Il faudrait une certaine abnégation pour chroniquer chaque sortie du Brian Jonestown Massacre, 13 albums en 13 ans et toujours le même, ou presque. Entre temps nous avons fondé des familles, acheté un frigidaire et pour les plus chanceux un pavillon dans les Yvelines (sacrés veinards) ; tandis que lui, Anton, toujours là, a frappé son tambourin sur le quai de la gare. Toujours pas mort, toujours aussi perché. Pas très haut néanmoins. Et celui qui n'est pas venu avec sa bassine de drogue risque d'être vite largué.

Car vous en aurez bien besoin. C’est plus qu’un cliché concernant le BMJ, mais l’image venant spontanément à l’esprit est celle de deux vieux amis sous stupéfiants qui discutent sérieusement de savoir si « LA Woman » est vraiment un disque des Doors, voire même s’il s’agit  vraiment d’un disque (en fait), et non pas d’autre chose. Ou alors d’un livre de qui déjà. Ah oui, Pink Floyd. De quoi on parlait déjà ? Pour suivre, il va falloir se mettre raccord. BMJ a toujours été pour moi ce groupe de fiction présenté dans le film Dig, monté en pseudo-opposition avec les Dandy Warhols, un groupe dont la seule évocation me provoque le cafard, un peu à la manière de certains noms de ville comme Bourgoin Jallieu ou Aurillac. Un sentiment de désolation. C’était l’histoire de la prostitution à la société du spectacle face à l’intégrité d’un homme, Anton Newcombe, qui n’allait quand même pas cessé de frapper sur son tambourin au pretexte qu’il ennuyait tout le monde. Intégrité artistique totale. Pas vraiment le bon père de famille néanmoins. Vindicatif et psychopathe, alcoolique et héroïnomane, égotique et paranoïaque, Newcombe était cette sorte de mauvaise fiction de Jim Morrisson auquel on aurait injecté de l’ADN à Philippe Manoeuvre, pour le côté monomaniaque des Stones.

Voici donc « Aufheben ». Anton vit à Berlin, il a peut être rencontré une groupie en deuxième année de philosophie qui lui a parlé de Hegel, ou plus probablement croisé dans la rue un gif de chien rouge et jaune qui lui a dit « Aufheben toi la tête mon vieux« .

« Aufheben », dans la mythologie hégélienne, c’est le principe qui consiste à dépasser tout en la conservant une contradiction thèse antithèse dans une synthèse plus haute. Qui elle même révelera alors sa propre contradiction interne. Ce qui est d’ailleurs ce que tous les lycéens font au bac, avec le célèbre plan de dissertation oui / non / pourquoi pas. Compris par Anton, ça donne une tentative de dépassement de la contradiction musique pour les masses / intégrité artistique, posée dans les termes Blue Monday / New Order par la synthèse newcombienne « Blue Order New Monday » : au final un truc de néo hippie trans’ avec des tambourins. Comme d’habitude.

Newcombe reste le seul membre permanent des BMJ. Autour de lui une galaxie tournoyante de musiciens envoyés valsés au gré des humeurs. Et c’est un peu le problème. Newcombe, c’est un peu Bez des Happy Mondays qui serait parti faire un album solo en se barrant avec le stock de coke. Et plus d’un même, treize. Et pas de Johnny Marr ou de Ray Manzarek pour faire contre poids. Newcombe astre solitaire traçant sa route dans les espaces infinies et glacées par la cocaïne, sans aucune attraction gravitationnelle capable d’infléchir sa course.
Admettons que je ne sois pas assez drogué au moment où j’écoute cet album. Mais avec ces grandes chevauchées sur un accord, la batterie dance derrière et les petits flonflons orientalisants, on est plus du côté de chez Atarax que chez Speedy. S’il s’agit juste d’être un tyran domestique, Mark E Smith est un meilleur connard que Newcombe. Et en plus The Fall c’est bien. S’il s’agit d’être un autiste californien, là encore la concurrence est rude. Et The Beach Boys c’est mieux. Techno rock sous XTC ? Primal Scream par KO. Krautrock berlinois ? Etc, etc.

Généralement les drogués qui partent enregistrer à Berlin en reviennent avec des chefs d’oeuvre ; « Low » de Bowie, « The Idiot » d’Iggy. C’est quand même la moindre des choses. Alors voilà, The Brian Jonestown Massacre c’est mieux que The Dandy Warhols. Mais c’est bien tout.

The Brian Jonestown Massacre // Aufheben // Differ-Ant
http://www.brianjonestownmassacre.com/ 

13 commentaires

  1. « 13 albums en 13 ans et toujours le même ». Il fallait du cran pour écrire ça, je t’invite à t’intéresser d’un peu plus près à leur oeuvre. S’il est possible que ce nouvel album soit moins bien que les autres, généraliser ainsi sur la carrière de Newcombe est très osé.

    Tout musicien est critiqué, on peut dire que tu auras apporté une petite pierre à l’édifice. Au moins on voit le bon coté des choses, tu n’aimes pas les drogues, tu t’entendras bien avec Bénabar.

  2. « 13 albums en 13 ans et toujours le même ». Il fallait du cran pour écrire ça, je t’invite à t’intéresser d’un peu plus près à leur oeuvre. S’il est possible que ce nouvel album soit moins bien que les autres, généraliser ainsi sur la carrière de Newcombe est très osé, surtout que tu critiques plus le personnage d’Anton que sa musique elle-même (non, je te rassure, il n’y a pas que du tambourin dans ses morceaux).

    Tout musicien est critiqué, on peut dire que tu auras apporté une petite pierre à l’édifice. Au moins on voit le bon coté des choses, tu n’aimes pas les drogues, tu t’entendras bien avec Bénabar.

  3. « 13 albums en 13 ans et toujours le même ». Il fallait du cran pour écrire ça, je t’invite à t’intéresser d’un peu plus près à leur oeuvre. S’il est possible que ce nouvel album soit moins bien que les autres, généraliser ainsi sur la carrière de Newcombe est très osé, surtout que tu critiques plus le personnage d’Anton lui-même que la musique elle-même (et non, je te rassures, il n’y a pas que du tambourin dans ses morceaux.)

    Tout musicien est critiqué, on peut dire que tu auras apporté une petite pierre à l’édifice. Au moins on voit le bon coté des choses, tu n’aimes pas les drogues, tu t’entendras bien avec Bénabar.

  4. J’ai pas bien compris ton message Titi, tu peux le réécrire s’il te plait? Merci.

    Sinon, si Bénabar part enregistrer à Berlin, en reviendra-t-il drogué, avec un chef d’oeuvre ou les deux?

    Hein?

    « Bourgoin Jallieu Woman » : c’est moins west coast que le titre du gros barbu relou qui braillait, mais ç’est un tube dans le trois huit.

    Un gros check dans vos petites faces.

    Guitou.

  5. Merde, faut les respecter les fous au lieu de leur cracher dans le dos sous prétexte qu’ils ne liront jamais l’articulet branchouille qu’on a pu pondre à leur sujet du haut de sa montagne de pédanterie.

    Hé oui Newcombe ne lira jamais ça, il a d’autres chats à fouetter, certainement des choses souvent ridicules mais tout de même il a une vie, un programme, des choses à faire et à montrer, lui. Alors que le pseudo-journaliste de gonzai il n’a rien d’autre à faire que d’expliquer à quel point il est supérieur au sujet de son article, sujet sans lequel néanmoins sa petite voix arrogante n’aurait aucune raison de se faire entendre, même dans ce couloir du net joliment décoré mais parfaitement superflu.

    C’est sûr, la musique de Newcombe est totalement bidon n’est-ce pas, contrairement aux sûhûhûperbes romans de Chloé Delaume, comme on peut l’apprendre dans un texte d’une rare flagornerie juste à côté.

    Il est si spirituel et si malin le Monsieur de gonzai, qu’il croit pouvoir se permettre de surplomber comme ça sans effort tout ce qu’il touche. C’est un style qu’il se donne de branché parisien, mais il ne doit pas le savoir, il pense qu’il fait le contraire. En vérité il ressemble à la mouette qui suit le chalutier dont parle Cantonna.

    Deleuze disait que son idéal quand il écrivait sur un autre c’était de ne rien écrire qui pouvait affecter de tristesse celui qu’il prenait pour sujet. Le Monsieur de gonzai, il veut absolument faire de la peine.

    Et les Black Angels et les Warlocks, qui se considèrent eux-mêmes comme des disciples de Newcombe, le Monsieur écrit encore sur eux à côté, donc le Monsieur passe son temps à statuer avec arrogance sur les affaires de Newcombe, espérant que le côté cool de Newcombe rejaillira un peu sur lui, et prétendant très fort que bien au contraire il est tout à fait au-delà de ces considérations.

    Trouvez-vous une vie Monsieur de gonzai, écrivez sur des sujets qui vous plaisent et arrêtez de vous ridiculiser avec vos affirmations péremptoires genre « i »m cooler than thou ». Vous êtes aussi puéril et égotiste que Newcombe à courir après votre échalotte de la hype, mais lui au moins a l’air de le savoir et de l’assumer.

    Vos sarcasmes sont superficiels. Vous dénoncez la drogue comme un dépliant gouvernemental mais vous ne vous donnez pas la peine, dans votre paresse, de vous pencher sérieusement sur la musique en question. Quand bien même, elle serait aussi nulle que ce que vous croyez savoir, il ne faudrait pas en parler comme ça. Ou se taire.

    Et pour finir, évidemment que c’est faux, que les trois (!) albums de 1996 du BJM sont extraordinaires, même s’il fait de la soupe depuis une bonne décennie. C’est d’ailleurs facile à deviner, il faut bien qu’un tel connard ait quelque chose de positif à montrer à un moment, sinon il aurait disparu de la carte. C’est pourquoi dans le fond, il ne faut pas désespérer même de vous, vous finirez peut-être par faire quelque chose d’intéressant un jour.

    Bonne fête du travail

  6. Ah, et merci pour l’article. Je me suis précipité d’acheter Aufmescouilles et il défonce. Avec ce soupçon de glande qui fait qu’on peut se branler le cake avec génie passé 40 ans.

    Bécots.

    Guitou

  7. Apparemment l’auteur de cet article ne connait pas beaucoup de BJM… « 13 albums en 13 ans »… Soyons sérieux… Qu’il n’aime ou pas le dernier album n’est pas le problème mais un peu de rigueur est requise !
    Vous auriez pu contacter Anton Newcombe pour vérifier, il est très accessible. Je l’ai interviewé sans problème et vous pouvez lire ça ici :
    http://uppercult.fr/2012/04/entretien-avec-anton-newcombe-du-brian-jonestown-massacre/
    Allez quand voir le groupe en concert, c’est mieux que sur disque !

  8. Alors ça c’est fort de roquefort, à se demander ce qu’il faut faire pour être aimé sur cette fichue toile.

    Côté tambourin, vous devez confondre avec Joel Gion.
    Côté ville déprimante, venez faire un tour en Picardie si j’y suis, vous regretterez vite les douces ruelles d’Aurillac.

    Et pour y revenir au roquefort, le fromage y est bon, tiens. A Aurillac.

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