Ron Asheton vient de mourir, à l’âge de 60 ans, des suites d’une crise cardiaque. Il s’entretenait voilà quelques mois par téléphone avec notre reporter Tchèque. Sortir du frigo une légende humaine injustement méconnue de son vivant, c’est un dû bien modeste et logique.
A Prague, il fait chaud. 100° in The Shade. Les glaçons dans ma Sangria partent vite. Trop vite, à mon goût. Je devrais appeler Ron Asheton dans les 10 minutes. Les fuckin’ Stooges vont bientôt jouer à Prague. Je repense à cette magnifique défaite qu’a été Weirdness (ou comment saboter le mythe discographique en 10 secondes. Mieux que le live de Velvet de 1993), à ce flash-back du magnifique concert en Slovaquie sur l´aéroport où j´ai failli tomber dans un coma éthylique, et comment j’ai acheté un CD usé de Fun House à Gibert.
Ou encore cette cassette pourrie de Raw Power en soldes (10 Fr ?) dans un panier à Auchan. Ou comment j´ai appris le riff de No Fun pour la première fois. Ou comment…
Bon. Je compose le numéro. Ron est toujours à Ann Arbor ( « Tout le monde est parti, je suis le seul qui est resté » ). Il est 19H50 a Prague, cela doit faire 1.50pm à Michigan.
Un de vos grands moments initiatiques a été votre voyage en Angleterre avec Dave Alexander en 1965…
C´était génial. J´aimais les Beatles et les Stones. J´avais un bon pote avec qui j´allais à l´école et un temps après, sa famille est partie vivre à Southport. Avec Dave, on a décidé de partir. On a vendu nos motos et voilà. On croyait sincèrement qu’on allait rencontrer les Beatles. On avait 16 ans. Après être arrivé à Southport, on découvre que Liverpool est seulement à 45 minutes de train. Chaque matin, après notre petit déjeuner on partait là-bas. On a beaucoup trainé à Cavern (- le légendaire club ou les Beatles ont débutés – NdA). On a vu plein de groupes locaux, qui ont vraiment assuré, pour vraiment pas cher. Je ne connaissais pas encore très bien The Who, mais je les ai vus jouer avec The Move. Grand moment. On s´est fait des amis, acheté des fringues et surtout on a observé comment tout ces groupes fonctionnaient. L’ambiance était assez dure, quand même. On a traîné dans les rues avec nos cheveux à la Brian Jones et nos Beatles boots, on pouvait boire de l´alcool légalement et il y avait tous ces combat entre les Mods, les Teddy Boys et les Rockers. Pas difficile de tomber dans des ennuis. Après être rentré à la maison, je savais parfaitement ce que je voulais faire. J’ai décidé de ne pas avoir d´enfants, pas de boulot stable, rien de tout ça. J’allais faire de la musique. Ce serait ma vie. Point.
On oublie que les Stooges ont été un groupe assez spirituel et profond. Je pense à la musique hindou, la macrobiotique de votre manager Jimmy Silver, les livres mystiques de l’énigmatique bassiste Dave Alexander…
C´est vrai. Bien sûr on aimait et on aime toujours le rock’n´roll, mais à l´époque on écoutait aussi de la musique folklorique bulgare, les chants grégoriens, du free jazz, Pharoah Sanders, etc. On était assez ouvert. Si on trouvait quelque chose de cool, on l’ajoutait à notre arsenal. On a toujours voulu les Stooges comme un truc complexe. On avait tous ces trucs qui faisaient partie de notre mythologie personnelle. Tout le temps, on traînait ensemble. Notre musique est aussi très accessible pour les teenagers un peu dérangés. Ils savent très bien de quoi on parle.
Vous collectionnez toujours les artefacts du III° Reich ?
Oui. J´aime ça. Je m’intéresse beaucoup à l’histoire. Je ne lis pas tellement de romans mais plutôt la littérature des faits. Bien sûr je ne suis pas nazi et je suis très heureux de ne pas avoir vécu toutes les horreurs de la guerre. J´ai une très grande collection. Je m’intéresse aussi à la 1ère guerre mondiale, et au Vietnam parce que j´avais beaucoup de potes là bas.
Aux temps glorieux des Stooges, vous avez souvent joué dans des uniformes nazis. Est-ce que vous croyez que cela avait une influence sur les premiers punks anglais comme Siouxie queen en 1976 qui provoquaient avec des swastikas ?
Le premier rocker que j´ai vu porter un uniforme nazi fut Brian Jones. Ouais, t’as raison sur les photos avec Anita Pallenberg… Un truc est sûr, je les ai trouvés cool, ces uniformes. Je ne supporte pas le nazisme et je le hais. Mais cela a une valeur esthétique. Pour Brian et les punks, ça a été fait pour choquer et produire des réactions. Tu sais, poser des questions à la génération des vieux. Maintenant, je ne porte plus d’uniformes. Ce n’est pas l’époque et cela pourrait offenser certaines personnes.
Il paraît que pendant l’enregistrement de Raw Power, Iggy a convoqué des escrimeurs, pour avoir l´effet de combat métallique au début de Search And Destroy. Est-ce vrai ?
(Stricte et didactique) On a enregistré l´album complètement seuls à Londres. Après, Bowie et Iggy ont ramené les bandes à Los Angeles pour le mixage final. Et cela s’est passé comme ça s’est passé… (Ron a toujours fait savoir qu’il détestait le mixage original. Comme le nouveau mix réalisé par Iggy en 1997-NdA). Je n’en sais rien, de ce qu’ils foutaient à L.A.
Ça vous arrive d’écouter Raw Power ?
Il y a des bonnes chansons. Bien sûr, ça m´énerve de passer de la guitare à la basse. Mais je suis un très bon bassiste. On a bossé dur. Six jours par semaine, de minuit à 6 heures de mat´. Ce qui était vraiment chiant, c’est que pendant cette époque de Raw Power, on était complètement fauché. Les autres étaient à fond dans la drogue et on a dû jouer dans ces bordels pour 15 dollars. Je n´avais même pas de fric pour laver mes vêtements sales. Je n’ai pas beaucoup de bons souvenirs de cette époque. Sinon, j´ai écouté récemment Raw Power et c´était OK ! (Rire) Ce qui est cool, c´est qu’Iggy, pendant les tournées, écoute les premiers albums. Pour se mettre dans l´ambiance…
Quand est-ce que va sortir finalement votre projet Wylde Ratttz, avec Thurston Moore, Mike Watt, J.Mascis et Mark Arm qui, à l´origine, débutait pour la B.O. de Velvet Goldmine ?
Ça c´est une histoire tordue. Le disque est enregistré, mixé et tout. Et c´est vraiment génial. Ça a failli sortir, mais le label original a été acheté par EMI, je crois. Mais on dira que ça va finalement bientôt sortir. Je devrais avoir un meeting à New York bientôt.
Est-ce qu’il y aura un nouveau disque des Stooges ?
Oui. J´ai déjà commencé à écrire avec mon frère. Cette fois, ça va être un tout autre process. On a déjà fini 5 morceaux. Après, c´est à Iggy de jouer. J´ai vraiment hâte de le faire.