Malin est le journaliste qui décide de couvrir deux festivals d'affilée, à la programmation similaire - sinon identique - et de livrer deux reports distincts, plutôt qu'un seul dans lequel il aborderait les deux moments. Après quatre jours de concerts à Primavera Porto, il m'est impossible de faire comme si je n'avais pas déjà vu la plupart de ces groupes la semaine précédente, à Barcelone lors du Primavera Sound.

Ici au Portugal, je me sens à moitié chez moi, du moins chez ma maman. Et c’est déjà suffisant pour me faire apprécier le séjour dans cette ville au fleuve majestueux, qui n’aura de cesse de charrier pendant cette courte semaine des pastéis de nata, des bolinhos de bacalhau, des sandes de pernil, des Super Bock, des caipirinhas, et du vinho de Porto, produit plus haut dans les fameuses terres maternelles de la vallée du Douro (et des patates, et du riz aussi, beaucoup).

Alors je l’annonce déjà, et je spoile mon article : ceux qui aiment La Route du Rock pour sa programmation musicale et sa petite taille, mais ne veulent pas passer trois jours en bottes de pluie et imperméables en plein mois d’août, ceux là seraient bien avisés de prendre leurs billets pour Primavera Porto 2015. Les plus fainéants d’entre vous peuvent désormais fermer cet onglet et retourner lire le Top 5 des festivals à ne pas rater cet été.

#3 Entrée Primavera
Cette année, les organisateurs ont pris l’excellente initiative de proposer une soirée de pré-festival en plein coeur de la ville, dans un petit jardin qui surplombe le Douro. Un verre de Porto à la main, une oreille sur la musique de Dead Combo – duo lisboète guitare-percussions entre flamenco, fado et blues à la Nick Cave – et un oeil sur le feu d’artifice tiré en contrebas : c’est la fête au village, et les guirlandes lumineuses accrochées aux arbres colorent la scène d’une sympathie toute portugaise. La météo avait annoncé de la pluie, mais ici personne n’écoute la météo, pas même les météorologues. Un filet de porc et une bière plus tard, et me voilà au lit, prêt pour les 3 prochains jours de concert au Parque da Cidade.

La boucle de la vieillesse

Caetano Veloso, celui que je voulais voir depuis longtemps, n’a fait que renforcer ma croyance que seuls ses premiers disques ont pu avoir une portée universelle, tant la suite de sa discographie, qu’il étire longuement et lentement sur scène, est principalement basée sur les paroles que je ne comprends qu’au quart, et qui ne parlent qu’aux lusophones. Les autres assistent à la prestation mi-clown funambule mi-pitre cocasse d’un sexagénaire qui tente parfois maladroitement d’occuper une scène trop vide pour lui, son batteur, son guitariste et son bassiste. Ce sera tout pour ce premier soir, un peu lourd à digérer et très mainstream (Rodrigo Amarante, Spoon, Sky Ferreira, Haim, Kendrick Lamar, Jagwar Ma).

Le lendemain, et juste une semaine après sa prestation fade de Barcelone, Television s’empêtre à nouveau dans son album mythique, ‘Marquee Moon’, et cette double déception est trop douloureuse pour moi, qui ne cesse de chercher sur scène les personnages de la photo de la couverture du vinyle sacré. En vain.

#12 Scène principale
Même sensation pour les anglais de Slowdive, tout simplement ennuyants sur la grande scène qu’on leur a gentiment offerte, comme si toute réformation de groupes aux disques culte était le gage de retrouver la ferveur du contexte originel. Si Television et Slowdive étaient un vin de Porto, ce serait un Vintage, ce millésimé qu’il faut boire dans les trois jours au risque de lui ôter toute saveur. Ce n’est pas le cas de Loop, qui serait un Velho 30 ans d’âge et que l’on peut ouvrir et refermer à l’envi pendant plusieurs années, sans qu’il ne perde une seule de ses caractéristiques : corps, puissance, robe sombre… à l’image de la musique que les Anglais produisent depuis les années 80, avec le sommet ‘A Gilded Eternity’.

Ce soir-là, c’est la jeune Australienne Courtney Barnett qui ravit toute mon attention. Elle a de Kurt Cobain le prénom de sa veuve mais surtout la nonchalance de la guitare ; elle a de Patti Smith la coupe de cheveux mais surtout la parlotte poétique ; elle a de Sonic Youth le t-shirt ‘Goo’ mais surtout la distorsion subtile ; elle a de Dylan la chemise à carreaux mais surtout la gouaille canaille.

« I was dancing in the lesbian bar »

Dans mon verre, un citron vert découpé en quartiers pressés, une cuillerée de sucre de canne, une dose de cachaça, beaucoup de glace pilée et deux pailles : une longue pour atteindre le sucre au fond du verre, une courte pour siroter l’alcool pur à la surface. Le dernier soir, deux sommets, deux pailles, dans deux genres différents : Charles Bradley et sa soul James Brownesque dépouillée de ses effets de style (chorégraphies écrites) et de ses dérives autoritaristes (ordres criés à l’orchestre) est ma paille longue au goût sucré. Une sincérité de jeu peu commune, qui s’explique sans doute par le fait que rien ne prédestinait l’américain de 62 ans à être invité dans les plus grands festivals et scènes du monde, après 40 années à enchaîner les petits boulots et les reprises du Godfather of Soul dans les clubs pourris des Etats-Unis.
10414028_314061002080702_1039601024_nDans le public, les corps de rapprochent, pour le meilleur et pour le pire, et Charles Bradley multiplie l’amour et les pains avec une énergie brûlante. De 40 ans son cadet, Ty Segall semble n’être habité que d’une seule volonté : jouer du rock, fort, vite et en souriant. Brut, pur et sans sucre, il est ma courte paille. Lui et son groupe bouillonnent d’impatience de commencer le concert alors que les réglages du son s’éternisent : le line check est bien plus long que d’habitude, ce qui n’augure rien de bon. Le diagnostic est clair : l’ingénieur du son est au choix incapable, ou bien équipé d’un matériel inapproprié pour le punk-garage des Californiens. Le tour manager qui accompagne le groupe me confiera que c’est bel et bien un problème de matos. On n’entendra pratiquement pas le chant de Ty Segall avant les derniers morceaux. Dommage, car tout le reste était au beau fixe : la forme des musiciens (le sourire aux lèvres, pas au courant des problèmes techniques), l’envie du public (un circle pit improvisé, rare dans les concerts hors hardcore et métal), le paysage autour (une clairière boisée dans la chaleur de la nuit portugaise).

L’âme en peine, c’est dans une boîte gay et lesbienne que je poursuivrai ma nuit. Dans une des deux salles du Plano B, deux DJettes jouent Nirvana, Violent Femmes et des chansons populaires portugaises – versant « fête au village ». Mélange original ; je peux aller me coucher pour profiter d’un vrai dimanche ensoleillé et poétique à Porto, une ville remplie de surprises et de points de vue étonnants sur le fleuve. Assez pour me convaincre de revenir en 2015. Até logo Porto !

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