Le 11 décembre 1979 sortait le troisième album du Clash, le séminal/sémillant London Calling. Avec sa pochette inspirée du premier album d’Elvis, parfois surnommé The Last Testament, il devait être le dernier disque rock de l’histoire, le genre qui exploserait 25 ans d’histoire musicale. Ben ouais, mais ça ne s’est pas passé exactement comme ça…
« La musique est tout ce que l’on écoute avec l’intention d’écouter de la musique. » (Luciano Bério)
Pour bien avoir à l’esprit le mood 1979, commençons par résumer les faits: Année usuelle pour le « monde libre » (vous savez… ce monde bipolaire qui n’est pas encore nord-sud, mais plutôt est-ouest, genre socialisme VS libéralisme), en France, on commence à sa gausser des cadeaux reçus par la Présidence de la République qui n’arrivent pas tous au musée (Giscard et l’affaire des diamants de Bokassa,en 1981). Côté nucléaire, l’incident américain aux radiations multiples de Three Mile Island, au Vietnam, les boat people qui fuient le régime communiste par n’importe quel moyen flottant, même le plus aléatoire ; l’assassinat de Lord Mountbatten par l’Ira en Angleterre, la victoire des Sandinistes au Nicaragua, les Russes qui envahissent l’Afghanistan et les massacres de population par les Khmers rouges au Cambodge. Une année comme une autre quoi, durant laquelle sort le chef d’œuvre F.F. Coppola Apocalypse Now, comme par un fait exprès !
Pendant ce temps-là, notre bande des quatre londoniennes, forte de deux albums puissants (The Clash et Giv’Them enough Rope), de tournées qui se multiplient, en particulier aux USA, se sent à l’étroit dans le punk qui se pose en arbitre des choses à ne pas faire. Réaction du Clash : qu’ils aillent se faire mettre! Comment un tel mouvement peut-il se targuer d’arbitrer quoi que ce soit ? Et de se mettre à répéter comme des furieux au studio Vanilla pour composer et arranger 23 titres. Notons que la version est disponible sur l’album commémo des 25 ans, au triple du prix de celui-ci, mais non mixée avec 4 inédits : Heart and Mind, Where You Gonna Go (Soweto), Lonesome Me, l’instrumental Walking the Slidewalk, The Man in Me de Dylan). Trois mois de travail à répéter, composer, enregistrer et tourner pour convaincre CBS de sortir un double album à prix réduit.
Nommé dès sa sortie « plus grand album de rock des années 80 », on rappelle qu’il sort le onze décembre 1979, ce que le groupe n’aura de cesse de spécifier, en vain. Un Clash qui décide de cracher toutes ses influences et de composer sans limites, progressant en jeu et en composition au fil des mois de travail.
Simonon, bassiste moyen, devenant un bon au fil des répétitions, allant jusqu’à composer et chanter Guns of Brixton, quand le batteur Topper Headon, lâche enfin le binaire pour affiner son jeu, l’assortir de percussions et assurer des parties de piano. L’ouverture, sur fond de crise mondiale est vue de Londres, par des Londoniens engagés à gauche et qui n’en finissent plus de se poser des questions sur le présent de ce qu’ils voient, vivent et ressentent. Et l’urgence vue de la Cité fait frémir (cf. titre) entre alerte nucléaire, zombies, retour de l’âge de glace. Comment lutter ? Symboliquement, comme d’hab ! En faisant chauffer les guitares de toutes les manière connues : du folk à la country ; du jazz au ska, en passant par le rockabilly et le reggae, en essayant aussi de dépasser les clichés rebelles à la mie de pain du Vince Taylor de Brand New Cadillac ou Stagger Lee avec son mythe du mac (Wrong ‘Em Boyo) qui fera ensuite les beaux jours du rap … L’autre direction, pour évacuer le mythe fondateur d’Elvis en rose et vert, est d’actualiser les thèmes de révolte façon Orwell sur Spanish Bombs, de mixer (c’est osé – ils seront les seuls à le faire avant Police) rock-reggae, Rudie Can’t Fail, Lover’s Rock, de parler d’effroi ressenti à tout âge face à la consommation forcée et ce qu’elle provoque d’échecs programmés : Lost in the Supermarket, The Card Cheat, Working for the Clampdown… A partir de là, ce sera l’incitation, sans relâche, à la révolte ; juste pour se sentir vivant I’m not Down, Revolution Rock.
Sûr qu’avec toutes ces préoccupations affichées au compteur, les punks se sont sentis trahis. Mais en ratant leur coup (enterrer définitivement le rock à la papa), Clash accouche tout de même d’un classique, un exercice d’équilibrisme cuivré et revigorant.
Et à ce propos, vous en connaissez beaucoup vous, des albums qui donnent lieu, six lustres plus tard, à un recueil de nouvelles noires qui passent par les dix neuf stations/titres de l’album ? La réponse est bien évidemment non. Je vous conseille donc le London Calling (19 nouvelles noires) dirigé par Jean-Noël Levavasseur chez Buchet-Chaste. Beaucoup de connaissances de la planète rock s’y croisent (Mikaïloff, Manet, Férey, Bocquet, Pouy, etc.) et balancent leur vision décillée/desalée d’un monde rock d’après, de trente ans après. Quelle putain de gueule de bois quand même.
14 commentaires
Hé les cocos,
s’agit pas réécrire l’histoire : faites-le sans moi, mais de dire que le fusion rock-reggae de Clash est la première qui compte et, à ce titre indiscutable. Le reste c’est du pipeau, allez trainer sur les sites des magazines anglais de l’époque, ou lisez John Savage, c’est assez bien documenté… C’est ça le détail qui compte 🙂
désolé mec mais c’est comme de dire que les Beatles ont inventé la pop music, c’est con et caricatural
J’ai effectivement inventé la pop music.
Cet article a surtout un côté « le rock’n’roll pour les nuls » qui n’a pas forcément sa place sur cet humble webzine…
Chiche Rigolaut, tu l’aurais écris comment, toi qui n’est pas télespectateur de la chaîne à péage 🙂