Tous les ans à la même époque débute une valse estivale qui, lentement, s’étire de plus en plus longtemps. Jadis cantonnés à une courte période allant de juillet à août, les festivals français sont devenus le cochon de lait qui nourrit une industrie en perdition et qui, faute de vendre des disques, espère encore vendre des places tout au long d’un été désormais indien.
Dans ce contexte, la Route du Rock parvient depuis vingt-trois ans à tirer son épingle du jeu. Avec des moyens limités, une équipe de bénévoles transformée en armada, et surtout le soucis de ne pas se fondre dans la masse des ‘’festivals de producteurs’’, terme un peu barbare désignant ces événements aux mains de tourneurs ou promoteurs privés soucieux de RA-SSEM-BLER afin de rentabiliser des investissements souvent très lourds. Du promoteur Alias (festival Beauregard, festival des Inrocks) à Morgane Production (Francofolies de la Rochelle, Festival Fnac Live, Le Printemps de Bourges) en passant par Live Nation (Le Main Square) ou encore le festival We Love Green (crée par We Love Art en joint-venture avec le label Because et le tourneur Corrida), la concentration des pouvoirs est partout parce qu’il n’y a plus d’argent nulle part. La célèbre « diversification horizontale » n’ayant pas épargné le secteur du divertissement, on ne compte plus les mélanges de genres imposant aux quatre coins de la France les mêmes têtes d’affiche ; pour le plus grand bonheur certes du festivalier grand public qui n’a plus à faire 500 bornes pour supporter son idole qui transpire, mais au détriment d’une certaine diversité musicale ; et qui laisse souvent des dizaines de groupes français sans tourneur influent sur le carreau. Il suffira pour s’en convaincre de jeter un œil au top 20 des squatteurs des festivals de 2014 établi par nos confrères de Sourdoreille ; où pointent en tête Fauve (présent sur 26 festivals), Cats on Trees (22) et Stromae (19). On peut certes rétorquer que ces mêmes groupes, souvent incontournables dans les charts indie, seraient bien cons de ne pas se produire à proximité de ceux qui téléchargent leurs albums gratuitement. Mais enfin, plane tout de même un air de consanguinité au pays de la barquette.
Comme plusieurs de ses confrères membres de la Fédération De Concert, La Route du Rock est tout sauf un rassemblement merguez-frites avec Gaëtan Roussel dans le rôle du serveur. Et la programmation de cette année (de Thee Oh Sees à War on Drugs en passant par Toy, Ought, Cheveu, Johnny Hawaii, Darkside ou encore Aquaserge) suffit à comprendre qu’on trouvera encore au Fort du Saint Père suffisamment de raisons pour troquer les bouchons du 15 août sur la Nationale 7 contre trois jours d’exil sur la pointe Ouest.
Pourtant, opposer les résistants de la Route du Rock aux grands méchants festivals vendus au capitalisme s’avèrerait dans le meilleur des cas bas du front, au pire malhonnête – presque autant que de rejouer le vieux refrain du major tous pourri vs label indie miséreux. Surtout que la Route du Rock s’est elle même diversifiée en ouvrant La Route du Rock booking, une branche parallèle où figure actuellement plus de quatre-vingt-dix artistes eux même programmables sur d’autres festivals français. Je sais, ça peut sembler un peu dur à suivre. Tout de suite, une photo de plage pour vous détendre.
Ce qui différencie les locataires du Fort du Saint Père des autres événements, c’est avant tout qu’on préfère aller là-bas plutôt qu’ailleurs, voilà. Et que ce choix, même s’il est chaque année partagé par environ 20.000 personnes, reste éminemment subjectif. Que certains préfèrent aller taper des mains sur un concert de Mathieu Chédid à Solidays ou choper des mycoses au son du FFF reformé à Garorock est un droit qui les regarde. Reste que dans cette grande course à l’échalote, le plus dur reste encore de garder le pied marin quand votre petit village du bord de mer est désormais encerclé par plus de 250 festivals de musiques actuelles qui tous les étés plantent le piquet pour se partager un butin de plus en plus riquiqui.
Afin de mieux comprendre ce qu’est un festival indépendant et comment les hurluberlus de la Route du Rock parviennent encore, dans ce monde impitoyable, à assurer dans leur Fort fort lointain des programmations qu’on ne verra nulle part ailleurs, le plus simple était encore d’aller questionner François Floret, 47 ans au compteur et saint patron du festival breton, sur les raisons de ce militantisme musical.
D’ailleurs la vie d’un festival est loin d’être un long fleuve tranquille, surtout avec la mer à côté. Cette année, la Route du Rock s’est fait rafler l’exclusivité de Portishead sur le nord-ouest français par un concurrent local (le festival Beauregard). « Oh tu sais je suis indestructible, j’en n’ai rien à foutre ! ». Quelques semaines après l’incident, François Floret, gueule de marin buriné par les vagues, ne décolère pas sur ce qui reste selon lui un coup en dessous de la ceinture. Entre rock dur ad hoc et petit miracle de bric et de broc, retour sur l’histoire de cette Route du rock, parsemée d’embûches.
Commençons par les choses qui fâchent avec le « dossier » Portishead. Y’a-t-il une fin heureuse à cette histoire ?
Euh… non. Y’a pas de fin, y’a rien du tout. Les dernières lignes que tu as dû lire sur cette connerie sont vraisemblablement les dernières, c’est à dire que je considère que c’est un énorme foutage de gueule de la part de l’organisation de Beauregard. Jusque-là nous étions en coexistence pacifique ; je sais juste que Paul [Langeois, à la fois directeur du festival et de la salle de musique actuelle du Big Band Café à Hérouville-Saint-Clair] est venu une fois à la Route du Rock en faisant son Japonais pour prendre des photos de partout et copier ce qu’on faisait, mais c’est tout. Bref. Arrive cette histoire autour de Portishead où l’agent français [Nous Productions] nous promet le groupe en date unique sur l’Ouest français. Bingo, trop content. Sauf qu’après coup le programmateur de Beauregard [Dominique Revert] nous approche pour nous dire ‘’on aimerait bien faire Portishead, est-ce que ça vous embête ?’’. Bah oui, ça nous embête. On raccroche, on pensait que ça en resterait là, plus de nouvelles pendant quinze jours et là, le programmateur revient à la charge en insistant, alors que même l’agent français n’était pas au courant. Et là, Revert nous apprend que ça l’embête parce qu’il a déjà fait une offre. J’étais très en colère, et ne me suis pas gêné pour le dire. On forme depuis vingt-cinq ans une véritable armée, avec dans nos équipes une vingtaine de cadres bénévoles qui sont quasiment devenus des professionnels et font partie de l’ADN de la Route du Rock ; or ça me fait un peu mal au cul de les voir, comme c’est le cas depuis 2/3 ans, donner de leur temps et de l’énergie, et un petit peu de notre ‘’intelligence’’ à un festival concurrent, à savoir Beauregard. Du coup, on a eu des discussions d’hommes. Ces cadres ont fait vivre la Route du Rock depuis vingt ans avec moi mais travaillent en parallèle sur un festival qui programme Portishead un mois avant nous, et qui donc logiquement peut nous faire du mal. Ces gens là sont donc clairement blacklistés de la Route du Rock, ils sont au courant.
« Les problèmes ont commencé quand la musique indie est devenue rentable ».
Plus globalement, le cas Portishead est intéressant pour éclairer la situation des festivals. On a vu se développer depuis quelques années des ‘’festivals de producteurs’’ qui balayent la notion d’exclusivité par territoire, ce qui revient à dire qu’on a désormais autant de chances de voir Fauve, Stromae et donc Portishead aux quatre coins de la France, ce qui tue l’identité de chacun des festivals. A quand remonte selon toi cette tendance ?
Jusque-là nous n’étions pas trop touchés par ce phénomène ; du temps où les musiques inde n’étaient pas encore bankables, on était les seuls à défendre ces groupes. Le problème, du moins pour nous, remonte à une quinzaine d’années : quand la musique indie a commencé à devenir rentable. Et quand on a vu arriver du Placebo [programmé en 96 à la Route du Rock], du Garbage [idem] ou du Muse [en 99] et que tous ont commencé à cartonner dans les radios. Ces groupes qu’on était les seuls à défendre ont alors pris le circuit de tous les festivals, comme c’est le cas pour tous les groupes qui peuvent rapporter de l’argent. Aujourd’hui, nous sommes en concurrence avec tout le monde. Mais contrairement à ce que certains disent, on n’est pas du tout prétentieux ou snob, on ne fait pas de programmation par posture, pour se différencier des autres avec le groupe que personne d’autre n’aurait booké. On est souvent les seuls à avoir pensé à tel groupe, ou à faire l’effort financier sur tel autre alors qu’un festival de producteur n’aurait certainement pas la même réflexion. Mais on arrive à compenser le côté non rentable de certains groupes par l’image du festival, une espèce de grande messe du rock inde et de punkitude que j’assume complètement, parce que c’est ce qu’on est.
Quel âge avais-tu quand tu as lancé la Route du Rock ?
Euh… Fais le calcul, j’ai 47 ans et c’était en 1991, j’avais donc 24 ans.
C’est incroyablement précoce. Quelles sont les raisons qui t’ont poussé à lancer la Route du Rock ?
A l’époque il y avait très peu d’évènements qui défendaient ces musiques. Mais encore une fois, je n’étais pas tout seul pour lancer le truc hein – précisons pour éviter de penser que je suis le créateur de tout. Au début je n’étais qu’un bénévole parmi d’autres dans l’Asso Rock Tympans, ce n’est que quatre ans après le lancement que j’ai pris un peu plus d’importance. Et donc bref, qu’est-ce qui nous motivait ? Ca a en fait débuté en 86 puisque avec l’association on organisait des concerts à Rennes – à l’époque c’était Charles de Goal, Washington Dead Cats, des soirées Sarah Records – puis on a créé une radio rock nommée Canal B, fin des années 80, et c’est dans le cadre d’une émission que j’animais – Sale temps pour les hits – que j’ai rencontré Ludovic Renoult, qui avait une asso à Saint Malo qui faisait aussi pas mal de concerts. On a sympathisé et c’est ainsi qu’après avoir compris que notre avenir était bouché à Rennes avec les Transmusicales, qu’on a décidé de créer un événement à Saint Malo, où la municipalité semblait prête à nous soutenir.
En quelle année la Route du Rock est devenu un festival rentable ?
Je m’en souviens très bien, c’était en 1996. L’artiste qui a fait basculer un peu les choses cette année là, c’est justement Garbage. Une année charnière car jusque là nous étions à 100 % bénévole, mais cette année là l’un de nos régisseurs nous a fait comprendre qu’il était temps de se professionnaliser. Dès 1997, on passe à un mix 50 % bénévole 50 % salariés ou intermittents. 1996, c’est aussi le début de la formule avec trois soirées, inchangée depuis.
Parlons justement des conditions d’organisation. Contrairement à une grande partie de la concurrence, vous persistez sur le choix d’une scène unique à l’intérieur du fort, où défilent tous les groupes un à un. Est-ce le résultat d’une petite économie ou est-ce le parti-pris assumé de tout concentrer sur un seul concert à la fois ?
C’est la deuxième option, évidemment. Avoir plusieurs scènes pour toucher un maximum de gens, ce n’est pas notre souhait. On s’adresse à un public assez précis et l’on souhaite qu’il puisse voir tous les concerts sans avoir à passer d’une scène à l’autre. Cela dit on est un peu revenu sur notre radicalité puisque depuis trois ans une deuxième petite scène, minuscule, a été rajoutée dans le Fort. Mais encore une fois, ça ne joue pas en même temps que sur la grande. On a trente-cinq groupes programmés, le festivalier a la possibilité de tous les voir.
« La rencontre qui a tout changé, c’est Bernard Lenoir »
Tu évoquais tout à l’heure tes débuts à la radio. Notes-tu une évolution du soutien médiatique à l’égard du festival depuis les débuts en 1991 ?
Le soutien médiatique est évidemment primordial. La tarte à la crème aujourd’hui, ce sont les réseaux sociaux dont on ne peut plus se passer pour communiquer, c’est devenu indispensable. Et puis Internet, de manière générale, c’est incontournable. Sur la presse plus « conventionnelle », on a justement eu la chance de croiser les bonnes personnes au bon moment ; à commencer par France Inter qui nous a permis de décoller. La vraie rencontre, c’est celle de Bernard Lenoir qui nous appelle en 93 pour nous proposer son parrainage : « J’ai entendu parler de vous – on venait juste de programmer Radiohead dans une petite discothèque à Rennes – vous avez l’air de faire des trucs sympas et j’aimerais bien vous aider, devenir parrain de votre festival ». A l’époque il était le parrain des Eurockéennes mais ne s’y retrouvait plus. Nous on était des fans des Enfants du rock et de son émission sur Inter, c’était un dieu vivant pour nous ; forcément on lui a dit oui. Et on s’est rapidement mis d’accord sur un suivi de France Inter via l’émission de Lenoir, qui était vraiment un focus énorme pendant toute l’année sur la Route du Rock. Et c’est comme ça que l’édition, historiquement organisée en hiver, s’est décalée à l’été, sur les conseils de Lenoir.
Y’a-t-il encore des médias prescripteurs qui t’aident, en une seule publication, à remplir telle ou telle édition ?
Mmmmhh… Disons qu’il y a ceux qui sont prescripteurs et qui donnent envie de découvrir – en vrac Le Monde, Libération, les Inrocks, Magic – et puis après tu as les médias de masse, comme Ouest France en l’occurrence chez nous, qui donne la parole d’évangile ; c’est quand même le plus gros tirage quotidien de France. Quand tu as le soutien de Ouest France, comme on l’a, cela a un impact énorme et direct pour nous.
« Certains groupes de filles nous demandent parfois des petites culottes… »
Venons-en aux anecdotes croustillantes. La légende raconte que l’année de son passage à la Route du Rock [en 2007, pour un coût estimé à 120.000 € soit la moitié du budget du festival] Billy Corgan des Smashing Pumpkins avait exigé qu’un roadie fasse l’aller retour Saint-Malo / Paris pour lui ramener un certain type d’eau minérale vendue uniquement chez Colette. Info ou intox ?
C’est à moitié vrai. Il voulait effectivement de l’eau minérale norvégienne – de la Voss – qu’on ne trouvait pas encore dans la région. C’était pas non plus rédhibitoire hein… même s’ils l’ont demandé avec insistance ! Mais on n’a pas envoyé un type spécialement pour ça ; on dispose toujours de runners qui font l’aller-retour pour aller chercher les artistes à Orly. Et pour finir l’histoire, ils n’avaient pas l’eau désirée chez Colette, mais on l’a finalement trouvé au Bon Marché, ah !
Tu as très bonne mémoire ! Derrière ce fait divers finalement classique dans la vie d’un festival, trouves-tu que les desiderata des artistes aient explosé depuis vingt ans ?
Franchement, non. Rien ne m’a jamais choqué dans les demandes des artistes, personne n’abuse jamais à la Route du Rock. En revanche, on reçoit parfois des demandes rigolotes, je me souviens de Supergrass qui nous avait demandé un ballon de foot pour leur day off ; conclusion on avait joué au foot avec eux ! Sinon certains groupes de filles nous demandent parfois des petites culottes, bon ça nous fait marrer… Et pour en revenir aux Smashing Pumpkins, c’était pas tant le coût que la nature de la demande qui était improbable ; c’est tout de même étrange comme demande, de la part d’un groupe qui se dit post-punk. Ce qui m’avait le plus surpris, c’était leur façon de s’asseoir dans leur loge : chaque chaise était précisément réservée à une personne du groupe. Effectivement là, tu te dis qu’ils sont un peu zarb, ah ah !
« Chaque année il nous faut au minimum 20.000 spectateurs : en dessous on perd beaucoup d’argent, au dessus on n’en gagne pas beaucoup ».
Reparlons de l’édition 2012, avec The XX en tête d’affiche. Une édition plutôt compliquée dans mon souvenir, qui a failli vous laisser sur la paille, non ?
Oui. On s’est un peu vautré cette année là ; The XX devait être la locomotive de la programmation sauf qu’entre la confirmation du groupe et leur venue au fort, le groupe a décalé la date de la sortie de son album à septembre… on a perdu pas mal de tickets payants sur cette histoire.
Une déconvenue de ce genre peut-elle mettre en péril la Route du Rock ?
Oui et non, parce que depuis les débuts nous sommes toujours dans une situation financière compliquée ; disons que de mémoire on sortait de trois bonnes éditions en commençant à voir le bout du tunnel avec des comptes nickels, et là badaboum, on se vautre sur The XX. Ca nous a pas mis en danger de mort, mais c’était une grosse déception. [….] Je serais bien prétentieux de te dire que d’une année à l’autre on a toujours l’assurance de continuer à exister, la Route du Rock c’est un budget de production verrouillé malgré une fréquentation en hausse [presque 22.000 spectateurs payants en 2013]. Donc chaque année, pour équilibrer les coûts de production incompressibles, il nous faut au minimum 20.000 spectateurs : en dessous on perd beaucoup d’argent, au-dessus on n’en gagne pas beaucoup. D’autant plus que vis-à-vis des sponsors, on est un peu le cul entre deux chaises ; La Route du Rock n’a pas l’envergure d’un festival qui réunit 100.000 personnes, alors évidemment on se valorise par rapport à notre image qualitative et on arrive à s’en sortir mais mais mais… quand tu es coincé entre les petits et gros festivals, et qu’en plus tu défends des truc indés en refusant les compromis… c’est chaud.
A combien s’élève le budget de production d’une édition de la Route du Rock ?
1,2 million d’euros par édition, avec un budget artistique ridicule, puisqu’on ne peut pas aller au delà de 380.000 € maximum.
Et cette somme n’évolue pas, d’une année sur l’autre ?
Impossible. La seule ligne qui évolue c’est celle de la technique, elle-même soumise au coût de l’inflation, à la gourmandise des boîtes, etc..
C’est justement la question que j’allais te poser : existe-t-il une réelle dérive des cachets demandés par les artistes et leur entourage (management, agence de booking, etc.) ?
Oui, mais ça date pas d’hier… Si tu affirmes cela en 2014, les gens vont croire que c’est tout nouveau, sauf que ce problème remonte à une dizaine d’années, depuis qu’on rigole avec la soi-disant fin des disques, et du format Cd.
Car selon toi – en filigrane – les artistes compensent le manque à gagner des ventes d’album par des cachets plus importants.
Oui. Quand tu vois que maintenant il suffit de vendre 50.000 disques pour être disque d’or [jusqu’à 2006 le palier était fixé à 100.000 ventes caisse, NDR]…
Ton quotidien est-il régi par d’interminables bras de fer avec les agents, pour faire descendre les demandes de cachets mirobolants ?
On a longtemps fait profil bas car on a souvent été incapables de s’aligner sur les cachets demandés par certains ; et maintenant les agents commencent à comprendre que ce n’est pas par radinerie, mais simplement parce qu’on n’a pas les moyens ! Une programmation à la Route du Rock demande donc un effort mutuel, mais attention on reste tout de même sur des cachets importants, tu te doutes bien que les Portishead on les a pas eus pour 2000€…. Mais le fait qu’en général on est considéré comme un festival qui fait des offres de Roumain. On fait comme on peut, moi j’ai pas les moyens de faire autrement.
« Il faut que les gens sachent qu’à la Route du Rock nous sommes 100 % indépendants. »
Démultiplication des festivals, concurrence acharnée sur les têtes d’affiche qui se produisent désormais partout, bulle spéculative sur les cachets, saturation de l’offre… quel est selon toi l’avenir des festivals en France?
[Un peu embêté] Je ne sais pas quoi te répondre. Tu m’aurais posé la question voilà quelques mois je t’aurais dit qu’en raison de l’explosion de festivals, notamment chez nous dans l’Ouest, l’économie allait naturellement nettoyer tout ça parce qu’il est impossible que tous survivent. Je suis du reste assez d’accord avec Jean-Paul, directeur des Eurockéennes, quand il dit que seuls les festivals avec une âme et une identité pourraient survivre. Mais pour autant il ne faut pas être naïf : le fait d’avoir une âme – comme c’est le cas à la Route du Rock – n’occulte pas les problèmes financiers. Pour celui qui n’est pas « maqué » et qui ne trouve pas le sponsor ou le politique capable de soutenir ses initiatives, le futur s’annonce compliqué.Il faut que les gens sachent qu’à la Route du Rock nous sommes 100 % indépendants, puisqu’on s’approche des 70 % d’auto-financement [correspondant aux recettes billetterie, bars, produits dérivés, sponsoring]. Mais il y a encore pire que nous – ou mieux que nous c’est selon : un festival comme les Vieilles Charrues c’est quasiment 100 % d’auto-financement, eux ont refusé les subventions, c’est un autre principe. Nous, avec la programmation qu’on a, 70 % d’autofinancement c’est colossal mais cela veut aussi dire 70 % de prise de risque et donc 70 % de danger. Tous les ans. On en est plutôt fier et en même temps, ça nous fait trembler au quotidien ; pour te parler de mon travail de tous les jours, là je suis en train de jongler avec la trésorerie, gérer les demandes d’avance des artistes, trouver des astuces pour que tout rentre dans les clous. L’avenir pour nous, il consiste à trouver encore plus de fonds privés sans être racheté – je précise – en restant indépendant.
Ma dernière question est un peu salope [parce qu’elle fait écho à la récente vente du Printemps de Bourges par Daniel Colling, 69 ans, à la société Morgane Production pour un montant estimé entre 1,5 et 2 millions d’euros]. Arrive le moment où tu deviens trop vieux pour continuer la Route du Rock, et tu as le choix entre fermer ton festival et le revendre : tu fais quoi ?
[Hésitation] Bah, euh… déjà j’en suis pas encore là dans ma réflexion, ah ah ! Et la situation est un peu différente ; je n’ai pas la prétention de dire que le festival m’appartient – même si juridiquement le nom est détenu par trois personnes dont moi.Dit autrement : pourrais-tu franchiser la Route du Rock, et accepter que cela devienne autre chose qu’une aventure familiale ?
Mmmh.. le premier reflexe c’est de te répondre non parce qu’on y a mis toute notre âme et qu’il y aurait forcément le risque que cela devienne n’importe quoi. Franchiser la Route du Rock, on s’en occupe déjà par contre, puisqu’on a lancé une collection Hiver [au mois de février, NDR] et qu’on possède également une antenne booking avec près de quatre-vingt-dix groupes, et aussi des soirées labélisées Route du Rock sessions. De là à vendre… Si vraiment demain on se trouve en dépôt de bilan et qu’on a les garanties que le festival resterait le même, pourquoi pas. Mais l’histoire des festivals le prouve, ça se passe rarement comme ça.
http://www.laroutedurock.com
Du 13 au 16 aout à Saint Malo
19 commentaires
St Malo Rulez. Super papier. Et j’espère un jour rencontrer ce François Floret. Il ne mache tellement pas ses mots 🙂
BIG UP ROUTE DU ROCK <3
« Bénévoles » et « travaillent » dans la même phrase, mmmh, comment dire ?
Rien compris au vrai sens (et je ne parle même pas du cadre légal) du bénévolat, Fleuret…
Et puis, « Msieur, msieur, y’a le festival machin il a copié sur moi ». Faudrait peut-être arrêter de penser que tous les festivals veulent ressembler à la RdR… Surtout qu’il y en a peu qui soignent aussi mal leurs publics…
Emilie, la France serait un endroit moins horrible où vivre si tous les festivals ne ressemblaient ne serait-ce que de moitié à la RdR. Quant à ta sortie « Msieur, msieur… », je crois que tu n’as pas bien compris : si tu me piques ma tête d’affiche en exclu, toi festival voisin, tu me fous un peu dans la merde. A y est, tu l’as ?
A la personne qui utilise le pseudo « Emilie » (car les calomnies sont plus faciles anonymement) : le verbe bénévoler n’existant pas, la langue française nous contraint à cette association « bénévole / travail ». Si vous avez mieux, n’hésitez pas. Quant aux conditions d’accueil du public je vous propose un peu de lecture : http://www.ouest-france.fr/la-route-du-rock-reste-sur-le-grill-pour-lete-2559820
F.FLORET
J’ai envie de rajouter cette définition du dico Wiki…
Bénévole : Qui fait volontairement, de bon gré, un … »travail » non rémunéré.
Et le pire dans tout ça , c’est qu’on est hyper content de retourner bosser gratos a la Rdr tous les ans !! Perso ça fait pas loin de 10 ans …
Attendez : nous allons tuer ce micro-débat dans l’oeuf. Un bénévole est une personne qui travaille bénévolement de plein gré, point. Quand on connait les règles du jeu, il me semble normal de ne pas s’étonner en cours de route. Si ? Bon je dis ça, c’est une vue de l’extérieur hein.
l’indépendance ou la mort
La RDR ne doit vraiment pas mourir. Au pilori les traites de Beauregard.
Personne n’a dit que la route du rock allait mourir;)
Non mais c’est une de mes hantises. Ce festival reste relativement fragile malgré sa grande qualité.
Tiens le Fanch!
Super interview ! il a l’air vraiment cool ce François Floret. Très bonne idée que de l’interviewer. Vraiment hyper intéressant.
Oui, ce type est super et son festival excellent !
Après pourquoi s’étonner que ces normands de Beauregard fassent des crasses à ces gentils bretons de la RdR ? C’est dans la nature des choses…