Travel Check, Mystery Lights, Ave Negra, Os Noctàmbulos… Leurs noms apparaissent tous au sommaire de Bananas Magazine Issue 10 : un fanzine made in New York, complètement garage et 100% gratos. Gonzaï a rencontré Christophe, l’un de ses fondateurs, en goguette à Paris pour la semaine, afin d’en savoir plus sur ce journal qui laisse de l’encre plein les mains et des sons plein la tête.

5638544061_91a9492e7b_oVous fêtez la sortie du dixième numéro de Bananas Magazine, comment est née l’idée de créer un fanzine ?

Ca a commencé en 2009, quand j’habitais encore à New York. J’adorais la scène garage des années 80 et je collectionnais pas mal de fanzines de l’époque. J’ai aucun talent musical, mais ça fait longtemps que je suis dans la scène garage et je voulais faire quelque chose qui reste. Je ne pouvais pas jouer d’un instrument alors je me suis dit « Allez, pourquoi pas faire un fanzine ».

Mon meilleur ami de l’époque avait un blog qui parlait de la scène new yorkaise, alors je me suis dit tiens, pourquoi on transformerait pas l’idée du blog en papier. On était partie sur l’idée de faire un magazine sur la scène new yorkaise. Puis bon, on s’est dit qu’après deux trois numéros, on n’aurait plus rien à dire, donc on a fait un mag sur la scène garage internationale.

Qui sont les personnes qui ont fondé le zine ? Et qui y bossent encore aujourd’hui ?

On était cinq amis. Maintenant on est plus que deux (rires). Y avait moi, qui ait lancé l’idée, mon ami Shimmy qui avait ce blog « Garage Punk NYC » et qui organisait des soirées à NY. Un autre pote à lui, Charles, qui avait un label qui n’existe plus aujourd’hui et qui s’occupait aussi du blog. Un autre mec, Brandon, qui était illustrateur et qui faisait aussi partie de la scène garage. Et une fille, Alexandra, qui était la seule qui avait un peu d’expérience en zine. Elle savait comment imprimer, faire tout ça et elle jouait dans pas mal de groupes à l’époque.

Aujourd’hui il ne reste plus que George et moi et ce n’est pas vraiment hiérarchisé. On décide quels groupes on va interviewer ensemble. Moi, je m’occupe du lay out, de l’illustration et lui s’occupe des publicités pour le fanzine.

Maintenant on a aussi une dizaine de contributeurs, mais comme le magazine est gratuit, on ne peut pas payer les gens. C’est parfois un peu dur de les motiver du coup, ce que je comprends…

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On a plus de chance si on maintient la gratuité du magazine.

Alors comment vous faites pour financer l’impression ?

Le premier numéro on a fait ça de notre poche. Comme on était 5, les coûts n’étaient pas trop élevés, parce qu’on a tous contribué. Pour les numéros suivants, on a commencé à chercher des gens qui voulaient mettre une pub dans le magazine. Depuis on arrive plus ou moins à payer les coûts d’impression. On ne gagne pas d’argent, on arrive généralement à 50$ au-dessus, ou en dessous. Quand il nous reste un peu d’extra, on essaye d’en envoyer un maximum gratuitement. Pour les grosses commandes (les distributeurs) on leur demande simplement de payer les frais d’envoi.

Vous n’avez jamais souhaité faire l’inverse : ne pas y mettre de publicités et vendre le fanzine à 1 ou 2 euros ?

Non, parce que tu sais, même quand tu vends un truc un euro, je pense que tu perds beaucoup de lecteurs potentiels. Aujourd’hui, on arrive à écouler les 2 500 copies, mais si on les vendait ne serait-ce que 50 cts je pense qu’on aurait du mal à en écouler 500 ! (Rires) On a plus de chance si on maintient la gratuité du magazine.

C’est important à l’ère du digital de conserver un support papier ?

Oui, justement parce qu’on va plus vers le digital et que le papier devient quelque chose de plus rare, de plus « unique »… Les gens apprécient tu sais, avoir quelque chose de « physique » et beaucoup de gens adorent recevoir quelque chose dans leur boîte aux lettres. Ils me disent « Ah c’est le seul truc que je reçois qui n’est pas une facture ! ». Les gens achètent des vinyles pour la même raison, plutôt que d’acheter quelque chose sur Itunes. Tu as quelque chose qui reste, c’est moins éphémère.

Le côté DIY de Bananas Magazine, c’est quelque chose que vous avez travaillé ? Réfléchi ? Ou tout ça c’est le fruit du hasard ?

On y a réfléchi. On voulait quelque chose de durable. On avait la possibilité de faire un truc comme « Le Monde », mais ça c’est un peu le bordel, tu sais t’as les feuilles qui s’envolent dans tous les sens, donc on voulait un espèce de format cahier. Comme on y connaissait rien, on a cherché des infos à droite à gauche, on a trouvé un imprimeur dans le Queens et on a flashé sur un modèle, on s’est dit « On veut ça ! »

Ensuite, comme je suis parti vivre à Berlin, il a fallu trouver un imprimeur là-bas, donc on est passé du format « letter size » américain, à un format A4 européen. Bon, c’est pas une grande évolution, mais le journal a un peu changé !

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Où peut-on se procurer le fanzine ?

On distribue principalement en Europe. Beaucoup en Espagne, je crois que c’est là où on a le plus de lecteurs, à Madrid. On essaye de distribuer un max dans les labels, généralement quand t’achètes pour 20 euros chez eux, ils te mettent une copie de Bananas Magazine avec. C’est le meilleur moyen que l’on ait trouvé pour toucher un maximum de gens. Donc Soundflat Records en Allemagne, Bachelor Records en Autriche, Groovie Records au Portugal, Born Bad Records là à Paris… J’en amène toujours quelques-uns quand je viens en France pour voir mes parents.

C’est principalement comme ça que se fait la com autour du fanzine ?

Oui. On a aussi une page Facebook, dont on ne s’occupe pas très bien… (Rires) On fait quelques updates, mais c’est principalement par emails et par grâce au bouche-à-oreille que cela marche. Georges travaille avec pas mal de groupes.
Au début c’était plus dur, maintenant les gens ont plus ou moins déjà entendu parler du magazine car tout le monde est « connecté ».

Selon toi, est-ce que le rock indé est le seul courant qui s’accroche au papier, aux fanzines, aux vinyles, aux supports physiques ?

Dans le milieu du rock indé, les gens sont très attachés à tout ça. Mais il doit exister des scènes electro ou hip-hop underground que je ne connais pas et qui doivent elles aussi être sensibles aux vinyles… Je pense que toute scène un peu spécialisée a ce retour aux trucs physiques, ce côté « collectionneur ». Je crois que dès que t’es un peu intéressé par se qui se passe au delà de la surface, tu as tendance à aimer les supports physiques…

On risque de voir de plus en plus de gens qui veulent quelque chose qui se garde. Personne ne veut avoir toute sa collec de disques sur son ordi !

Chaque phénomène de mode et j’appelle phénomène de mode la digitalisation, a son retour de bâton, qui se caractérise par un intérêt dans son opposé. On risque de voir de plus en plus de gens qui veulent quelque chose qui se garde. Personne ne veut avoir toute sa collec de disques sur son ordi !

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Vous avez rédigé un petit texte en intro de ce numéro 10, expliquant l’impression d’un gros boom de la scène garage française. Qu’est ce que tu penses ?

Je trouve ça génial. Je demande toujours aux groupes français que j’interviewe d’où ça vient, mais personne ne semble capable de me donner une réponse. Ils n’ont pas trop l’air de savoir.

Ca me fait plaisir de voir qu’il y a beaucoup de groupes, je suis content, car la scène rock française à l’étranger est un peu vue comme une blague !

Bon, à mon avis, c’est comme tout, c’est une vague et cela va retomber. Je vois des magazines qui ignoraient complètement la scène garage et qui n’avaient même pas idée de ce que c’est, parler de labels comme Howlin Banana. Télérama, Rock’n’Folk, des trucs comme ça… Mais tous ces groupes ont de la chance, cela leur permet de se développer, de trouver d’autres publics. Le risque c’est que cette mode amène des groupes moins « authentiques »… Dans quatre cinq ans, on pourra faire le bilan, voir qui a changé son son, qui a continué dans le garage, après que la « mode » et la couverture médiatique soient passées.

Les médias devront s’adapter, pas l’inverse.

En tout cas, je suis ravi, j’essaye toujours de faire découvrir cette musique aux gens, plus il y a de personnes qui l’apprécient, mieux c’est. Je suis content qu’ils attirent les spotlights, mais il ne faut pas que cela les fasse changer. Les médias devront s’adapter, pas l’inverse.

Qu’est-ce que tu réponds, à ceux qui déclarent que le « rock est mort » ?

C’est vraiment la phrase qui m’énerve et je l’entends très souvent. Ca veut dire quoi ? Qui dit ça ? Quelqu’un qui ne va pas dans les shows. Si tu ne sors pas de chez toi, si tu regardes TF1 et si tu écoutes NRJ, oui le rock est peut-être mort. Le rock, le vrai rock a disparu des trucs mainstream il y a longtemps, mais personne n’a jamais dit que le rock c’était ça. Si tu sors, si tu vas dans les petits bars, les trucs underground de New York, Londres ou Paris tu ne peux pas faire cette affirmation. Les gens qui disent ça, y en a partout, peut-être qu’ils ne sortent pas assez de chez eux, mais le rock n’est pas mort et il ne le sera jamais.

http://bananasmag.com/

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