Échaudés par le succès tout confidentiel de leur « Tabou » sorti l’année dernière, les rois mages gominés redonnent des signes de vie avec un EP de reprises de chansons françaises qui s’il ne tordra pas le cou aux mauvaises langues (sic), permettra au moins de prouver que nulle besoin de regarder vers l’Amérique pour trouver la bonne étoile du Berger, comme dirait Sheila.

En l’espace de trois hivers, Jean Felzine et ses deux copains ont senti le vent tourner. Entre la sortie d’ « A71 » en 2009 et celle de « Tabou » l’année dernière, les rockeurs de Clermont-Ferrand ont senti passer le courant d’air dans le pantalon et une partie de la même presse qui les avait encensé à leurs débuts lentement se défausser lorsque le trio, fatigué de jouer aux Dick Rivers du pauvre sur des photo presse vintage tentant le bon compromis entre Gene Vincent et Elvis, décida d’opter pour la chanson française plutôt que de tourner en rond pour trois clampins tout de cuir vêtus.
Pour la faire courte, Mustang se retrouva fort dépourvu lorsque l’hiver de la hype fut venu. Après avoir été annoncés – peut-être à tort, peut-être trop tôt –  comme des messies au pays de Johnny, voilà que nos martyrs allaient devoir s’engager pour une traversée du désert après le silence taiseux qui entoura « Tabou », disque de faux compromis un peu bancal certes, où l’on trouvait au moins une chanson – Restons amants – comme Matthieu Chedid et autres apôtres de la variété n’en écriront jamais. Pour se la jouer mécano du dimanche, il eut été tentant d’écrire que Mustang avait le moteur grippé depuis que le conglomérat rock avait décidé de laisser leurs chansons devant la portière. L’histoire du rock français est injuste mais c’est ainsi. Encore qu’il faudrait un jour s’entendre sur la boite à gants où ranger Mustang, groupe à cheval entre la marque du même nom et les berlines françaises où se diffusait jadis la Variété française qui ne faisait pas encore rougir tout ce que Paris compte désormais de cyniques à l’affut du bon goût breveté. La critique fonctionne aussi avec ceux à qui Lescop donne envie de vomir; coup de bol Mustang assurait voilà quelques mois une incroyable reprise de La Forêt – étonnamment absente de l’EP – à vous donner envie de fabriquer des moulins à eau comme dans la pub Herta.

Ignoré par les puristes, délaissé par les autres, l’EP « Mustang reprend » a donc le doux parfum de la revanche. En l’espace de six reprises, les trois font un clin d’œil appuyé à la chanson française en ressortant des placards des titres jugés ringards ou désuets comme le J’aime regarder les filles de Patrick Coutin, le Je me suis fait tout petit de Brassens ou le Chez les Yéyés de Gainsbourg – déjà sorti voilà trois ans sur un EP japonais. Force est de reconnaitre que le tout s’écoute sans ciller, prouvant d’une part que lesdits titres n’avaient dès le départ rien de ringard, puis que Mustang n’est pas une copie clownesque de Dany Brillantine, puis enfin que même un sommet comme La nuit je mens de Bashung[1] devient entre leurs mains quelque chose d’autre, de subtil et de fin, qui marque un ultime bras d’honneur aux monolithes de la chanson française qu’on ne saurait reprendre.
On ne va pas non plus en faire des caisses sur le prosélytisme ; ceux qui considèrent Mustang comme trop mainstream ou trop cliché ne trouveront pas ici les arguments à même de les faire trembler sur leurs chaises en plastique. Il faudrait néanmoins en finir avec ce cynisme de bon aloi qui permet au premier troufion d’émettre un ricanement dès lors qu’un groupe français s’avère ambitieux sans avoir à pasticher l’école anglo-saxonne dans un jargon directement sorti du Wall Street Institute.
Ce qu’on oublie souvent, à l’heure de l’instantanément disponible offert par Internet, c’est qu’une carrière de musicien se construit sur la longueur et qu’il faut parfois, pour paraphraser Pascal Sevran, laisser la chance aux chansons. Et comme les chiens aboient lorsque la caravane passe, on est tenté de conseiller à Mustang d’écraser ses détracteurs, voire de repasser deux fois dessus pour imprimer sa marque de pneus. Parce qu’il est là l’ultime french paradoxe: du Chrysler Rose de Dashiell Hedayat (1971) à Mustang aujourd’hui, ces Français ont rêvé de bagnoles qu’ils ne pouvaient s’offrir et ont composé des chansons à la place.  Si j’ai comme un doute sur le fait qu’Arnaud Montebourg puisse sauver l’industrie française avec du Jean Felzine chantant dans les haut-parleurs de la CGT, reste que cet EP permet de faire taire les redresseurs de tort contre-productifs. Il faut parfois claquer le beignet de ses compatriotes pour imposer un rock en Français dans le texte.

Mustang // EP Mustang reprend // Vinyle dispo
http://www.legroupemustang.com/


[1] Initialement prévue pour être rajoutée au tracklisting de « Tabou », la reprise de Bashung avait finalement été écartée, voire disons le censurée, par un programmateur alors en vogue alors chez Radio France. De quoi confirmer la revanche qui flotte sur cet EP…

9 commentaires

  1. Précision : le Bashung ne devait pas figurer sur Tabou mais sur l’album tribute. Ne t’en fais pas trop pour nous, on a beaucoup plus tourné avec Tabou que sur A71. On est là pour longtemps, cordialement J

  2. Et ben perso je dois dire que ça ne m’en a jamais touché une pour faire bouger l’autre et je trouve gonflé que sous pretexte que l’on n’aime pas ce groupe on soit taxé de puriste comme si on avait une maladie. Pas de retour de hype qui soit en ce qui me concerne, je reste toujours circonspect. Je crois simplement que le groupe assume son côtė variét (tant mieux pour eux) qui me laisse de marbre.
    Ps: la reprise de Brassens, désolé mais il faut arrêter les frais ou faire les premières partie d’olivia Ruiz.

  3. Non j’ai toujours cet avis sur ce groupe ( tu le sais bien) et ce n’est pas faute d’avoir essayé. Là j’ai refait l’effort… Je suis bien conscient que ce groupe vit un retour de hype aussi ridicule que l’emballement autour du premier album mais l’argument du purisme pff je commence à en avoir ras la hotte comme disait le père noël.
    Je ne crois pas me tromper en disant que ce groupe assume totalement son grand écart entre la chanson populaire française et les sonics ou les stooges. Bien leur en fasse. Maintenant pour moi la mayonnaise reste bien trop gorgée d’huile et la prod lisse comme un cul. Pour moi cet album de reprises c’est un peu comme un carnet de reprises pour aller faire des duos à taratata, ce n’est juste pas mon truc. Cela étant je souhaite au groupe de vendre des wagons de ticket de concerts et d’albums, mieux vaut eux que d’autres, ils me sont humainement sympathiques.

  4. Merci pour l’article !
    La réverb sur le chanteur est limite putassière sur certains titres, mais c’est vrai qu’il y a toujours un petit quelque chose intéressant dans cette musique.
    Un entre deux qui rafraîchit : mainstream mais pas trop, distancié mais pas trop, dandy mais pas trop…
    Ça pourrait faire du Taratata, mais pas trop, finalement, parce qu’il y a toujours ce petit truc un peu râpeux qui sort du cadre.
    Un vrai travail d’équilibriste.

  5. Hype ou pas, je m’en tamponne le spaghetti (et croyez moi, la chose n’est pas aisée et demande une certaine dextérité). J’aime ce groupe, sa musique. Pourquoi? A vrai dire je n’en sais rien, si ce n’est qu’il me procure des émotions lorsque je pose un de ses disques sur ma platine. De belles émotions. J’ai les deux LP et le EP « reprises » en vinyle, et je surkiffe. Alors la hype peut faire ce qu’elle fait le mieux (c’est-à-dire brûler à chair vive ceux qu’elle a encensé la veille), je résisterai jusqu’à la fin.

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