C’est un grand nom de la musique folk britannique, et revenu en 2016 d’un long silence de près de quarante ans. Aujourd’hui, Shirley Collins signe « Archangel Hill », un nouvel album 100% folk paru chez Domino Records.
Shirley Collins a peut-être 87 ans au moment où elle sort « Archangel Hill », mais ce nouvel album n’a rien d’un testament. Au contraire : troisième d’une série de disques parus chez Domino Records après 38 ans de dysphonie vocale (en clair, Shirley avait perdu sa voix suite à un gros chagrin d’amour), loin de cette scène folk qui l’habite corps et âme, Shirley Collins semble plus vivante que jamais. Le seul caractère testamentaire de ce dernier projet réside peut-être dans sa qualité d’œuvre-bilan : bilan d’une vie dédiée à la transmission et à la documentation d’un folklore universel, celui des oubliés de l’histoire, des femmes et des hommes de la working-class qui ont traversé les siècles avec pas grand-chose d’autre que quelques chants et racontars pour se remémorer leur héritage.
Née dans la campagne anglaise à l’aube de la Seconde guerre mondiale, Shirley Collins découvre le folklore anglais dès la petite enfance, au gré des chansons populaires qu’entonnent à tour de rôle sa tante et ses grands-parents. Elle partage cette passion avec sa sœur Dolly, qui se fera elle aussi un nom dans le milieu folk anglais et avec qui elle partagera nombre de scènes au cours de sa vie. C’est d’ailleurs ensemble que les deux jeunes femmes donnent leurs premiers concerts, dans de petites salles socialistes que leur mère militante fréquente assidument.
Chez les Lomax
À 18 ans, Shirley abandonne ses études d’enseignante pour vivre son rêve : partir à Londres et devenir une chanteuse folk. En cette période de vaches maigres, la jeune femme vivote, économisant tous ses maigres revenus pour acheter des livres documentaires sur les folklores d’ici et d’ailleurs, des îles britanniques aux montagnes Appalaches. Elle rencontre ainsi Alan Lomax, le musicologue folkloriste qui fuyait alors le MacCarthysme et la chasse aux rouges de l’après-guerre. L’Américain est de 20 ans l’aîné de Shirley, une bagatelle face à leur amour naissant. Ensemble, Collins et Lomax entameront en 1959 un long périple au cœur du Sud des États-Unis, visant à documenter et enregistrer le folklore local en visitant paroisses, prisons, champs et montagnes pour en rencontrer les habitants et tenter d’en capter l’esprit. C’est d’ailleurs au cours de ce voyage que les deux acolytes découvrent le bluesman Mississippi Fred McDowell.
Les premiers albums voilà… 65 ans
À l’époque, Shirley Collins a déjà quelques faits d’armes au compteur, notamment deux albums enregistrés en 1958, « Sweet England » et « False True Lovers ». Au retour de son périple, elle poursuit ses deux carrières (chanteuse et archiviste) avec notamment « Folk Roots, New Routes » en 1964, où elle collabore avec Davy Graham. À la même période, elle enregistre régulièrement avec Joe Boyd pour Harvest Records qui publiaient aussi, entre autres, Pink Floyd et Deep Purple. En 1971, influencée par la vague acid-folk qui court sur la Grande-Bretagne, Shirley tourne régulièrement avec l’Albion Country Band dont elle épouse l’un des membres, Ashley Hutchings, à qui l’on doit aussi la création de Fairport Convention. En 1971, dans le plus pur esprit hippie et communautaire d’alors, elle accueille pas moins de 27 musiciens autour d’elle pour l’excellent « No Roses ». Et puis… blackout.
Retour (forcé) à la maison
C’est le divorce avec Ashley Hutchings qui coupera court à cette carrière florissante. Celui-ci s’entiche d’une jeune actrice et quitte son épouse du jour au lendemain, rappelant à Shirley un précédent scénario familial, lorsque son père abandonnait sa mère pour une femme de la rue voisine. La chanteuse esseulée, délaissée par son époux et privée de sa propre voix, se retrouve donc au tournant des années 80 à enchaîner les petits boulots pour élever ses deux enfants et prendre soin de son foyer. Ainsi, comme Vashti Bunyan, elle s’évapore du paysage folk après l’avoir marqué en profondeur. Ses dernières apparitions ne manquent toutefois pas de panache : The Mariner’s Farewell, un single enregistré avec Bert Jansch et ses albums « Amaranth » de 1976 et « For as Many as Will », qu’elle signe avec sa sœur en 1978.
Shirley Collins marquera son grand retour avec « Lodestar », qu’elle enregistre en 2016 avec Ossian Brown, un ancien de Coil. Tout au long de la décennie précédente, son fan de la première heure David Tibet (Current 93, Psychic TV) l’a poussée à reprendre le micro, c’est désormais chose faite. À 80 ans passés, Shirley Collins s’embarque donc pour trois albums chez Domino Records dont le dernier en date, « Archangel Hill ». Celui-ci s’ouvre sur un élégant adieu, Fare Thee Well My Dearest Friend, un standard folk qu’elle avait déjà chanté en 1976 sur « Amaranth » avec sa sœur Dolly. Cette dernière chante aussi sur Hand and Heart, le seul morceau de l’album qui n’a pas été enregistré pour l’occasion, préférant une archive live de 1980 qui marquera la dernière apparition publique de Shirley et Dolly, décédée en 1995. Dans un autre registre, High and Away rappelle le périple américain du duo Collins-Lomax et le titre éponyme Archangel Hill tire son nom d’un poème du père de Shirley commémorant leur chère campagne.
Le point marquant de cet album pastoral et suranné (il faut tout de même un certain cran pour sortir un projet aussi daté et authentique dans le paysage musical actuel) tient en sa paradoxale intemporalité. En interprétant à nouveau quelques chansons qui ont constitué le fil rouge de sa carrière, Shirley Collins invoque l’esprit folk dans sa forme essentielle : des chants repris sans cesse, dont le sens se renforce à divers moments de la vie comme de l’histoire, marqués par le poids de l’âge et le passage du temps comme l’est la voix de la chanteuse, toujours joyeuse et joueuse. Ainsi, en se réappropriant à nouveau nombre de classiques auxquels elle donne toujours plus de profondeur, elle parvient à incarner avec humilité ce à quoi elle a toujours aspiré : un devoir de transmission et un hommage à une éternelle classe populaire et travailleuse, oubliée d’une histoire qu’elle a pourtant façonnée de ses mains. Et quand on s’engage dans une telle mission, il semble qu’il n’existe pas vraiment de tournée d’adieux ni de départ à la retraite.
Shirley Collins // Archangel Hill // Domino Records, paru le 26 mai 2023
https://shirleycollins.bandcamp.com/album/archangel-hill
5 commentaires
on n’est en 30033
zemmour mère d’annecy
y’a bernie aussi qui est ack!
allo le 17 similaire a ce matin j’appelle sdf en vrac , reponse du 17 on n’est pas des infirmiers ou maison social….
1 seul assaillant coute combien allah franze ?