New Rose, on le sait, c’est fini. Il y a bien encore Last Call Records, label dirigé par l’un des fondateurs, Patrick Mathé, qui reprend certains classiques de New Rose (ou les Russes de Vinyl Lovers, qui font du reprint), mais New Rose, c’est bel et bien fini.
Et pourtant… L’hiver toque à ma porte. C’est pas l’hiver 54, c’est l’hiver 2003. J’habite un rez-de-chaussée, un ancien local d’infirmière, rue Notre-Dame-des-Anges, à Nancy. Ma porte et ma fenêtre coulissante donnent directement sur la rue. Le matin, le soir, on fait tourner un disque, c’est toujours le même, c’est le premier de la New Rose Story, acheté récemment, au pif, parce que beau et pas cher, lors d’un séjour à Paris. Tiens ! Ressers-moi du vin de la Craffe cuvée Vieux Caïd, j’ai soif et je pique nostalgique.
Tout est bien sur ce disque… un mystère ! Tout est différent, mais tout se tient. Le bout de carton plastifié, dans lequel se trouve le disque, fait office de flash rose, dans une pièce partagée par le blanc cassé du linoleum sur le sol, le bleu pâle des motifs du papier peint sur les murs, le brun clair des étagères et le brun foncé de l’armoire, de la porte et du lit. J’ai trois verrous, si j’ouvre la porte, je suis dans la rue.
Dans la cuisine, il y a de grands espaces de rangement, fermés par un système de portes métalliques. J’ai aussi une belle salle de bain, carrelée marron. Bon, je n’essaye pas de décrire un appartement, je réfléchis. Ça fait maintenant un certain temps que je m’attelle à l’affaire New Rose, et voilà ce à quoi je pense : dans cette belle salle de bain, il y a une grande baignoire avec un gros mitigeur cylindrique. C’est ça New Rose en fait, c’est ce mitigeur (démonté et remonté et reréglé au moins dix-huit fois, mais fonctionnel, luxueux), tout simplement.
Et d’ailleurs, New Rose a des leviers, ce sont ses compilations.
Les catalogues New Rose 82 & 83 (sous forme de disques), de Lénine à Lennon (B.O. D’une émission des Enfants du rock en Russie), Play New Rose For Me (quand New Rose reprend New Rose), Every Day Is A Holly Day (quand New Rose reprend Buddy Holly), Rock’n’Rose, La Vie En Rose, Join The Club (pour la division patrimoniale New Rose), New Rose Story (posthume), toutes ces compilations désignent le mitigeur. Ça part dans tous les sens, mais tous passent par le mitigeur. Willie Loco Alexander, Gun Club, Dead Beats, Sky Saxon, Roky Erickson, Calvin Russell, Mad Daddys, Dino Lee, Real Kids, The Saints, Alex Chilton, Joe King Carasco, ils traînent partout, mais tous viennent au mitigeur. C’est une belle rengaine de dire que c’est fini, mais qu’en fait, ça ne l’est pas. Je serais plutôt adepte de la théorie du Petit Poucet : on a cassé un bloc et on en sème les particules, c’est l’émiettement au long cours. Et puis, franchement vaut mieux parler d’idées que de description-musicale-technique, qui a fait quoi et où et avec qui et quand, et il a de grands doigts, qui jouent bien son bel instrument, ça tire au flanc. Des bons zicos, du bon matos, ça fait un bon groupos.
New Rose, il y a une unité dans les images, les pochettes, les sonorités, même si à priori, toutes ces personnes n’ont rien à voir les unes avec les autres. Si on fait ses courses, on a de fortes chances de tomber sur des sons très marqués, comme ceux de Daniel « Hélico » Boulavoine, de Michel « Agassi » Brairgé ou de France « Sucette » Gall. Ça sent la crise économique, le choix dans les promos, et le carrelage blanc mal lavé. Mais le « son » New Rose, ce n’est pas ça. Et il n’agit pas de lui opposer le tennis, les hélicoptères et les friandises, non, bien sûr, c’est aussi autant de l’histoire que de la géographie.
Hiver 2012, après pas mal de temps à essayer de « sonner » New Rose et parvenir, en fait, à plutôt savoir ce que ça n’est pas, je décide, pour m’amuser, de faire une sorte de pèlerinage, en partant du 7, rue Pierre Sarrazin, dans le sixième arrondissement de Paris (car c’est ici que débute l’aventure), pour se rendre au Kremlin-Bicêtre, 25 avenue du Général Leclerc (car c’est là-bas qu’elle finit). J’essaye de truffer le parcours de lieux symboliques, de lieux où le « son » New Rose a pu se faufiler, à l’image de ce concert de Tav Falco, au cinéma Le Champo, rue des Écoles. Mais finalement, j’abandonne cette idée de pèlerinage, la question de s’attarder sur le « son » New Rose et de l’imaginer me semble plus intéressante. Je fais juste une petite expédition en bus (il pleut, il fait froid et je ne veux pas d’une après-midi Buvons sous la pluie…), Gare de l’Est – Kremlin-Bicêtre – Gare de l’Est, histoire de voir à quoi ressemble leur endroit d’extinction. Aujourd’hui, c’est un local des Belles Lettres. Pour les trajets, on reste dans le même ton, c’est le rose du bus 47.
On pourrait se perdre dans la forêt des test-pressings, des machins memorabilias pour vétérans, mais le « son » New Rose vaut mieux que ça. Pour l’Hexagone, si Eddy, Johnny et Dick sont connus pour avoir rêvé le rêve américain, lui, le « son » New rose, c’est son accomplissement.
5 commentaires
Quand je lis votre texte, j’ai l’impression de n’avoir pas complètement prêché dans le désert. Merci.
Patrick Mathé
bonjour, retour en arriere sur le concert de The Cramps que vous avez à priori organisé à Bobino le 6 juin 1981. En première partie jouait le groupe Modern Guy. Vous reste-t’il des documents d’époque mentionnant ce concert (Flyer, Affiche, Billet…). Merci de votre reponse.
cela a dû être un concert génial ! non seulement je trouvais modern guy très bons, mais les cramps vus à lyon à la même époque m’avaient impressionné: merci pour vos rubriques. entre 1977 et 82, quasi tous les 1ers albums des groupes qui sortaient (dans le desordre : cure, joy division, gang of four, stranglers, wire, pil, psychedlic furs, stray cats, pretenders, clash, pistols,,the jam, stiff little fingers, the ruts..) etaient bons, putain de bons !.
_____________________________neat_______________neat________________________neat____________________________________