En ouvrant Rock & Folk avant la fin du vingtième siècle, la dérive des (in)continents n’était pas encore palpable. Est-ce le sentiment nostalgique de mon adolescence difficile (acné, problème de drague, incapacité à danser correctement plus de trois minutes), mais toujours est-il que je dépeçai frénétiquement tout le canard. Plusieurs fois d’affilée d’ailleurs, pour marquer au fer rouge les références, ces lignes que j’imprimais difficilement sur des artistes qui ont depuis réalisé trois come-back, deux overdoses, un cancer peut-être, dans le meilleur des cas.
A cette époque, la rubrique Garageland de Nicolas Ungemuth n’existait surement pas, ou alors du moins je ne la lisais guère. Vieilleries et breloques, merci, c’était déjà assez compliqué de comprendre le père Eudeline et ses sémaphores sur l’accord à la quinte et ce chalet du Lac perdu dans les Hautes-Alpes. Dix ans plus tard, l’acné réglée et les baby-rockers enfin concernés par de vrais problèmes existentiels (leurs mutuelles, une carrière et des études… quelqu’un vous a-t-il dit que les Naasts c’était bel et bien FINI ?), la rubrique de Nicolas Ungemuth m’apparaît plus véritable, nécessaire, alors même qu’elle se situe encore en queue de maquette, après la promo, les interviews et la poignée de mains attaché de presse/journaliste. A l’intérieur de ce même journal, une différence nette s’opère aujourd’hui entre les seconds couteaux (formule taille-crayon) et les fins limiers (ceux qui taillent les costards), les pages se feuillettent dorénavant quatre par quatre, comme chez le coiffeur. Faut-il s’en offusquer ? Le sujet est devenu, comme « pour ou contre le Their satanic majesties des Stones, un débat qui anime les discussions franciliennes.
Nicolas Ungemuth, bien évidemment, reste du bon côté de la frontière. Il vient même de publier un recueil de ses articles parus dans le mensuel. Un livre au titre simple couvrant un style musical que je peine encore à comprendre, étalé que sur quatre petites années, 1964-1968. Si le mot « garage » peine à être résumé (comment englober dans un même sac Donovan, les Kinks et les Trashmen ?), il vaut ceci dit son pesant d’or, une fois comparé à ce que serait l’analyse musicale d’une période contemporaine (2004-2008 ? 1994-1998 ? N’essayez même pas). Une fois passé la préface (écrite par Andrew Loog Oldham, aussi incontournable que Pigalle en 1946), Ung’ le vieil ourson livre deux clefs fondamentales à ses détracteurs, balayant d’un revers de manche le concept de journaliste (« plutôt critique ») et de l’autre celui de rétro-nostalgique tout au plus capable de lustrer des pochettes vinyles de l’époque à maman. « Les époques défilent mais ne se valent pas ». C’est un peu de démagogie jetée sur le feu, mais en réécoutant certains des groupes égrenés au long des 174 pages de Garageland, on est bien forcé d’admettre que l’architecture naïve de morceaux tels que Dreamworld de The End ou My friend Jack de The Smoke dépasse de loin le CAP en mélodie de certains groupes actuels. L’introduction du livre arrive à son terme ; la messe semble déjà dite.
Contrairement au style Garnier, le sable ne tombe pas de chaque page écrite par Nicolas Ungemuth. Apreté du style, rigueur du propos, la lettrine s’efface devant le poids des références, anecdotes, expériences accumulées au fil des années passées à écouter ou cracher sur les mythes. La sobriété du propos, Ungemuth la contraste avec des fulgurances ; derrière le point se cache souvent un éclair sur tel ou tel, c’est même l’une des forces de ce testament. Les Seeds : « des Doors sans ambition, des basiques, des bas-du-front mal dégrossis (…) menés par un vrai mongolien, Sky Sunlight Saxon et des musiciens particulièrement ineptes, les Seeds sortent leur premier simple en 1965 », des foudroyances d’ordre général : « chez les garagistes, l’échec est une routine, à tel point que le principe même d’injustice devient une faribole » ou de longues logorrhées sentimentales sur Dusty Springfield (« la plus grande chanteuse blanche de tous les temps »), Ungemuth n’y va jamais vraiment avec le dos de la cuillère. Qu’on partage ou non ses poings de vue, qu’on pleure du sang à lire son avis sur The Chocolate Watchband, Simon Dupree and the big sound et autres pièces (dé)montées , force est d’admettre qu’un avis de passionné vaut toujours mieux que trois d’experts.
Façon de tourner la page, acte d’amour ou bras d’honneur aux fossoyeurs du culte… les analyses peuvent bien diverger et les inconnus s’insurger (« pourquoi mon groupe fétiche de 66 n’est-il pas dans le livre ? »), Garageland reste un livre de collection, au même titre que la discothèque idéale. Preuve qu’il compile les faits historiques d’une époque perdue, le livre est illisible autrement que dans un fauteuil club, question de format. Impossible à feuilleter dans le métro, impraticable en attendant le bus. Et je ne parle même pas des sacs à main. Un livre pour les mecs pas très bien dans leur époque attendant patiemment la prochaine guerre nucléaire pour reconstruire un bout d’insouciance.
Une fillette et son père, attendant un train. En parcourant l’album photo Myspace du vieux grognon (eh oui, on peut être intolérant, de droite et avoir un compte Myspace), on trébuche rapidement sur des clichées à découvert. Et si le vieux con n’est pas tel que l’on croit, que c’est avec ce genre de type qu’un coup de griffe équivaut souvent à une poignée de main. Garageland reste quant à un lui un beau cache-misère des temps modernes. Dispensable, mais terriblement important.
Nicolas Ungemuth // Garageland // Hoebeke
14 commentaires
Bon tout cela je m’en tape de chevet , en fait je suis tombé ce jour sur un article intitulé « Momies blues »……….ben ! cela fait quoi d’etre satisfait a ce point ,ce doit etre agreable tout de meme , ……Le Noise ….le bruit hein ! I guess you missed something in the process buddy !
get a life anyway
zeepotter