La grosse Gibson, peu maniable, l’empêche de faire des frasques sonores. Son écho naturel l’oblige à se concentrer sur la précision des notes. Il est parfaitement soutenu par Glover, Paice, Lord et Gillan aux bongos. Sur le film, le public se régale devant une telle virtuosité. Peu à peu, l’orgue et la guitare se rejoignent, et forment un tout qui s’inscrit dans la phrase musicale enivrante avant le retour du chant, une mise en harmonie guitare-orgue à la Fleetwood Mac sur Albatross.
Puis vient le concerto. Le démarrage par le Royal Philharmonic Orchestra est très intimidant par la puissance qu’il dégage. Cependant, on sourit à l’écoute de l’entame de First Movement : Moderato – Allegro, car cette petite ligne rappelle en fait une improvisation de Jon Lord sur Wring That Neck. Qu’on le veuille ou non, et l’auteur de ces lignes est peu amateur de musique classique, on ne peut que saluer la force apportée par l’orchestre à cette musique pop. Vers sept minute et trente seconde, Deep Purple entre en scène dans une improvisation étourdissante. Ian Paice et Ritchie Blackmore sont indéniablement les rois de cette séquence. Leur intervention n’est en rien incongrue, échangeant notamment après le solo de Blackmore avec l’orchestre dans une parfaite communion musicale.
Second Movement : Andante voit Ian Gillan se présenter comme chanteur lead d’un orchestre complet. Il arrive sur la partie rock, mais celle-ci est soutenue par l’orchestre symphonique, et donne une dimension vertigineuse à ce jeune chanteur qui n’était que trois mois plus tôt un vocaliste de plus dans un groupe de rhythm’n’blues anglais. La seconde partie de ce mouvement est une sorte de blues sur laquelle Ritchie Blackmore fait des étincelles à l’économie, ce qui est rare chez lui. Jon Lord a encore cette sonorité pure d’orgue Hammond dont le jeu virevoltant, fin et élégant, rend chacune de ses interventions fascinantes.
Third Movement : Vivace-Presto se montre l’une des plus belles fusions entre musique classique et rock. Ritchie Blackmore est totalement à l’écoute de l’élan de l’orchestre, n’apportant ses notes que comme un violon soliste. La fluidité de l’apport des cinq Deep Purple est étourdissante, toujours sur la brèche de l’inspiration. Le jeu délié et clair de Blackmore survole un tapis sublime de violons et de violoncelles. Il est ensuite rejoint par le clavier plein de liqueur merveilleuse de Jon Lord. A cette époque, chaque note est un délice baroque au milieu d’un mur du son de plus en plus solide.
A la fin des trois mouvements, Deep Purple et le Royal Philharmonic Orchestra bénéficient d’une standing ovation d’un public chamarré de jeunes gens pop et d’habitués audacieux ayant payé leur abonnement aux concerts de la salle. Porté par l’enthousiasme, Malcolm Arnold, le Royal Philharmonic Orchestra et Deep Purple se lancent dans une improvisation de presque six minutes en forme de rappel. L’orchestre débute, suivi de Deep Purple en format rock. Classique et rock fusionnent dans la plus totale spontanéité du moment, juste pour faire plaisir au public, ce qui n’est assurément pas une tradition dans la musique classique. Là encore, Malcolm Arnold et Deep Purple se moquent de tous les codes.
Une publication ratée
« Concerto For Group And Orchestra » sort en décembre 1969 sur Tetragrammaton pour la dernière fois aux USA, le label faisant faillite quelques semaines plus tard. Il est publié en Grande-Bretagne par le label Harvest, filiale progressive de EMI, qui accueille notamment Pink Floyd. Il atteint la 26ème place des classements britanniques, et 149ème aux USA. Sa sortie vinyle n’a surtout aucun rapport avec la vraie nature de l’enregistrement initial. Sous une version simple, seuls les trois mouvements du concerto sont proposés. La pochette montre un groupe lointain, assis nonchalamment dans les fauteuils de velours rouge, et à l’allure arrogante dans cette grande salle de musique classique. Tout semble réuni pour en faire un désastre annoncé.
Car la chronique va se focaliser sur le contenu du disque et cette pochette, et va prendre très au sérieux la nature du disque, comme elle le fit lors de la diffusion du concerto à la télévision. Pour résumer, Deep Purple souhaite montrer qu’il est capable d’être au niveau des meilleurs compositeurs classiques, et il l’a fait en jouant avec le Royal Philharmonic Orchestra. L’album est alors décortiqué, on y trouve plein de défauts et de pains : Deep Purple joue mal, l’orchestre est bancal, le chef d’orchestre n’est pas très prestigieux. L’amusement et le plaisir, visibles sur les images de la BBC, ne transpirent pas sur ce disque à l’enregistrement au combien devenu sérieux sous la plume de la presse musicale. C’est la curée. Dans les notes de l’album de 1969, Jon Lord lui-même souligne l’absence de distance de la critique, aussi utile soit-elle. Mais il rappelle que ce soir-là, tout le monde s’est amusé, et c’était là le seul objectif.
Une réputation empoisonnée
Devenu disque prétentieux, dernier soubresaut d’une période proto-symphonique maladroite, la sortie de « In Rock » en juin 1970 vient mettre une balle de fusil final entre les deux yeux de ces considérations alambiquées. Cependant, « Concerto For Group And Orchestra » va engendrer un vrai mouvement de fusion de rock et de musique classique. S’en suivront « Five Bridges » des Nice en 1970 , « Procol Harum Live: In Concert with the Edmonton Symphony Orchestra » en 1972, « Caravan And The New Symphonia » en 1974…
Les fans de Deep Purple détesteront ce disque pour beaucoup, comme ils détestent les trois premiers albums avec Rod Evans et Nick Simper. Le VRAI Deep Purple rugit avec « In Rock » en 1970. Et effectivement, le changement est radical. On a surtout oublié que le premier vrai enregistrement studio de Child In Time est présent sur le fantastique « In Rock », publié le 5 juin 1970. Cette chanson est le prototype de ce que va développer Jon Lord et Deep Purple à plus grande échelle avec le concerto, une fresque de dix minutes et dix-huit secondes proposant plusieurs mouvements, entre les quelques notes épurées d’orgue du début, la lente montée par le chant de Ian Gillan, et l’explosion avec le solo de guitare. Il n’est pas d’ailleurs pas étonnant que ce morceau ait été interprété en première partie du concerto, dans une version superbe de 12 minutes.
Mais le mépris inhérent ne vient pas tant des fans eux-mêmes, qui sauront saluer une prise de risque musicale optimale. Par ailleurs, Deep Purple renouvellera l’expérience symphonique avec « Gemini Suite » enregistré le 17 septembre 1970 au Royal Festival Hall en compagnie du Light Music Society Orchestra. Cet enregistrement ne verra cependant le jour qu’en 1993. Pour ces deux enregistrements, Deep Purple a composé de la musique originale qu’il a interprété avec un orchestre symphonique. Et c’est bien ce qui a été perdu de vue.
En effet, Deep Purple a aussi ouvert la boîte de Pandore pour des collaborations entre groupes de rock et orchestres symphoniques de manière générale, et en particulier les formations dites metal. Le quintette va ainsi engendrer tous les lives réorchestrés comme « S&M » de Metallica en 1999, « Moment Of Glory » de Scorpions en 2000, les groupes de metal symphonique nordiques style Nightwish, et les tournées comme Rock Meet Classic. Là où Deep Purple avait cherché l’expérimentation et la prise de risque, ces concerts avec orchestres sont pour la plupart des tentatives désespérées de recréer de l’intérêt autour d’un groupe en mauvaise posture, quand il ne s’agit pas tout simplement d’une boursouflure d’ego en quête de respectabilité. Deep Purple est devenu avec le temps le mètre étalon du genre et ce disque le grand coupable de ces dérapages sonores souvent peu enthousiasmants.
Une lente reconnaissance
En 2002, Deep Purple va rééditer dans sa version intégrale le concert avec notamment sa première partie constituée d’anciens morceaux réarrangés (Hush, Wring That Neck) et de nouveauté (Child In Time ). Le groupe délivre une prestation superbe et inspirée, jouant unis comme les cinq doigts de la main. Ian Gillan a cette voix magnifique entre douceur juvénile et en montées d’adrénaline dans les aigus. Ian Paice est décidément un digne disciple de Buddy Rich, avec ses roulements de caisses foisonnants. Jon Lord a encore un son d’orgue pur, pas encore passé à travers de multiples artifices de sur-amplification. Roger Glover apporte une ligne de basse ferme, pouvant dériver vers le jazz si besoin. Quant à Ritchie Blackmore, toujours doté de sa Gibson cerise, il s’envole avec maestria dans des chorus enflammés, vifs, pleins de groove et de métriques étranges, autant tirées de la soul que de la musique folk médiévale.
La réécoute avec un son restauré du Concerto permet de redécouvrir ce tour de force musicale jamais tenté auparavant. Si les Beatles avaient utilisé des ensembles classiques plus ou moins grands dans leurs chansons à partir de 1965 grâce aux talents d’arrangeur de George Martin, personne n’avait osé une telle fusion, qui plus est en direct devant un public et des caméras. On a aussi oublié quel travail ce fut d’écrire, d’arranger et de jouer une telle musique, de la part de jeunes gens qui ont entre 24 et 29 ans.
Comme un pied de nez, pour fêter les 30 ans du Concerto, Deep Purple rejoue au Royal Albert Hall en compagnie du London Symphony Orchestra conduit par Paul Mann. Il y sera interprété dans ses quatre mouvements, ainsi que de nombreux titres de Deep Purple, cette fois accompagnés par l’orchestre. Steve Morse a remplacé Ritchie Blackmore en 1995, mais le groupe a connu une période de renouveau créatif, notamment avec les albums « Purpendicular » en 1996 et « ABandOn » en 1998. le résultat est étonnamment très réussi. Sans doute grâce à Jon Lord, l’esprit initial a été retrouvé. Et cet enregistrement ne fut en rien une tentative de respectabilité ou d’ego mal-placé. Deep Purple ayant été à la source de la chose, il a su réanimer l’esprit festif, entre les blagues de Ian Gillan à l’humour très britannique, et l’invitation du chanteur Ronnie James Dio qui vient interpréter le grand tube Love Is All de 1974 avec un orchestre, un morceau écrit par Roger Glover pour « The Butterfly Ball And The Grasshopper’s Feast ».
Plus de 50 ans plus tard, personne n’a rien compris à cet album. Et ce ne sont pas les punks de supermarchés, devenus médecins, avocats, ou cadres dans la fonction publique qui aideront à en comprendre le sens. Pourtant, replacé dans son contexte d’origine, et écouté avec attention et sans a priori, il s’agit d’un sacré album, déroutant et audacieux, et ce toujours, des décennies plus tard.
5 commentaires
trump in miami allah barre sil vous plait
Le disque figure parmi ceux qu’écoute le trio de La maman et la putain de Jean Eustache et on en voit la pochette dans une des scènes du film.
« Enorme bouse » ?!!… C’est quoi cette blague, vous rigolez ?!!
On a là un chef d’oeuvre, écrit totalement par Jon Lord à l’âge de seulement 27 ans !!
En plus d’être la première tentative de concilier classique et musique rock !
Ouvrez vos esgourdes, et écoutez.
Ré-écoutez si il le faut. Encore, et encore…
Il s’agit d’une introduction. Mais si vous avez pris la peine de lire l’ensemble de l’article, vous auriez dû comprendre qu’il s’agit d’une réévaluation très positive de cet album.
Oui, je me rends compte que j’ai été un peu vindicatif, trop spontané en réagissant sur le début du texte… désolé,…
et j’ai lu avec intérêt la totalité ensuite….
Si je pouvais corriger !…