Après 5 ans d’absence et une pandémie mondiale, revoilà les versaillais de Phoenix. Histoire de parler de leur nouvel album « Alpha Zulu », nous sommes allés leur tendre une embuscade à la sortie de la maison de la radio. 

Il y a finalement assez peu de groupes qu’on prend plaisir à croiser. Discours contrôlés, tiédeur des propos, dérapages savamment maîtrisés, le milieu de la musique deviendrait peu à peu une sorte de concours d’éloquence géant vidé de sa substance. Heureusement, il reste des exceptions et Phoenix en fait partie. Simplicité du propos, humour pince-sans-rire multi-degrés, les Versaillais ne se la jouent jamais, contrairement à l’image de bourgeois qu’on a parfois voulu leur coller au cours d’une carrière avoisinant désormais le quart de siècle.

Après l’escapade italienne « Ti Amo » sorti en 2017, ils sortent « Alpha Zulu », soit dix titres (leur marque de fabrique à chaque album) aussi addictifs que ceux de leur premier album « United ». Les fans comprendront. Les autres peuvent continuer à se pavaner sur le 391ème album de King Gizzard. Ou décider de se plonger dans cette pop synthétique, mélancolique et dansante qui n’appartient qu’au quatuor des Yvelines devenu planétaire sans business-plan préalable. Après 17 dates aux Etats-Unis et avant une tournée européenne qui s’achèvera fin novembre à Paris à l’Olympia, nous sommes allés les attendre de boots ferme à la sortie de la maison de la Radio, où Branco (Guitariste) et Deck (Bassiste) assuraient le service promo.

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Salut les Phoenix. 5 années après votre album « Ti Amo », vous voilà de retour avec « Alpha Zulu ». Dans quel état d’esprit étiez-vous au moment d’annoncer sa sortie ?

Branco : Tu veux dire très récemment ? Je dirais dans un état d’esprit combatif. On a eu le temps de reprendre des forces pendant ces dernières années. Nous voilà prêts à affronter le monde, mais à contre-courant. C’est assez difficile d’être un groupe aujourd’hui, les courants sont assez contraires. La vie est compliquée. Enfin je dis ça parce qu’on est actuellement en tournée. Toute cette logistique, c’est l’enfer.

Vous venez de faire 17 dates aux Etats-Unis. Votre nouvel album, « Alpha Zulu » sort le 4 novembre et ensuite vous enchaînez sur une tournée européenne qui s’achèvera sur vos deux seules dates françaises. Pourquoi ce choix ?

Branco : On en fait une seule en Angleterre… Cette tournée, c’est une petite tournée des belles salles d’Europe. On va revenir ensuite pour faire d’autres dates en France. Mais c’est vrai que nous sommes restés bien plus longtemps aux Etats-Unis.

Deck : Si on se place sur une échelle géographique, ça fait pas tellement plus de concerts. On a à peine jouer dans un état américain sur trois.

Branco : Il est très fort, ce Deck.

Cette grosse tournée américaine est-elle liée au fait que Thomas Mars, votre chanteur, habite aux Etats-Unis ou c’est une volonté du groupe de se mondialiser encore plus ?

Deck : A vrai dire, ça a toujours été plus ou moins comme ça.

Branco : On a toujours été assez « mondial », voire mondialistes, aha ! La vraie raison est liée à des sujets de comptes d’apothicaire. Que ce soit cette année ou l’année prochaine, toutes les salles sont prises d’assaut par des groupes qui n’ont pas pu jouer pendant la crise sanitaire. Il nous a donc fallu prendre les décisions très en amont. On a donc réservé des salles il y a longtemps, et on va faire cette tournée des beaux théâtres en Europe et aux Etats-Unis. Ca s’est goupillé comme ça, il n’y a pas vraiment de plan de carrière. Mais on fera d’autres dates en France, c’est certain.

Deck : On a vraiment besoin d’être en confiance pour affronter Paris. Il nous faut une trentaine de dates avant pour pouvoir affronter la meute.

L’échauffement est quand même sacrément long, puisque les deux dates parisiennes sont les dernières dates de la tournée.

Deck : Si on veut être bon ici, c’est le minimum.

Votre album « Alpha Zulu » a été enregistré à Paris, au musée des arts décoratifs. Vous avez quitté votre studio cocon de la Gaieté lyrique. Pourquoi ce choix, précisément ?

Branco : A chaque album son cocon. Chaque album a été enregistré dans un lieu différent.

« On ne va pas tout te donner sur les trois premières questions ».

SERVEUSE : Vous prendrez quelque chose ?

Albert Potiron : Un coca, svp. Ca ne sera pas dans l’interview.

Branco : Mets-le.

Deck : Chaque album a son décorum.

Branco : On cherchait un nouveau lieu pour nous. Au musée des arts décoratifs, on a peut-être trouvé le meilleur studio possible. L’endroit était sublime. On était très heureux de travailler dans ce musée. Je parle au passé car nous en sommes partis. Nous venons récemment de déménager.

Deck : Garde-meuble, direct.

Branco : Quelqu’un veut un chewing-gum ?

Deck : Ca ira, merci.

Albert : J’en veux bien un.

Branco : Ils viennent directement du pays de l’Oncle Sam.

Vous avez conçu ce nouvel album en une dizaine de jours. Que s’est-il passé ?

Deck : J’ai l’impression que ça va revenir tout le temps, cette information. On l’a mal formulé je pense. La vérité, c’est qu’il y a eu plusieurs tranches, trois ou quatre, d’une dizaine de jours. Mis bout à bout, ça ne fait pas une grande différence, mais quand même. Thomas ne revenait en France que de temps à autre, quand les frontières s’ouvraient. Et c’était assez rare qu’elles s’ouvrent au même moment côté américain et côté français. Finalement, il y a eu peu de périodes où nous étions réunis tous les quatre. Les véritables périodes de création, ce sont celles où nous sommes tous les 4, même si, pour une fois, il y a quelques exceptions sur cet album. On y reviendra peut-être après au cours de l’interview. Loin de moi l’idée de spoiler quoi que ce soit à tes lecteurs. On ne va pas tout te donner sur les trois premières questions.

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Voilà 5 ans que vous n’aviez pas fait d’album. La crise sanitaire s’est déclarée il y a deux ans et demi. Qu’avez-vous fait avant ? Je vous avais croisés fin 2019 pour la promo d’un livre qui sortait sur le groupe, et en visitant votre studio j’avais eu le sentiment que vous étiez déjà bien avancé sur un projet qui n’est pas « Alpha Zulu ».

Branco : A l’époque, on devait probablement travailler sur la B.O du film de Sofia (NDLR : Coppola), On the rocks. Pour ce film, on avait fait le morceau Identical, qui figure sur l’album. C’est le premier morceau qu’on a fait pour ce nouveau disque et on l’avait mis dans la B.O.

Pour tout vous dire, je pensais que ce nouvel album allait s’appeler « Poseidon ». C’était un mot écrit en gros sur un tableau dans votre studio.

Branco : C’est vrai qu’on avait un titre sur lequel on travaillait et qui s’appelait Poséidon.

Deck : C’est un morceau sur lequel on avait pas mal travaillé mais on n’était pas allé au bout du processus.

Branco : D’ailleurs, il est pas mal, je crois.

Deck : On a beaucoup de matériel sonore qu’on ne sort pas parce que tout n’est pas abouti, loin de là. Mais cette fois, avec « Alpha Zulu », on a pas mal de matériel qu’on pourrait probablement utiliser plus tard, ce qu’on ne fait pas d’habitude. D’habitude, il nous reste quasiment plus rien. On met tout ce qu’on fait sur l’album. Là, c’est un peu différent. Certaines choses ont encore du potentiel.

Branco : Chacun de nos albums est composé de milliers de fragments qui ont tous leur petit nom. Tout est indexé. Après, il y a un processus d’alambic qui se met en place.

« On peut travailler 150 heures sur un morceau et soudain ne plus l’aimer. Dans ce cas, on l’élimine»

J’ai du mal à croire que vous n’avez pas en stock des titres complètement terminés que vous n’avez jamais sortis. Depuis vos débuts, chaque album de Phoenix est composé de 10 titres. Vous n’avez vraiment aucun inédit, aucun morceau achevé en soute ? Vous n’avez jamais envisagé de publier vos archives, façon Neil Young ?

Deck : Détrompe-toi. A chaque album, on sort ce qu’on appelle les « Phoenix Diaries ». On les sort en petite quantité, sous différentes formes. C’est quasi confidentiel. Depuis peu, on les sort aussi sur Spotify. Ca nous permet de donner un peu le contexte de l’album, de donner un peu de sens.

Branco : En réalité, nous avons des archives énormes.

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Ca ne vous arrive donc jamais d’aller jusqu’au bout d’un morceau et de ne pas le sortir ?

Branco : Ca arrive, oui. Mais disons, pas jusqu’au bout, pas jusqu’à la finalisation totale. Mais du point de vue de l’écriture, oui, ça nous arrive. Il faut dire que nous sommes vraiment impitoyables. On peut travailler 150 heures sur un morceau et soudain ne plus l’aimer. Dans ce cas, on l’élimine. On est cruels. C’est sûrement une des raisons pour lesquelles on collabore difficilement avec d’autres artistes. Parce qu’on sait qu’on aurait du mal à imposer ce mode de fonctionnement et cette cruauté vis-vis de notre travail à des gens du monde extérieur. Après des mois à avoir travailler sur un morceau, il nous arrive de décider de changer entièrement le refrain.

Vous avez ce côté « control freak ». Quand on est un maniaque du détail et qu’on voit la manière dont sortent depuis des années des chutes de studio de Prince, Bowie ou Hendrix, n’a-t-on pas envie de sortir ça soit-même de son vivant ?

Branco : Je ne sais pas. Il y aurait un intérêt presque scientifique à sortir toutes nos archives. Il y a des morceaux dont on voit l’apparition. Au départ, il y a zéro. Et on a capturé le moment où soudain, il y a quelque chose. C’est pas mal, d’un point de vue d’analyse de « Qu’est ce que c’est, la créativité ? ». Mais d’un point de vue esthétique, il faudrait vraiment qu’on écrème énormément nos archives pour pouvoir aboutir à une offre satisfaisante, aha ! Les démos qu’on sort ont le charme de l’inachevé. Ca permet de faire passer la pilule sur des choses qui ne sont pas d’un niveau excellent mais qui ont malgré tout le petit charme de la tentative.

Avant la sortie de cet album, il y a eu plusieurs singles : Identical, Alpha Zulu, Tonight puis Winter Solstice. Quid de The Only One ? Ca se passe comment chez Phoenix le choix des singles ? Vous passez en mode séminaire ?

Deck : Il y a des débats. On essaye de prendre la température.

Branco : Nous, on a nos envies. Après on essaye de voir si ça correspond à des décisions…

Je sens que vous allez prononcer le mot « stratégiques » .

Branco : … opportunes d’un point de vue stratégique (Sourire). Plus sérieusement, ce qu’on essaye de faire, c’est de marquer le coup dès le début en sortant un morceau qui a une personnalité forte, voire qui peut diviser. On essaye bien sûr de ne pas commencer par le truc le plus tiède. Nan ?

Deck : Si. Ce qu’on essaye aussi de faire, c’est de sortir en premier un single qui ressemble le moins possible à ce qu’on a pu faire avant. Ce qui est le cas d’Alpha Zulu, par exemple. Le concept du single a de toute façon beaucoup évolué depuis nos débuts. Avant, c’était quelque chose de fondamental pour amener les gens vers un album. Aujourd’hui, je ne sais pas. Ce qui a changé depuis vingt ans, c’est qu’on a désormais plus de temps pour découvrir un album morceau par morceau, single par single. Là, il y a un single qui va sortir en même temps que l’album.

GONZAI : Ca sera The Only one, non ?

Deck : Nan.

GONZAI : Bon sang, mais il faut le sortir celui-là.

Deck : On a beaucoup hésité.

Branco (blagueur) : On devrait peut-être. Il y a des grands noms de la presse qui nous en parlent.

Deck : C’est très compliqué pour nous de choisir, puisqu’on fabrique quasiment chaque morceau comme si c’était un single. Enfin en y apportant autant de soins. Ca vient du coeur, et c’est pas simple de choisir un enfant plutôt qu’un autre.

Avez-vous eu des débats entre vous au moment d’intituler l’album « Alpha Zulu » ? C’est pas forcément très intuitif comme nom d’album de Phoenix.

Branco : T’aurais préféré « Poseidon » ?

GONZAI : Pas forcément. Ce qui est certain, c’est que la pochette de l’album a un côté à la fois moderne et classique. Avec « Alpha Zulu », je m’attendais à des sonorités africaines.

Deck : Alpha Zulu, c’est issu de l’alphabet aéronautique. Rien à voir avec les zoulous. Le seul clin d’oeil à l’Afrique, c’est qu’on avait samplé un groupe sud-africain sur Identical.

Branco : Sur cet album, on est plus aéronautique qu’Afrique. Passion aéronautique …

« Il y a des moments où tu te dis que tu fais des morceaux de 3 minutes alors que le monde est en train de s’effondrer. Passer 500 heures sur le son de la caisse claire, est-ce que ça a encore du sens ? »

Après 23 années d’existence officielle, vous voilà donc avec ce 7ème album. Comment fait-on pour rester frais et inspiré après toutes ces années ? Pas de peur de l’usure ?

Branco : L’usure, ça existe. Le plus grand danger, c’est de perdre l’énergie vitale. Parce que faire un disque, ça demande une énergie vitale incroyable. Parfois je me demande si on en aura encore assez collectivement pour en refaire beaucoup d’autres. Faire un disque, c’est un truc de fous. Tu dépenses un nombre de calories de malade. Il y a aussi des moments où tu te dis que tu fais des morceaux de 3 minutes alors que le monde est en train de s’effondrer. Passer 500 heures sur le son de la caisse claire, est-ce que ça a encore du sens ? Mais quand même…Mais quand même…

La musique aurait moins de sens dans un monde dégradé ?

Branco : On a le sens de la dérision, donc on sait. Après, il y a le plaisir de créer. Et ça, c’est important. C’est l’un des plus grands plaisirs qu’on ressent dans la vie. C’est sûrement pour ça qu’on continue à travailler comme des fourmis. Il y a une forme de démence à faire ça, mais le plaisir est là. Avec la crise sanitaire, on a été beaucoup  séparés. Dès qu’on se réunissait, les idées jaillissaient. On créait beaucoup, on était heureux. Dans les moments comme ça, travailler, c’est sûrement ce qu’il faut faire. J’ai lu récemment une interview de Steve Reich. Il vit la pandémie comme tout le monde. Il n’y avait plus de tournée, et ses compositions n’étaient plus jouées alors que c’est son gagne-pain. Ce qu’il disait à ces étudiants, c’est ça : « Travailler, et tout va se résoudre par ça ». Nous, c’est un peu pareil. On travaille tous les jours. On va au studio comme si on allait au bureau. C’est bien comme ça.

On enchaîne avec une question qui n’a rien à voir avec la choucroute. Quel est votre rapport au cinéma ? Pouvez-vous me citer chacun deux films que vous regardez régulièrement ?

Deck : Quand on est en tournée, on a tendance à regarder des films français de notre génération, avec Jean Rochefort. J’ai par exemple revu récemment le début de Calmos, de Blier.

Branco : J’adore Bresson. Je citerai donc Au hasard Balthazar. Et Kurosawa, que j’aime beaucoup.

Deck : J’ai le droit de citer Les sous-doués ? C’est bon, ça ?

Branco : Lequel ?

Deck : Le premier. Les sous-doués en vacances, c’est moins bon. Ceci dit, il y a deux camps chez les amateurs, certains préfèrent le deuxième. Les sous-doués, ça se passe à Versailles – d’où on vient – c’est peut-être pour ça que j’y suis attaché. C’est la maison. En tout cas, c’est le dernier film que j’ai vu.

Branco : C’est vrai qu’on est assez sensible à l’esprit des français de ces années-là. Les films d’Yves Robert, par exemple. Les films scénarisés par Jean-Loup Dabadie, l’un des meilleurs dialoguistes que je connaisse.

J’ai vu un film scénarisé par Dabadie pas plus tard qu’hier. La poudre d’escampette de Philippe De Broca. Un film d’aventure qui se passe dans le désert, pendant la seconde guerre mondiale, avec Marlène Jobert et Michel Piccoli.

Branco : Je crois que ce film serait en plein dans notre cible. Tous les signaux sont au vert, là. Je viens aussi de voir un film pendant notre tournée américaine que j’ai trouvé génial. C’est Nope, de Jordan Peele. C’est vraiment très bien. Ce que je n’aime pas dans le cinéma actuel, c’est d’avoir l’impression quand je vais voir un film de savoir exactement ce qu’il va se passer. Nope, c’est l’inverse. J’ai été surpris en le voyant. Dans le monde actuel où il y a beaucoup de standardisation, c’est rare. On a l’impression aujourd’hui que les films sont souvent écrits par des mecs qui sortent d’une école de scénaristes et appliquent une recette. Nope, c’est pour moi un chef-d’oeuvre. En tout cas je le recommande vivement.

A part pour les films de Sofia Coppola, avez-vous déjà été contacté pour écrire une bande originale de film ?

Deck : Ca nous arrive. C’est très agréable d’être sollicités ainsi mais on n’a jamais vraiment le temps de le faire.

Branco : Ce qui nous fait souvent travailler avec les gens, c’est l’amitié. Et puis il faut aussi qu’il y ait l’étincelle, un truc qui se passe. On a eu des propositions mais ça n’a jamais collé. Mais on pourrait tout à fait l’envisager. D’autant que c’est assez agréable.

Deck : Le peu de fois où on l’a fait pour Sofia, c’était assez simple. Il y a un cadre, presque un côté prestataire de service.

Branco : Le cadre, c’est les images qu’on te donne. Tu vois tout de suite ce qui accroche à l’image. Alors que quand tu fais un album, tout est possible. Tu peux prendre un nombre infini de directions. C’est la page blanche sans fin.

« Morricone, c’est probablement dans le top 5 des trucs qu’on préfère dans l’histoire de la musique »

Certains compositeurs n’ont pas l’image avant. Il arrivait par exemple à Sergio Leone de diffuser la musique d’Ennio Morricone sur le plateau en tournant une scène, et là c’est la musique qui guidait la mise en scène.

Branco : C’est vrai.

Deck : Ca nous est aussi arrivé de composer des morceaux pour une B.O sans avoir les images.

Branco : L’avantage de l’image, c’est que tu vois immédiatement si la musique colle ou pas. Ca permet le tri direct. C’est facile à manipuler comme émotions, on est dans le blanc ou le noir. Ca marche ou ça ne marche pas. Pour nos albums, on est surtout habitués à toutes les nuances de gris. C’est plus fatiguant. T’es toujours en train de te demander où tu dois poser le curseur. On adore de toute façon les musiques de films. Morricone, c’est probablement dans le top 5 des trucs qu’on préfère dans l’histoire de la musique. A ce propos, le film qui est sorti cette année sur lui est vraiment pas mal. Il est 80 % génial, et après t’as 20 % d’intervenants à la con, genre Bruce Springsteen ou le mec de Metallica. Et Hans Zimmer, pour lequel j’ai une haine profonde.

Deck : Et une fascination.

Branco : Je parle de haine esthétique. Parce que c’est une personne délicieuse, nous en sommes certains. En tout cas, à part ces 20 % à jeter, tout le reste du film est excellent. Dans ce film, on voit la folie de Morricone. A un moment, il y a eu fabuleuse interview de lui. Je pensais que c’était un grincheux, car c’est souvent l’image que donnaient les documentaires sur lui jusque-là. En fait, pas du tout. C’est un fou.

Avant de vous quitter, j’ai une dernière question : quel est votre rapport aux jeux vidéos.

Branco : Comment as-tu eu l’idée de nous poser une question sur les jeux vidéos ??

Il y a une quinzaine d’années, je t’ai croisé par hasard un samedi après-midi, assis sur un banc à Caen avec votre clavier Rob. C’était au cours d’une de vos tournées. A vos pieds, il y avait une énorme boîte du jeu vidéo Beatles Rock Band.

Branco : Je m’en rappelle très bien ! A une période on a beaucoup joué tous ensemble aux jeux multi-joueurs. On a passé notre adolescence là-dessus. On vivait tous dans le même appart et on jouait beaucoup, mais seulement aux jeux multi-joueurs. Il fallait déjà qu’il y ait du partage. Beatles Rock Band, ça doit être la dernière fois où nous sommes entrés dans l’univers du jeu vidéo. Depuis, on ne pratique quasiment plus.

A ce propos, on ne vous a jamais contacté pour qu’un de vos morceaux soit dans un jeu vidéo ?

Branco : Tu plaisantes ? On est dans le dernier Fifa ! C’est un casting suprême, ce jeu. T’as que la crème de la crème. T’as tout le monde. Dans le jeu, tu peux même customiser un maillot Phoenix, inspiré par Giotto, le peintre italien. Finalement, ta question sur les jeux vidéos était bonne.

Je crois que je tiens mon titre : « Phoenix : on est dans le dernier Fifa ! ».

Deck : Tu fais comme tu veux.

Branco : C’est l’apothéose de notre carrière, cette présence dans Fifa. Plus sérieusement, ça a beaucoup d’impact. Aujourd’hui, il y a plein de jeunes qui écoutent peu ou pas de musique, et qui découvrent des artistes ou des morceaux par les jeux vidéos. La musique des jeux vidéos de notre enfance était vraiment pas mal.

Deck : On a d’ailleurs demandé un remix de Tonight à Button Masher, un gars qui fait de la musique de jeu vidéo en 8-bit. Ca donne vraiment un résultat passionnant, à la jazz funk japonais des 90’s, avec toute la banque de sons qui va bien. Je vous le conseille. Pas parce que c’est nous, mais plus pour lui.

Branco : Ca rappelle aussi la musique des japonais fascinés par des trucs de fusion latine. Au début des jeux vidéos, vers 1976, il y avait déjà une certaine école esthétique de la musique de vidéo games. Ca cartonnait à Tokyo. C’est comme ça qu’on s’est retrouvés gamins à être nourris de musiques hyper bizarres, à la Al Di Meola, le tout passé dans des synthétiseurs Midi hyper rudimentaires. C’était quand même génial, et ça fait une éducation musicale très étrange, ce qui est toujours bon à prendre.

Phoenix // Alpha Zulu // Loyauté/Glassnote records

10 commentaires

  1. Ils ne sont pas de Perpignan & alentours alors je vais pas quand même dire que c comme même aussi bien que les groupes moisis du 66

Répondre à Jean 2 Versailles Annuler la réponse

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