Entre backing-band et agence tout risque, le projet "Phantom Feat" offre depuis trois albums toute la force de frappe nécessaire pour que le colonel Miam Monster Miam - patron

Entre backing-band et agence tout risque, le projet « Phantom Feat » offre depuis trois albums toute la force de frappe nécessaire pour que le colonel Miam Monster Miam – patron et guitariste du label Freaksville – puisse jouer à la guerre avec victoire à toutes les batailles.

Un chanteur par album (Jacques Duvall, Marie France et aujourd’hui Lio), grilles blues déclinées à toutes les sauces, et textes fins là où la France s’est toujours illustrée par un 2e degré de saut dans les flaques.En règle générale, ça ferait salle-comble dans ce trou de béton festif. Mais sur l’affiche, le nom rose de l’ex-lolita de la new wave française, a refroidi les humeurs. Légitime ? Pas dit !

Ex-fan des sixties / Petite Baby Doll

Comme tu dansais bien le Rock’n’Roll

Arrivé quatre heure plus tôt dans une ambiance maussade. C’est bien simple : tout le monde râle. « La diva sera en retard » par ici ; « la diva est ingérable » par là. De notre côté, l’interview se décale d’un seul coup de « milieu d’après-midi » à « une heure du mat’» sur sa simple exigence. On se plie à l’ordonnance. Bien obligé. Conversation avec Miam pour synthétiser les origines de Phantom et comment on en arrive à bosser avec Lio, certes copine de Jacques Duvall (son parolier historique) mais ô combien éloignée du son garage du combo. Les balances suivent mais ne démarrent vraiment qu’à son arrivée à elle, veste de cuir et chapeau de feutre. Joint en bouche, elle monte, saisit un micro et les paroles sur un pupitre. Ça ricane. Je prends conscience des propos de Miam : « On répète très peu. Là on arrive, on a pas répété depuis au moins quinze jours. C’est difficile, l’agenda de Wanda est très chargé… » Ici et là, on peut entendre le crew railler que « la scène c’est autre chose qu’un plateau de télé ». Et sans crier gare, le riff de Blitzkrieg Bop jaillit, dissipant la tension qui embaume les lieux. Et Lio chante. Par cœur. Les yeux clos, le sourire aux lèvres. Le groupe se soude d’un seul coup et subitement… le staff qui s’active dans la salle, les trois belles plantes de la première partie et votre serviteur tapent du pied.

New York 76, right here, right now.

Toute mon interview me repasse en tête. Les mots-clés s’effacent les uns après les autres : personnage, marketing du coup d’éclat, punkette à paillettes, racolage… Ça tombe bien, j’ai quatre plombes devant moi pour y repenser.

Magnéto en arrière. Rewind Wanda. Je suis venu ici avec un objectif clair. Une question qui ronge ceux qui étaient assez grands pour voir les rayures en zèbre sous les synthé mais n’étaient pas nés à l’heure des pantalons panthère et cravates cadenas : Comment est-on passé des guitares squameuses « one-chord wonders » à une armée souriante de gominés jouant du clavier à deux doigts dans des fringues en lamé ? Quand ? Et surtout, comprendre pourquoi on continuait à les appeler des punks. Je veux trouver le chaînon manquant.

L’interview est un sport de combat. A partir de quoi il m’apparaît qu’il n’y a que deux types de concurrents : les endurants et les pressés. Les premiers veulent vous survivre, les seconds veulent en finir. Ce jour là, j’étais venu pour encaisser ; je n’ai pas été déçu.
Gorille devant la brune, j’ouvre sur ma stupéfaction d’avoir vu Lio chanter les Ramones. Verdict sur le même ton : « Et bien c’est une erreur ! ». Punkette. Un divorce et une dictature ont amené sa famille portugaise à Bruxelles où, devenue adolescente de quatorze ans, elle zone au Café du Coin, repère de punks plus Margerin que CBGB qu’elle arpente avec un blouson en cuir et dédain, en écoutant du punk. Punkette, je veux bien mais en France en 76, à part supporter la voix d’Eudeline ou les machines d’Eric Débris, on est encore loin de Bijou et Téléphone ; alors en Belgique… Dis-je. C’était oublier que si on se penche bien à Ostende, avec les yeux qu’il faut, on peut voir Basildon. Et derrière la suif, Londres. Première erreur qui claque comme ses dents de pop-idol. D’un direct, elle m’envoie les Damned, les Jams et toute la clique : « On allait les voir mais tout au début, quand des petits jeunes mettaient leurs économies ensemble pour faire venir les Clash pour 20.000 Francs belges, soit à l’époque 2000 FF. Et vous [NDA : les français] c’était un an et demi avant que vous les voyiez au palais des congrès. »
Première frappe et déjà Cassius Clay change de jambes : « Mais on aimait aussi des groupes français. Comme les Stinky Toys ». Déjà donc. Le petit Bryan Ferry français. Ou Eno ? Finalement assez logique puisque lorsque le punk s’affiche en France en 79, les angliches sont déjà passés d’Iggy à Bowie. Lio rappelle que nous étions surtout limités à Ça plane pour moi… Coup bas. N’empêche que dès Le Banana Split, ça sent quand même plus Jacno que les Toys. Ce synthé… il va falloir finir par en parler. « Pareil, c’est parce que nous on écoutait Kraftwerk. Ils ont sorti leur premier album en 75 ; étais tu né ? Non ? Et ben c’est ça le problème…» Le coup de l’âge. Je l’avais pas vu venir, de si près. Mon esquive appelle les trois prochains coups « Nous on était dans tout ça. C’est-à-dire que ce qui nous intéressait en terme d’énergie, c’était le punk ; mais comme nous sommes des cérébraux et des esthètes, on aimait bien : Bowie avec Brian Eno, la position de Bowie allant sauver Iggy Pop et Lou Reed et ensuite se faire traîner dans la boue parce qu’il les avait copié, etc. Donc pour moi Banana Split c’était un mélange de Kraftwerk, de punk et de Little Eva and The locomotion. Pour moi c’est ce blend là, parce que ça m’intéressait vachement l’électronique, que j’aimais le rock, et je me disais que tout ça ensemble ça pouvait le faire. Parce que l’électronique que j’écoutais elle était pas souriante. C’est toujours intéressant d’amener le sourire là où il n’y en a pas. Elle est dark au départ. Human League c’est dark – Banana split c’est pop. »

Human League. Pas ce qu’on s’attend le plus à voir jaillir dans une telle interview, mais il n’y a pas de hasard : précurseur du rang d’Eno, Martin Rushent a fait le grand écart entre T. Rex et XTC, et les Human League donc. Un jour, il proposa rien de moins que de produire Lio sur son label Genetic (Spandau Ballet, Ultravox). Autant dire une reco internationale, ce que ni les rééditions par ZE Records ni les versions anglaises de Banana et de tout le premier album (la compilation Suite Sixtine) n’auront jamais atteint. Une des rares fois de cet entretien où Wanda trahira une certaine émotion. Un regret. Un doute…
Ses premiers 7″ de Lio me reviennent en tête, les faces B aux claviers cristallins et cordes synthétiques (Baby Lou, Petite amazone…). Je relève ma garde. Basildon = Depeche Mode. De sous son chapeau, Jacques opine : « Il y avait très très peu de groupes électroniques alors… Forcément on se ressemblait. » C’est devant l’arpeggiator de Dan Lacksman, clavier de la formation disco-comix belge Telex qu’ils avaient d’abord eu l’illumination. Une révélation pour Duvall déjà marqué par le disco.

L’annonciation faite en MIDI.

« Si tu veux, il y a quand même eu un décalage parce que Banana Split on le traînait depuis deux ans. C’était un morceau à énergie punk et grâce à dieu, on n’a pas pu être signé au moment où on l’a fait. Le temps qu’on le soit, on avait déjà d’autres envies. » Il y aurait donc eu une période où ce titre se dansait sur six cordes ? « Fatalement, au tout départ c’était Jay Alansky qui faisait la musique, donc c’était composé à la guitare. Le premier essai qu’on a fait avec une maison de disques, et qui heureusement n’a pas été transformé, c’était avec RKM la boite de Plastic Bertrand et on a fait une démo produite par [son producteur] Lou Deprijck à base de guitares. C’était Vogue qui devait sortir ça en France, ils ont hésité, et je pense que c’est bien. »
Punk-rockers, puis electro-berliners, puis synthé pop. C’était donc ça l’itinéraire des fameux jeunes gens modernes. Duvall ayant vu la piste de plus haut confirme : « Il y a peut être bien une question d’adéquation avec une certaine génération, je sais pas à quoi c’est dû. Comme je suis un peu prétentieux, j’ai toujours pensé qu’on était un poil en avance sur ce que les gens allaient aimer après. Pour la partie Banana Split, pop-synthé, etecetera, oui, on l’était. Y’avait déjà Jacno mais… (il doute) Attend, il a fait Rectangles après ?… » Je redonne la date, 1979, et Lio recadre : « Non, juste en même temps ! Banana Split était sorti en Belgique mais pas encore en France. Et quand on a vu qu’il avait sorti Rectangle où il est producteur / réalisateur artistique, on s’est dit pour Amoureux Solitaire on va lui demander à LUI. »

Ex-fan des sixties, Où sont tes années folles
Que sont devenues toutes tes idoles ?

Ok j’ai mal visé ; D’abord les Ramones, puis la défricheuse des terres cyber-pop encore sauvages. And then ? America ! Rapidement le trio Duvall/Alansky/Lio s’est mis à fantasmer une certaine mythologie, écoute Sinatra – à qui Duvall doit déjà son pseudonyme évoqué dans L’Homme au bras d’or – et revisitent rock’n’roll au travers des aérographes de Guy Peellaert. Dès 1980, elle reprend You go to my head, probablement dans sa version la plus troublante qui soit. Plus tard il y aura aussi un Maggy’s farm jazzy, et In the ghetto dans une adaptation de Boris Bergman. A l’image de sa vieille idole d’antan, Debbie Harry (dont elle a repris In The Flesh, sous le titre Sous le charme), elle est fan des musicals de broadway, des girls groups et se met à pester quand je compare les Supremes à du doo wap. M’assène que la fade Doris Day n’a rien de commun avec le tourbillon Peggy Lee, dont je suis bien incapable de bredouiller plus d’un titre. « Ca n’a rien à voir ! Mais toi dans ta tête, tu confonds un peu, tu dis la blonde comme ça, qui c’est l’une, qui c’est l’autre ? Absolument rien à voir ! » Devant mon inculture, elle enfonce l’escarpin dans la plaie : « Et les Shangrila’s ? C’était juste le groupe préféré des New York Dolls. C’est James Dean en fille ! Open your mind. » Et avant que je réalise que je suis dans les cordes, se met à me chanter Johnny Thunders. J’hallucine à haute voix. Personne ne parle de Lio avec ces références là. Elvis, Billie Holiday… Même les Dolls. Jamais.

Alors quoi de plus normal que de la retrouver aux côtés de Miam Monster Miam, son vocoder et son backing gang ? Est-ce que Phantom feat Lio n’est pas l’album qui aurait dû voir le jour dès 1977. Réponse tout de go : « Mais sûrement, écris le, comme ça les gens vont l’acheter. Et toi tu peux passer directement du premier au dernier, moi cela me va. » Victoire aux poings.

Phantom Feat Lio // Phantom feat Lio // Freaksville
http://www.myspace.com/phantomfeatlio

20 commentaires

  1. Bravo Lio
    Toujours autant de culot ! meme si je suis pas fan, chapeau bas !
    de plus les belges ont toujours eu une longueur d’avance sur les Français sauf chez nous au Havre ou on ecoutais les Ramones en 75, mais vous n’etiez pas nés, du moins je l’espere pour vous
    bien à vous

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