Princesse Mononoké avait tort : l’équilibre du monde ne devait rien au Dieu Cerf mais à Kobe Bryant. Tout s’est très vite enchaîné après sa disparition : un type a goûté un pangolin, le VIP Room a mis la clé sous la porte (pardon, ça c’est une bonne nouvelle), Squeezie a été nommé révélation francophone de l’année aux NRJ Music Awards et les boites de 20 nuggets à 6€ ont disparu du Mcdo’ République sur Uber Eats m’obligeant à commander des Royal Cheese. Ah oui, et Kid Cudi a sorti un nouvel album, « Man on the moon 3 », dont il est question ci-dessous. Enfin, pas vraiment. Disons que c’est plus compliqué que ça.

– « Il t’a pas raté ce Toby… Allez, c’est l’heure de l’apéro ! »

Sérieux ? A jeun, à 10h du tam’ ? Juste avant mon opération ?  On est en France ou au Kosovo ? Je n’étais franchement pas familier avec le jargon infirmier. Il me signalait juste avoir mis de la morphine dans ma perfusion, mais ça je ne le comprendrai qu’une fois couché sur le billard, quand je verrai Zack Morris, Fonzie et le Prince de Bel-Air danser le logobi au plafond. Étant un garçon très courageux, j’ai décidé de recevoir une anesthésie locorégionale et non générale. J’étais donc conscient mais je ne pouvais bouger que le haut de mon corps (un peu comme Phil Collins pendant le Still Not Dead Yet Tour). Bon ok, je suis juste beaucoup plus frileux à l’idée de finir comme Jean-Pierre Adams que d’être témoin de mon propre charcutage. L’anesthésiste était assise à côté de moi pendant l’opération, histoire de papoter et me rassurer (c’était bien évidemment dans une clinique privée, à l’hosto public on m’aurait foutu de l’ibuprofène générique en lieu et place de la morphine, avec le professeur Strauss en guise de chirurgien). Mais moi, j’étais complètement dé-fon-cé, j’entendais Morpheus me presser de choisir entre la pilule bleue et la pilule rouge. Grand fan de Keanu Reeves, j’ai choisi la rouge sans hésiter (ça ne me réussit pas de suivre son comportement, c’est d’ailleurs pour ça que je ne prends pas le risque d’adopter un chien). J’ai avalé la pilule, sans eau. Ni une ni deux, j’entendais l’anesthésiste fredonner Soundtrack 2 My Life de Kid Cudi (alors qu’à la maison elle doit écouter Jeanne Mas et Dalida, je nageais en plein délire), sans doute l’un des morceaux qui m’a le plus marqué (avec Heart Of A Lion) dans « Man on the Moon: End of Day » (G.O.O.D. Music, 2009) son tout premier album et accessoirement le premier volet de la trilogie Man on the Moon (qui est le sujet de cet article, mais comme vous avez pu le remarquer, il m’arrive de m’égarer).

Ce morceau a posé les fondations de l’univers de Kid Cudi où la douleur est au centre du processus créatif, elle qui est paradoxalement intériorisée mais criée sur tous les toits : I’ve got some issues that nobody can see / And all of these emotions are pouring out of me. Mais ça, on y reviendra plus tard. L’opération est finie, je me repose un peu, je fais pipi pour vérifier que ma vessie est toujours fonctionnelle après l’anesthésie, et je rentre chez moi.

L’effet Konbini 

Je ne sais pas encore si je dois me faire opérer. Vous avez déjà fait une IRM ? 200 balles pour qu’on vous foute dans un tube avec de la musique lounge bidon en fond sonore, genre les dernières pistes d’une compil’ Hotel Costes passées en boucle (désolé Pompougnac, en vrai j’aime bien ce que tu fais, mais t’écouter deux à trois fois par an dans l’ascenseur du BHV Marais me suffit amplement). Puis vous patientez en attendant le radiologue (ratio salaire/dégoût assez exceptionnel, le mec touche 5 chiffres par mois sans jamais voir le contenu d’une couche remplie par un senior incontinent) qui finit sa clope et vous dégueule son débriefe en 9 mots, 4 secondes : rupture-isolée-du-ligament-croisé-antérieur-du-genou-droit. Je vais donc devoir me faire opérer dans quelques semaines, super. Là, si j’étais pigiste chez Konbini, j’aurais sorti une blague du genre « j’aurais pu passer pro mais les croisés tu connais… ». Oui, ce sont ces mêmes personnes qui gueulent en soirée « SECOND POTEAU PAVAAAAARD » ou qui récitent le monologue d’Otis pensant faire rire Louise, Jeanne ou Emma alors que c’est complètement ringard depuis 2010 (depuis toujours certainement, j’étais juste trop jeune pour le constater).
J’espère que le confinement aura abrogé ce genre de comportement qui me rappelle les heures les plus sombres de l’histoire de France (je fais bien entendu allusion à la rencontre entre Nicoletta et Joey Starr). Mais étant ce que je suis, j’ai tout naturellement embrayé sur ce que je fais le mieux : cracher mon dédain dans des (hop là, une paronomase gratos pour Nekfeu) phrases interminables sur des gens que je méprise à tel point que vous ne savez toujours pas si je vais reparler de Kid Cudi d’ici la fin du papier (de toute façon vous lisez Gonzai pour le ton mi-con mi-cru, pas pour produire un quelconque effort de réflexion musicale, je pourrais très bien faire une thèse sur pourquoi il est impossible d’aimer Bob Dylan en ayant grandi en ville, mais ça intéresserait qui à part les campagnards ?). Bon ok, revenons-en à Kid Cudi. Où en étais-je ?

Kid Cudi Releases New Album 'Man On The Moon III: The Chosen': Stream -  Stereogum

Ah oui, « Man on the Moon II: The Legend of Mr Rager » (G.O.O.D. Music, 2010). Kid Cudi a déclaré que « Man on the Moon II » était plus sombre que son premier disque qui parlait de ses rêves. Celui-ci aborde sa réalité, bonne ou mauvaise. Il revient sur des sujets beaucoup plus personnels comme son addiction passée à la cocaïne, notamment sur le titre These Worries avec Mary J. Blige ou à la marijuana sur un titre du même nom, dont le clip est réalisé par Shia LaBeouf. Ces trois dernières phrases, je les ai copiées/colées de Wikipédia, vous l’aviez pas vu venir celle-là, ah-ah ! Un rédac’ Gonzai qui utilise une pirouette de journaliste Brut, c’est cocasse, non ? Je ne vais quand même pas me faire chier à dénicher des tournures léchées pour dire des banalités alors que je peux les trouver en deux clics sur internet. Je m’applique uniquement quand j’écris des conneries digressives ou que j’essaye de vous apporter une plus-value (à quoi bon me lire sinon ?). En l’occurrence, ma valeur ajoutée concernant cet album est un conseil : si vous ne l’avez pas encore écouté en entier, ne le faites pas. Vous ne ratez rien. Jetez juste une oreille à Mojo so Dope et Marijuana (et à Erase Me si vous êtes fans d’Avril Lavigne).

Le corollaire Kurt Cobain

J’avale mon tramadol (un anti-douleur assez efficace pour soulager la douleur post-opératoire également utilisé par les fêtards du Djoon, ndlr) puis je suis à vous. Hop, me revoilà. Gonzai qui parle de rap, c’est quoi ce magazine de merde, on voulait une review approfondie du dernier Rotting Christ, « Naturdemonernas Lockrop » (super titre par ailleurs). Alors déjà, je n’aime pas classer la musique par genre (ok il m’arrive de le faire, notamment quand on me demande ce que j’écoute et que je n’ai pas envie de répondre « un peu de tout » parce que ça serait mentir, et que je ne mens jamais – ou très peu). En revanche, j’aime bien mettre les artistes dans des cases en fonction de ce qu’ils écoutent. Et faut admettre que Kid Cudi est dans le haut du panier. Il suffit d’écouter sa musique et de lire ses interviews pour se rendre compte que c’est un gosse coincé dans les années où MTV passait encore Beavis & Butthead, mais qu’il a le bon goût rock des ex-lecteurs de Creem, qu’il s’y connait plus en musique électronique que les cinglés du (feu) forum d’Erol Alkan (des geeks éminemment pointus et des bibles pour tout ce qui touche à la bloghaus et à l’IDM, ce qui ne les empêchait pas de rentrer seuls chez eux après ces soirées au Social Club où ils essayaient d’impressionner toutes les nanas arborant legging fluo et Vans à carreaux en leur Shazamant de tête tous les sons du set de Brodinski), et qu’il a (évidemment) une culture hip-hop complète, allant des mixtapes les plus sombres de Nas à LL Cool J en passant par les projets les plus nuls de Jay-Z, le tout affublé d’un t-shirt Baby Milo, d’un perfecto Surface to Air et d’un jean Balmain. Pfiou, même Eminem aurait galéré à lire cette phrase d’une traite (d’ailleurs il a plié un son sympa cette année avec Cudi : The Adventures of Moon Man & Slim Shady).

Vous avez cerné le personnage ? Kid Cudi c’est un genre de Kurt Cobain latino-afro-américain, à ça près qu’il est fringué par Nigo et Pharrell, pas par Emmaüs. Enfin, il se sent comme tel mais honnêtement son projet rock « Speedin’ Bullet 2 Heaven » (Republic Records, 2015) n’arrive même pas à la cheville d’une compil’ de faces B de Nirvana – longue vie « Incesticide » (Geffen, 1992) ! Si le Kid se reconnait en Kurdt Kobain (il aimait s’orthographier ainsi) c’est parce qu’ils sont pareils : de grands enfants qui puisent leurs inspirations dans leur douleur viscérale et leurs immenses cultures musicales, sources infinies d’idées. Pas pour rien que Kid Cudi a samplé Burn the Rain de Cobain dans Cudi Montage, son tiré de « Kids See Ghosts » (G.O.O.D. Music / Def Jam, 2018) son album en duo avec Kanye West. Il a également repris Where Did You Sleep Last Night ? avec son groupe WZRD (qu’il forme avec son producteur fétiche Dot da Genius). Mais pour être tout à fait franc, la meilleure reprise que j’ai entendue de ce titre s’appelle The Pines, interprétée par la nouvelle protégée de Kanye (encore lui), 070 Shake (je l’ai vue au Trabendo, j’en suis encore sur le cul) : une prod’ qui soufflerait au mur la petite bande d’Eric Forman, des basses assourdissantes qui rendraient jaloux Modeselektor ou Ian Pooley, et une voix qui se passe de commentaires. Et à l’occasion de l’album éponyme de WZRD (Republic Records, 2012), Kid Cudi s’est fait tatouer des veines tranchées sur les poignets (à défaut de les avoir coupées lui-même, enfin il l’a peut-être déjà fait, j’en sais rien, le titre de l’article est juste une spéculation Schrödingo-tautologique pour donner envie au prospect de cliquer) : « New Tat… The old Scott is dead… slit wrists » (la description qui accompagne la photo du tatouage sur Instagram). Cudi est mort, vive Cudi. Hâte du troisième et dernier opus de Man on The Moon pour oublier ses projets rock qui battent de l’aile (même si j’applaudis le courage et l’intention).

Le grand soir

Je n’ai pas eu la chance d’écouter en avance « Man on the Moon III: The Chosen » (Republic Records, 2020), qui sort ce vendredi 11 décembre à minuit pile (je précise la date et l’heure, peut-être qu’un mec du-per tombera sur cet article dans quelques années et appréciera le repère temporel autant que cette parenthèse). Je ne sais pas si l’attaché de presse de son label me snobe, ou si Kid Cudi a juste peur que son album soit leaké sur Twitter par RebeuDeter, toujours est-il que je vais devoir attendre minuit comme la plèbe pour l’écouter. Pas de soucis, je suis hypé depuis son single THE SCOTTS (en duo avec Travis… Scott) sorti plus tôt cette année.

Ce son me donne envie de sauter dans tous les sens comme le phénomène JulienBeats, avec un airsoft dans chaque main. Tic, toc, l’heure tourne. Je vais uniquement pouvoir partager le ressenti de ma première écoute. Il sera sûrement différent dans plusieurs jours (semaines ?), mais ça, vous ne le saurez jamais. C’est l’heure. Je reprends une gorgée de Sprite puis je lance la lecture sur Spotify.

Au départ, j’avais en tête de commenter chaque titre. Mais pas envie de vous spoiler finalement, je vais juste donner mon impression générale. Notez cependant que la piste 11, Elsie’s Baby Boy (flashback) est in-cro-ya-ble. Et je ne dis pas ça souvent après une première écoute. En même temps, le beatmaker a emprunté quelques accords de House of The Rising Sun des Animals qu’il a découpés façon crunk, je ne pouvais qu’être sous le charme. Cet album est à l’image de la pochette : très professionnel. Peut-être trop ? Je préfère souvent les artistes à leurs débuts, quand ils ne savent pas tout à fait ce qu’ils font : c’est là qu’ils sont capables de secouer le cocotier. Ici, Cudi sait parfaitement ce qu’il fait. La production est clinique, les flows sont divers (il passe d’une voix gutturale genre DMX à une Drake-type voice d’un son à l’autre), les textes sont bien écrits et les thèmes abordés sont cohérents avec son univers. Serais-je déjà blasé de la musique à 25 ans ? Ah et mon genou va mieux, merci de demander.

The Kobe situation

Je récupère la balle, une feinte de tir puis je tente un layup (je ne saute pas assez haut pour dunker, même si c’est ce qu’on peut attendre d’un gaillard comme moi). Évidemment, je n’avais pas vu l’immense pivot polonais qui était sur mon chemin (je vous j-u-r-e qu’il ressemblait à Kratos, Sven l’aurait laissé rentrer au Berghain sans rouspéter). Évidemment, je lui rentre dedans. Évidemment, je retombe (s/o Newton). Aïe, j’ai mal. Des fourmis dans le genou, impossible de me lever. Bordel, pas les croisés, pas les croisés… Là, pour me rassurer (et quand on veut se rassurer on devient tout ce qu’on déteste), je me dis qu’au moins j’aurai une excuse quand on me demandera pourquoi je ne suis pas devenu basketteur pro (en réalité, je n’avais ni l’envie ni le niveau). Le Polonais a la décence de me ramener chez moi dans sa petite Fiat Punto (comment il rentre dedans ?). On reste silencieux pendant presque tout le trajet (son français bancal n’aidant pas), et à deux rues de chez moi je reçois une notif’ sur mon iPhone : « [TMZ] Kobe Bryant dies in helicopter crash ». C’est pas vrai, putain. Toutes ces fois où j’ai gueulé son prénom avant de jeter une boulette de papier à la poubelle… J’allume la radio, espérant le JT de Marion l’Hour pour en savoir plus sur les circonstances du drame, mais j’avais oublié que le monde n’était pas uniquement fait de gens censés qui ont réglé France Inter comme fréquence par défaut. Ok, va pour Skyrock, Rap & RnB Non Stop. Ils passent Day ’N’ Nite, le son qui a fait de Kid Cudi une star, et single phare du premier « Man on the Moon ». Juste avant de descendre, le Polak m’interpelle :

– Dino, whose music is this ?
– It’s rap music Toby.
– Whose rap is this ?
– It’s Cudi’s.
– Who’s Cudi ?
– Cudi’s dead Toby, Cudi’s dead.

4 commentaires

  1. C’est une hérésie à lire, mais le style est là et au moins c’est pas courant. Sinon Elsie’s Baby Boy (flashback) fait référence à la société de Publication qui s’occupe de lui depuis le début, c’est marqué dans les crédits des pochettes de ses albums. C’est sur que là, avec la magnifique abstraction de la dématérialisation, nous avons rien de cela sur les plateformes de streaming, merci la transparence. J’espère une sortie physique. L’album doit être aussi découpé par Act, mais idem, rien à foutre les plateformes … et là, Rockstar Knights, j’aime bcq Kid Cudi, mais là, c’est comme l’article, ça devient une hérésie et vivement la fin du disque. Trop de bordel dans sa tête, je retourne dans la tête de Richard Devine. AMEN

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