Ce 29 janvier à Paris, le combo garage US vient présenter en direct-live sa nouvelle fournée de morceaux, deux ans après le très bon “Sonic Bloom” et 4 après le bien nommé “Night-Beats”. Et les gars ont manifestement le feu au cul: après Trouble In Mind et Reverb Appreciation Society, les voilà signés chez Heavenly Records pour propulser ce “Who Sold My Generation”. Un nouvel album aux faux-airs de pamphlet engagé qui s’avère être la BO idéale pour une petite traversée frénétique des States d’est en ouest. D’ailleurs il faut dire que les gars ne sont pas insensibles à cet esprit “beat” d’antan. Entre le frontman qui affirme que Howl a “changé sa vie” et la pochette de ce disque, qui, quand même, fait un peu beaucoup penser à On The Road. Enfin après tout, c’est peut-être moi qui fabule. Beat ou pas beat, ce recueil de 12 chansons fait partie de ceux qui mettrait un bon coup de punch à la grand-mère la plus réticente au bordel.
Du bon gros garage pur jus puisé aux meilleurs sources sixties, 13th Floor Elevators, Electric Prunes, Seeds. Comparé à tous ces groupes de pseudo-garage qui sortent toutes les semaines à Paname, ça fait du bien d’entendre des gars qui prennent la chose au sérieux. Tout ça avec derrière de véritables visions spirituelles, ce qui nous amène à un mélange des plus jouissifs de bruitisme garage et de mystique psyché. Et avec ça une des meilleures surprises soniques de ce début d’année. Avec en tête de gondole Bad Love et son solo de sax’ tarantinesque, Sunday Mourning et surtout Shangri Lah, flamboyante relecture de White Rabbits du Jefferson Airplane (RIP) à la sauce garage, et véritable locomotive sillonnant fièrement les grands espaces américains.
Comme prévu, le concert des gars fut explosif. Et après une bonne mise en bouche garage made In France avec Magnetix, ces nouveaux hérauts d’un rythm’n’blues psychédélique tout droit hérité des swinging sixties ont donné ce qu’on leur demandait. Du feu, de l’élégance et une bonne dose de sauvagerie embrumée. Imaginez le dieu du garage qui pactise avec la déesse du psychédélisme, au cours d’une cérémonie interminable perdue au fin fond du désert de la mort, et vous aurez (peut-être) une mince idée des sensations expirées par le corps humain face à cette musique. “C’est la musique du diable”, me crache un pote en plein milieu de la messe, des éclairs ahurissants dans les yeux. Et il n’a pas tout à fait tort. Pour la centaine de parisiens réunis ce soir, il est temps de rentrer à la maison.
Avant la messe, les jeunes prédicateurs recevaient votre cher serviteur dans les loges pour lui expliquer le fond de leur pensée. Passer après 9 personnes qui leur ont déjà cassé les couilles durant 5 heures, ça demande une bonne dose d’inconscience. Mais passer après que les gars se soient fait cuisiner durant une demi-heure par ce cher Jonathan Witt de Rock & Folk, c’est comme se jeter d’une falaise la tête la première. En plus, notre ami a le mot qui rassure en sortant: “ils sont vraiment pas loquaces ces texans..”. Si les gars de Night Beats ne sont effectivement pas des rois de la parlotte, et on ne saurait leur en vouloir en fin de compte, ils nous reçoivent comme des chefs: “you wanna beer man?”. Danny-Lee Blackwell, béret guevaresque bien vissé à l’envers sur sa trogne, est calé sur un canapé des familles, passablement énervé par ce défilé de pseudo-spécialistes qui passent leur temps à se casser la tête à propos d’un truc qu’il fait, lui, à l’instinct: “allez vas-y, je t’écoute..”
Gonzai: Shangri Lah c’est un hommage au girl-band des 60’s ?
Danny-Lee : Ouais, complétement.. Merci mec, enfin quelqu’un qui nous pose la question… C’est un groupe que j’ai vachement écouté. Tu sais on passe pas notre temps à écouter du garage non plus, on aime aussi la pop, la soul (« Night-Beats » est le nom d’un album de Sam Cooke, NDR), la funk.. La musique qu’on fait est une combinaison de tout ça, et il se trouve que ce qui sort est plutôt dans une veine garage et psychédélique, ouais.
En parlant de garage, il paraît que vous êtes obsédés par le 13th Floor Elevators.
Danny-Lee : Ouais, tout le monde nous dit ça.. Je veux dire je suis obsédé par ce groupe comme je suis obsédé par pleins d’autres groupes tu sais. Mais, oui je les adore, j’ai un profond respect pour Roky Erickson.
Il n’est plus que l’ombre de lui-même..
Danny-Lee : On ne peut pas revenir en arrière.. Par contre son âme est encore bien vivante, crois-moi. C’est un vieil homme mais dès qu’il prend sa gratte et qu’il monte sur scène, il redevient Roky Erickson.
Il paraît que Howl a changé votre vie et la cover de ce disque me rappelle étrangement On The Road… La Beat Generation est importante à vos yeux?
Danny-Lee : Oui, certaines de leurs idées sont vraiment très cools, provocatrices et toujours très actuelles en fin de compte. Ce mouvement était juste si beau, c’est une vraie source d’inspiration pour moi. Après, je me dis pas non plus: “oh c’est génial, je vais sauter dans des trains de marchandise et traverser tout le pays”. C’est plus le message global d’ouverture d’esprit et des sens qui m’intéresse.
“Mettre un bon coup de pied dans la fourmilière”
Votre album s’appelle “Who Sold My Generation”, du coup je me demandais si vous aviez une réponse. Alors c’est qui cet enculé, le capitalisme, le consumérisme?
Danny-Lee : C’est tout le monde.. Notre génération est assez naïve et j’avais envie de mettre un bon coup de pied dans la fourmilière pour les réveiller.
Il y a donc une teneur politique dans tout ça. Vous êtes un groupe “activiste”?
Danny-Lee : Non. Enfin, on défend des idées c’est clair, quand tu vois toute cette corruption dans la politique américaine, cette misère sociale.. On a besoin d’un grand changement. Mais je ne considère pas pour autant le groupe comme “activiste”.
“Non, pas du tout..”
Porque Manana, ça parle d’un road-trip à Mexico ou pas du tout?
Danny-Lee : Non, pas du tout.
Ouais, t’avais juste envie de mettre des paroles en espagnol quoi? (c’est lui qui écrit, NDR)
Danny-Lee : Ouais, c’est un peu ça, tout simplement. En vérité, cette chanson parle d’une fille.
Beaucoup de chansons sont écrites à propos de filles.
Danny-Lee : Ouais, j’ai entendu ça aussi!
Sunday Mourning, c’est un pastiche de la chanson du Velvet?
Danny-Lee : Non, pas du tout.. (Je suis très inspiré aujourd’hui, NDR)
Ok, tant pis. Sinon, Last Train to Jordan, c’est inspiré d’un voyage en Jordanie?
Danny-Lee : Non, pas du tout, je n’ai jamais été en Jordanie. C’est beaucoup plus compliqué que ça, c’est inspiré de l’histoire du christianisme.. Bien que je ne sois pas véritablement pratiquant, il y a des choses dans cette religion qui m’intéressent. C’est une chanson très spirituelle..
Votre musique est quelque peu “psyché”.. Vous arrive-t-il de prendre de la drogue en studio?
Danny-Lee : (Long silence, NDR). Non, c’est plus la musique qui est une drogue en elle-même. Quand on joue ensemble, on se retrouve plongé dans un état proche de la transe. Après, certaines de nos chansons parlent de drogues, oui.
Vous voyagez dans un vieux van, c’est ça? Vous dormez dedans, à l’ancienne?
Danny-Lee : Ouais, on a notre van’ pour le groupe! Mais non, on dort dans des hôtels comme tout le monde, comme ça on peut prendre des douches.. C’est l’avantage d’avoir un label.
Vous jouez quasiment tous les soirs durant un mois en traversant la moitié du vieux continent. Vous voulez finir éclatés ou quoi?
Danny-Lee : On a déjà fait des tournées plus longues que celle-la. Si je voulais vraiment m’éclater je jouerais plusieurs fois par soir. Ce qu’est cool avec ce rythme d’enfer, c’est que notre musique sonne chaque soir de mieux en mieux!
Vous avez enregistré avec un vieux matos. De quoi s’agit-il exactement?
Danny-Lee : Oui, c’est un vieux 4-Pistes de 1965 qui fonctionne très bien d’ailleurs, mais je n’ai aucun culte pour le côté vintage, simplement c’est ce que je préfère. C’est adapté à ce qu’on fait, on enregistre en live, et généralement en 2 ou 3 prises c’est réglé.
Vous faites quoi quand vous ne faites pas de musique? Si tant est que vous fassiez quelque chose d’autre..
Danny-Lee : J’adore manger des cheese-burgers en matant des films d’horreur, aller dans des bars et me bourrer la gueule avec mes potes. Et aussi mater des matchs de Basket, on a les Mavericks à Dallas, ils sont pas mal..
« Je n’ai pas lu la bio »
Ouais, comme tout le monde quoi. Alors comme ça vous vous êtes barrés du Texas à Seattle pour quitter cette ambiance de redneck pourrie?
Danny-Lee : Alors, déjà, on est tous plus ou moins revenus au Texas, après 4-5 ans passés sur la côte Ouest. Pour ma part il fallait que je passe un peu de temps avec mon père, il se fait vieux. Et, non, je n’ai rien contre les “rednecks”. Ils sont partout au Texas tu sais.
[Un sujet qui réveille le bassiste Jakob Bowden, moustache et chapeau sur la tête, jusqu’alors endormie par mes questions]Jakob : Non, mec, nous n’avons absolument rien contre les rednecks.
J’ai pourtant lu dans la bio: “ils préfèrent les psychotropes au rodéo et les guitares aux armes à feu”. Encore une histoire inventée alors?
Jakob : Ouais, des conneries. J’aime le Texas et je n’ai rien de spécial contre le rodéo. De toute façon je n’ai pas lu la bio, tout ce que je veux c’est jouer ma musique tu sais..
Danny-Lee : Encore une fois, je n’ai rien contre le Texas et les rednecks, ce sont nos familles mecs! En revanche pour le rodéo c’est plus compliqué, mais je n’ai pas la force de t’en parler devant mes potes. C’est comme un conflit intérieur tu sais, pour un texan comme moi..
Night Beats // Who Sold My Generation // Heavenly Recordings (PIAS)
https://www.facebook.com/thenightbeats.u.s/
1 commentaire
effectivement, un groupe avec plein de bonnes références qui doit déchirer sur scène. je les ai loupés mais à l’avenir, j’essaierai d’y être avec, pourquoi pas, les Last Train en 1ère partie, puisque Howl est leur disque de chevet à tous les 2. ça, c’est une affiche qui aurait de la gueule!