Avait-il raison ? Un jour, un ancien rock critic devenu employé à la médiathèque à Nice (les temps sont durs, camarades), m’a fait part de la sotte méconnaissance occidentale à l’enc

Avait-il raison ? Un jour, un ancien rock critic devenu employé à la médiathèque à Nice (les temps sont durs, camarades), m’a fait part de la sotte méconnaissance occidentale à l’encontre de la scène rock japonaise. Je voulais le croire volontiers, mais n’avait pourtant pas grand-chose pour étayer ses propos. Mis à part le garage band Thee Michelle Gun Elephant, mon inculture jaillissait par tous les pores de mon cuir chevelu fraîchement rasé…

Lorsqu’on me mit sous les yeux la programmation du festival Villette Sonique, je me suis dit qu’il serait temps, avec Nisennenmondai, de doubler la mise de mes connaissances. Sans savoir que j’allais subir un salutaire lavage d’oreilles…

Sur le communiqué de presse, quelques mots ont attiré mon attention: « en ouverture, une découverte, les trois japonaises de NISENNENMONDAI concentrent leur force de frappe autour d’une batteuse à l’approche libre et frondeuse. » Une fois évacuée la forme «communiqué de presse» reste la démarche, originale : placer dans la lumière la batterie, sommet oublié du triangle, ou losange, ou autre formation musicale polygonale habituellement composée.

Primauté aux percussions ! Ces jeunes femmes, qui se sont rencontrées alors qu’elles bachotaient à l’Université de Tokyo sont là pour rappeler que sans ces quelques fous (et folles) tabassant leurs fûts et cymbales, les gratteurs de cordes, chanteurs et autres mécréants claviéristes pourraient diluer leur frustration sur des micros et des guitares en plastique reliés à des consoles de jeux…

Pour tout vous dire, j’ai aimé ce groupe avant de l’écouter… Primo : je fais confiance aux japonais parce qu’ils ont inventé les jeux vidéo, les sushis. Ils ont toujours su se démerder tout seul et donnent le tempo de ce que sera demain. Alors pensez, en musique…

Secundo : un paquet de femmes ont le rock dans le sang sans le savoir… mais quand elles le savent… Et former un groupe de gonzesses demande un certain courage, dans un univers rock machiste au possible : ça vaut tous les communiqués je-tire-des-obus-en-mousse des Ni Putes Ni Soumises !

Toutefois, un petit doute persiste avant de cliquer sur les liens qui me mèneront à la découverte des Myspace et autres vidéos Youtube : le procédé peut être relativement casse-gueule si le pilier-percussion n’assure pas. Après quelques minutes de tâtonnement et de bidouillage sur la Toile, arrive le verdict…

Mais que vois-je, qu’entends-je ? Une gratte… Une basse… Et UNE BATTERIE ! Et bon dieu, quel organe, quel fracassage de membranes ! Quelques accords bien assénes puis poussés à saturation (de canaux auditifs) par Yuri et Masako, et la culture in machina de la répétition imprimée par Sayaka. Tout ça flore bon le rock atmosphérique. Et Neu ! Et Jaki Liebezeit, le batteur de Can ! A l’écoute du trio tokyoïte, il semble évident qu’un tunnel de 9000 kilomètres a été creusé, entre l’Allemagne et le pays du Soleil Levant. Mais le tout sonne plus électrique… Alors bon ! Ouais ! J’en perds mes mots… Asimov a crû que les machines allaient prendre le pouvoir mais force est de constater qu’il s’est gouré, le pépère. Les rouages et autres programmateurs séquentiels ne remplacent pas l’intention de jouer, cette spontanéité. La fibre humaine est sacrée! Sus aux algorithmes !

Dans le cas présent, le terme « batteuse » est une nouvelle fois une ingrate appellation. «Allumeuse» revêt un caractère misogyne prononcé et c’est bien dommage, car il aurait été adéquat de l’employer (comprenez, on n’est jamais à l’abri d’un communiqué des Ni putes, ni soumises). Allumer sa batterie, lui faire prendre feu, l’animer et lui donner vie… Nisennenmondai ressuscite la beauté d’un rôle ingrat, rappelle que nous devrions retourner faire quelques ave et pater devant les tombes de drums heroes comme Keith Moon, John Bonham ou Max Roach pour le jazz ou de faire un gros câlin à ceux qui restent dans ce bas-monde.

Nisennenmondai : voulez-vous savoir ce que ça veut dire ? Personnellement, je n’en sais rien et je m’en fous pas mal. Ma définition perso : ça veut juste dire RETOUR A L’ETAT DE NATURE! Pas celui de Rousseau, plutôt celui des oreilles. Il me tarde de rencontrer ces demoiselles.

Vendredi 29 mai, 19H30, à la Grande Halle de la Villette. Avec LIQUID LIQUID et GOBLIN.

www.myspace.com/nisennenmondai

 

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