Si les conditions d’enregistrement de « Monte Carlo » sont teintées d’un certain romantisme, il n’est absolument pas question ici d’amours épistolaires, mais plutôt de séances d’enregistrement par Zoom interposés, pour ce qui ressemble à un vol en haute altitude pour le duo Abraxas, rejeton des Night Beats et autres Los Bitchos. C’est parti pour un trip psych-funk sur des sites archéologiques vieux de 12 000 ans.

L’une est à Londres, l’autre au Texas. Drôle de conditions d’enregistrement pour un premier album, mais c’est l’époque distancielle qui veut ça : « Monte Carlo » a été enregistré au pic de la pandémie, quand les frontières étaient aussi fermées qu’une Christine Boutin sur la question du mariage pour tous.
Carolina Faruolo, de Los Bitchos, enregistre en Grande-Bretagne ses prises, pendant que Danny Lee Blackwell des Night Beats fait de même dans l’Ouest américain. Et c’est la magie d’Abraxas, ce nouveau duo né à l’ère des meetings Zoom et des sessions d’enregistrement en télétravail, qui tire son nom d’un ancien terme religieux polysémique ayant lui-même inspiré son album à Santana.

Malgré la séparation géographique du duo, leur univers musical ne connaît pas vraiment de frontières; un peu à l’image des deux protagonistes éloignés par six fuseaux horaires. « Monte Carlo » est imprégné d’une foule d’influences fortes dont il se dépatouille avec justesse, piochant dans la cumbia, le space rock, la tropicalia, le psych-funk anatolien et autres explorations oniriques. La couleur est annoncée sur le morceau d’ouverture Sunrise State (Of Mind), qui pose les premières pierres de l’univers narratif du groupe, ou plutôt les premières « planètes », puisque c’est ainsi qu’Abraxas qualifie ses morceaux.

 

Plus récemment, le groupe sortait son dernier clip pour Göbekli Tepe, du nom de ce qui est considéré comme étant le temple le plus ancien du monde, situé au Sud de la Turquie. Cette structure de pierres vieille de douze mille ans (à la louche) a connu nombre de modifications au fil des siècles et on lui associe, entre autres, la fonction d’observatoire astronomique. Mais plusieurs théories circulent et interprètent les sculptures sur les pierres comme le témoignage d’un choc de météorite, là où d’autres considèrent les crânes sculptés comme le signe d’un ancien culte voué aux morts. D’autres théories plus ésotériques associent Göbekli Tepe à un lieu relié à l’Atlantide, ou à une passerelle de communication avec d’autres civilisations cosmiques. Bref, un parfait sujet de chanson pour ce nouveau groupe revendiquant un univers flirtant avec le cosmique, l’ancestral et le sacré, teintant le tout d’une patte grunge psyché qui a fait le succès des premières formations de Faruolo et Blackwell.

Si musicalement Abraxas tient tout à fait la route, c’est peut-être aussi cet univers narratif très riche et bigarré qui pourrait jouer des tours au groupe. Pour ne citer qu’elle, la bio bandcamp du groupe ne lésine pas sur les descriptions très visuelles (et un peu déjà vu) de cet univers marqué qui se suffirait certainement à lui-même sans cette avalanche de blablabla : « la planète Abraxas est un monde de jungles, de rivières embrumées, de panthères tapies dans la nuit, de centres commerciaux désaffectés, de cités néolithiques et de murs ensablés ». Et de continuer ainsi pour une longue accumulation de scènes toute en allégories et en métaphores, frisant parfois l’onanisme sans pour autant proposer un véritable album-concept. De quoi rappeler que l’art de la bio d’artiste en est un à part entière, risquant bien vite de verser dans l’indigeste. Mais, il faut bien le reconnaître, musicalement (et c’est encore le principal), Abraxas s’en sort très bien avec ce premier album.

Abraxas // Monte Carlo // Suicide Squeeze, sortie le 28 octobre
https://abraxasintl.bandcamp.com/album/monte-carlo

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