A mille lieux des rockeurs du dimanche affublés d’une sangle de basse à motifs Donald Duck, les australiens de Tame Impala viennent de réussir un double exploit : avoir publié le meilleur album électrique de l’année 2010 (« Innerspeaker ») et remettre le couvert deux ans plus tard avec un side project nommé Pond. Definitely too much class for the neighbourhood.

Tel un Ulysse du pauvre affublé du visage de l’ami Tom de Myspace, certains groupes de Rock & Roll passent une vie entière à chercher l’accord parfait ou le son de guitare qui leur permettrait d’entrevoir la lumière au bout d’un tunnel qu’on appelle indifférence. Il y en a d’autres à qui le grand barbu a tout promis puis tout donné. On peut appeler ça de l’injustice ou tout simplement du talent, question de point de vue. Comme le disait voilà quelques décennies le très lippu prophète Mickey les yeux bleus à propos des femmes, des drogues et de la vie en général, « you can’t always get what you want ». Vous connaissez la suite. Avec un peu d’efforts, une bonne prise de son sur les batteries et un compositeur au regard de psychopathe digne des plus beaux renards empaillés… « you’ll get what you need ».

Et c’est précisément l’effet que fait le « Beard, Wifes & Denim » composé par la section rythmique de Tame Impala qui, comme on l’imagine, n’avait rien de mieux à foutre entre deux parties de ping pong et une tournée mondiale que de former un groupe pour se défouler et accessoirement tourner en dérision tous ces groupes qui essayent en vain, à force de sueur dominicale et de clics frénétiques sur leurs propres clips Youtube, de sortir de l’ombre. Cette phrase ayant été un peu longue, osons le retour à la ligne. Et remettons les compteurs électriques à zéro.

Il y a dans ce « Beard, Wifes & Denim » beaucoup de choses à dire, autant de mots à écrire. Une certaine science de l’harmonie et de la production sophistiquée qui fait de cet objet sorti de nulle part un excellent happy medium entre la nostalgie et le besoin de nouveautés. Disons pour résumer que Pond se situe à équidistance entre le Grateful Dead et Suede et que les treize chansons de ce premier album méritent bien mieux que des poncifs journalistiques tels que « guitares syncopées », « production éthérées » ou « batteries virevoltantes ». En attendant que la planète terre soit colonisée par des extraterrestres fans de Bon Jovi ou Grégoire – voire les deux – tous munis d’un graveur DVD Toshiba et prêts à vous enfoncer leurs autoproductions médiocres au fond du larynx, voici dix bonnes raisons d’écouter Pond :

1. Parce que Fantastic explosion of time sonne comme du Suede boosté au RedBull californien et que Brett Anderson n’a plus donné signe de vie depuis la fin des cabines téléphoniques.

2. Parce que les deux membres de Tame Impala imposent leur groove sur chacune des pièces montées de cet album et qu’on en arrive presque à se demander si les australiens ont gobé des pastilles ou simplement vu la vierge pour lifter avec autant de facilité un genre – le psyché rock – qu’on pensait pourtant à l’hospice.

3. Parce que When it explodes c’est le son du Californication de Hank Moody sans tous les clichés – botox, déchéance, hamburgers et corps gras, industry of cool. Conseil : coupez le son de cette très mauvaise série et poussez « Beard, wives & denim » au maximum sur les enceintes.

4. Parce que ça nous garantit plein de jeux de mots autour de James Bond. Accessoirement parce que Pond c’est facile et rapide à taper dans la barre de recherche de Deezer et que comme la vie du mélomane moderne est riche en fainéantise, autant aller à l’essentiel.

5. Parce qu’il y a dans You broke my cool une parfaite jonction entre le chant de Brett Anderson – encore lui – et les instruments possédés de Tame Impala, un peu comme si un vieux fan de britpop se mettait subitement à danser un slow ventripotent en claquant frénétiquement chacun des boutons de son jean.

6. Parce qu’en écoutant Leisure Pony on croit reconnaître l’espace d’un instant la folie créatrice des premiers albums de Roxy Music mixée à la pop anglaise des années 90.

7. Parce que le nom de ce premier album, « Beard, Wives & Denim », m’évoque autant the Big Lebowski que tous les clichés du rock machiste avec des groupies affairées à laver vos pantalons pendant que vous vous la coulez douce en sirotant une bière. Un truc qui, comme le lundi au soleil, n’arrive hélas jamais.

8. Parce que non content de parfois sonner comme un groupe des 60’s signé par Kim Fowley et enregistré dans le désert de Mojave, Pond parvient également à faire des œillades aux Beatles sur l’excellent Dig Brother, totalement « Revolver ».

9. Parce que Pond vous permettra d’oublier pendant 54 minutes que la Victoire de la musique 2012 a été décernée à Izia, catégorie rock. Et je vous parle même pas de Laurent Voulzy et Justice.

10. Parce que je ne sais absolument pas comment finir cette chronique de disque et que tel le skieur défoncé à l’hélium des publicités Ovomaltine j’ai huit secondes pour vous dire que « Beard, Wives & Denim » c’est de la dynamite. Huit secondes, c’est à peu près le temps qu’il faut au commun des mortels pour distinguer le chef-d’œuvre de l’imposture. Au jeu du génie chronométré, Pond distance sans effort tous les enfants de Ruppert Murdoch.

Pond // Beard, Wives & Denim // Modular (La Baleine)

9 commentaires

  1. « Huit secondes, c’est à peu près le temps qu’il faut au commun des mortels pour distinguer le chef-d’œuvre de l’imposture. » : alors là, tu es d’un optimisme que je ne te connaissais pas !

  2. Dans mon imaginaire, lorsque quelqu’un est vraiment trop mauvais pour écrire, il finit toujours forcément chez Behype (running gag since 2007)

  3. Ca fait peur.
    Sinon, Pond, c’est moins bien que Tame Impala, même quand ils sont là (Pond, hein, pas TI), je trouve. De toute façon, à chaque fois que je pense à ce groupe, je pense à Kirsten Dust dans le soleil de fin de journée, et ça va tout de suite encore mieux.

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