Gerard LOVE

Vous vous sentez perdu parmi les plus de 60 000 titres mis en ligne chaque jour sur Spotify ? Nous aussi. Mais on a quand même pris le temps d’en écouter certains et voici ce qui a retenu notre attention ce mois-ci.

Penny Arcade – Backwater Collage

Mood : Pendant ce temps, les supporters d’United avalent leur ration d’antidépresseurs.

Il y a quelques jours, un site de pari sportif publiait une vidéo hilarante mettant en scène des anciennes légendes du club de Tottenham se prétendant fan de Manchester City. Il faut savoir que les deux clubs allaient s’affronter et qu’une victoire des Mancuniens leur offrirait quasiment le titre de champion d’Angleterre aux dépens d’Arsenal, ennemi juré du nord de Londres de Tottenham. Dans cette vidéo, on voyait notamment Glenn Hoddle camper un fan de City fou des Smiths dans son appartement recouvert de poster de Joy Division ou des Happy Mondays. Plus loin, Teddy Sheringham proposait une imitation de Liam Gallagher en dégaine de parka monkey vraiment très marrante avec références aux chansons d’Oasis et accent du nord à couper au couteau. Les Anglais sont imbattables en matière de pop. Elle imprègne leur culture. Ils ont ça dans le sang. Ils sont à des années lumières de nous, Français. James Hoare baigne là-dedans depuis toujours visiblement.

Chronique album : Penny Arcade - Backwater Collage - Sound Of Violence

Membre de Proper Ornaments, Ultimate Painting ou Veronica Falls – soit une kyrielle de groupes passionnants des années 2010 qui n’ont pas eu la reconnaissance méritée quand on voit tout le foin autour de l’épuisant revival post-punk – il sort son premier album en solo sous le nom de Pennny Arcade. Il n’y a que les Britanniques pour sortir des disques comme ça. Sa pop est douce, raffinée, boisée, flegmatique et les compositions de très haut niveau avec une richesse instrumentale discrète mais omniprésente. Dear John, Jona ou Don’t Cry No Tears, c’est du cousu main, c’est magnifique. La conclusion One More est un condensé d’art anglais de la pop avec ses élans renvoyant aux Beatles et un solo de guitare qui rappelle Oasis. J’avais déjà ressenti ça dans Proper Ornaments, je suis sûr qu’il est fan de ce groupe un peu ringardisé aujourd’hui. Pour info, Tottenham a perdu 0-2 sans combattre offrant probablement le titre aux Citizens. Emmanuel JEAN

Justice – Hyperdrama 

Mood : pour se changer les idées entre deux traces dans les chiottes de Chez Jeannette.

Longtemps je me suis couché de bonne heure et j’ai eu un gros problème avec Justice. Pour dire les choses, les deux têtes à claques du groupe ne m’inspiraient aucune sympathie : depuis leurs débuts il y a presque vingt ans, le duo parisien a pu donner l’impression de copier Daft Punk en proposant des titres électroniques variés mais peu inspirés. Comme ils étaient placés sous la coupe de l’incontournable Pedro Winter, la formule qui avait fonctionné une première fois avec les Daft semblait être reproduite afin de propulser le groupe sur la même trajectoire de réussite : leur image rétrofuturiste était appuyée de visuels marquants et de symboles lourdingues comme la croix qui a donné son titre à leur premier album « Cross ».

L’irritant et multi-diffusé D.A.N.C.E composé de samples de titres de Michael Jackson et interprétée par une chorale m’a semblé être une tentative de rééditer le succès de la rengaine enfantine Around the World. Et on peut dire qu’ils ont réussi leur coup. Il m’arrivait à une époque de tomber sur Gaspard Augé à Jules Joffrin – le grand couillon du duo – et j’avais envie de lui foutre des bouffes, de lui enfiler son jean slim sur la tête. Sa coupe de douille et ses lunettes à monture en métal tout droit sortie des années 80 me donnait l’impression que François Damiens s’était déguisé en l’un des frères Jourdain pour piéger les hipsters du quartier, comme on les appelait en ce temps-là, en les filmant à leur insu.
Cette période musicale, dont Justice était le fer de lance, n’a rétrospectivement pas laissé de grands souvenirs. L’enthousiasme forcé et l’esprit de fête permanent autour du label Ed Banger donnait une touche artificielle à l’ensemble du projet en dépit du talent et de la réussite de Winter. Et je me demande si Pedro Winter, grand fan de pop culture et de Metallica, n’a pas fortement suggéré le nom du groupe à ses petits soumis en s’inspirant d’«… And Justice for All », l’album sans basse des Californiens, dont il s’est fait tatouer le nom sur le bras comme j’ai pu le constater en le croisant aux Abbesses cette fois, me confirmant que Montmartre et ses alentours étaient le zoo humain qui manquait au IIIème millénaire.

Le duo électronique Justice nous embarque avec "Hyperdrama" dans un grand  huit musical aussi fou que maîtrisé

Mal m’en a pris de les comparer aux Daft puisqu’ils ont tracé une voie inverse à celle de leurs modèles. En 2016, j’avais écouté leur album « Woman » sur la foi d’une critique laudatrice parue sur Gonzaï ce qui m’avait surpris car c’est un site de poseurs casse-bonbons et de mauvaise foi. Le titre du disque m’avait laissé circonspect et je me disais qu’ils avaient bien de la chance d’avoir été connu grâce à la musique afin de pouvoir tringler des nanas et leur rendre ensuite hommage par ce biais. Ils auraient pu finir dans l’informatique. Et le résultat allait m’étonner comme dirait l’autre, car l’ensemble était remarquable, structurés autour de mélodies et d’arrangements mémorables. Des pop songs synthétiques parfaites : l’inusable Randy m’avait durablement marqué tout comme Love S.O.S.

Leur dernier né, « Hyperdrama », est tout aussi bon : les titres s’enchaînent sans coup de mou, donnant envie de réécouter l’ensemble une fois la dernière piste achevée, The End. L’intro de cette dernière est d’ailleurs samplée sur le Tribal Dance de 2 Unlimited, vous l’aurez lu ici et nulle part ailleurs, et j’espère que cette information capitale vous donnera l’envie de ressortir vos CDs de La Bouche et Masterboy. Pourtant, ça n’était pas gagné : dans le numéro de Libération en date du 26 avril dernier, les membres de Justice se targuaient d’avoir rencontré tous les intervenants de l’album (sauf Connan Mockasin qui semble vivre reclus à l’autre bout du monde). Il paraît tellement évident que la conception d’un titre ne puisse se faire via Teams ou Zoom que cette anecdote en dit long sur la tendance actuelle d’envisager les featurings et la genèse de disques qui ne sont que des produits industriels comme les autres.

Il y a un paquet de morceaux mémorables sur « Hyperdrama » qui sont déjà des classiques comme Afterimage, One Night/All Night, Mannequin Love, Dear Alan (hommage à Braxe ? Ou Wilder ?) rendant cet album aussi incontournable que le « 33 Tours Et Puis S’en Vont », le chef-d’œuvre de Laurent Garnier paru l’an dernier à la même époque. Ces sorties sont les bienvenues, ce ne sont pas les disques sans âme de Zaho de Sagazan ou Juliette Darmanin qui permettront de donner un peu de souffle à cette période exsangue sur le plan créatif.Si le talent des Daft s’est rapidement éteint après deux albums géniaux et révolutionnaires, Justice parcourt le chemin inverse : ils captent l’esprit de l’époque en combinant insouciance et nostalgie. Et si Gaspard Augé nous lit, j’aimerais qu’il sache combien j’aime ses lunettes et le fait que son comparse et lui se tapent autant de meufs. Ils le méritent tellement.
Romain FLON

Oisin Leech – Cold Sea

Mood : Love Me Do.

Voilà ce qui m’est arrivé cette semaine. Je me retrouve à fouiller dans des bacs à disques dans un dépôt. C’est surtout par curiosité que par nécessité : je ne me retrouve plus dans cette posture de collectionneur de disques sorti tout droit de *Juke Box* magazine. Je trouve cela triste, coupé du temps présent ; je n’ai plus de place, je ne les écoute jamais : bref, ça sent le formol. De plus, j’écoute principalement la musique sur mon téléphone et une enceinte connectée. Au-delà de l’objet de décoration, c’est le côté chasse et prédateur que je retiens ; l’effet surprise. Et au niveau ascenseur émotionnel, ce jour, dans ce dépôt, je suis plus que servi. Mes mains fouillent donc mollement au fond d’une caisse en bois remplie de 45 tours poussiéreux. Je ne sais même pas pourquoi car je n’aime pas ce format. Et au milieu de Léo Ferré, de disques de tango et autres « Ouragan » par Stéphanie de Monaco, je tombe sur un 45 tours usé des Beatles. Pochette tristounette en noir et blanc, pas leur meilleur morceau (Please Mr. Postman), je retourne le disque pour voir la date et l’éventuelle provenance. Quand soudain, je lis un message au verso du disque, semblant être écrit à l’encre noire, d’une écriture manuscrite tremblante :

« Welcome to the Fan Club! Hope our efforts continue to please you. Thanks for the fab way you’ve treated us since the beginning of 1963. » Et dessous, le message est signé en noir par « Paul McCartney, John Lennon, George Harrison, Ringo Starr ».

Holy shit ! Mon cœur s’accélère, j’ai des sueurs froides : je viens enfin d’être récompensé, je viens de tomber sur un disque signé par les quatre Beatles. Ce disque a été distribué seulement « pour le Beatle Club France » en 1963. Je récupère ce disque, et rentre chez moi. J’ai l’impression d’avoir un trésor dans mon sac, que tout le monde le sait, je suis parano, j’ai les mains moites, je suis pris de vertige. Je me dis qu’il faut faire expertiser le disque, mais genre un truc à Londres. Là, on passe dans une autre dimension, ce n’est plus un vide-grenier, c’est une maison aux enchères. J’imagine une vente aux enchères avec des donneurs d’ordre au téléphone qui font monter le prix pour des acheteurs internationaux et anonymes. Je m’imagine rentrer au concessionnaire Porsche afin d’essayer un modèle. Peut-être même que s’il me restait un peu d’argent je pourrais m’acheter une gourmette avec mon prénom sur la plaque. Ne vous moquez pas, j’ai toujours rêvé d’en avoir une et ça va revenir à la mode. C’est une question de temps. Tout d’un coup, je deviens de droite, je comprends enfin ce truc.

Bon, spoiler : évidemment, c’était un message imprimé, ce disque ne vaut rien du tout. J’ai fait des recherches sur Discogs et des blogs de fans des Beatles. Voilà. Déception puissance 10 et vague sentiment de honte. Adieu la Porsche, adieu la gourmette. Pour me déculpabiliser, je raconte cette histoire autour de moi et tout le monde se fout gentiment de ma gueule.

Mais au final, ce qui reste de cela, c’est l’expérience de l’ascenseur émotionnel. Le sentiment, l’espace d’un instant, que tu détiens un trésor, le karma, un signe de Dieu, une récompense divine pour tous ces moments où tes mains se sont salies à fouiller des disques vinyles minables de Michel Sardou et autres Neil Diamond. Hormis le fait que depuis ce jour je déteste les Beatles, je noie mon chagrin en écoutant ce merveilleux disque de Oisin Leech. Mais je n’achèterai pas ce disque en vinyle. Je ne veux plus toucher ces merdes. Gérard LOVE

Jessica Pratt – Here In The Pitch

Mood : blue velvet.

C’est fou de voir l’impact qu’a pu avoir David Lynch sur l’ensemble de la culture de ces 25 dernières années. Je ne vois pas d’autres exemples de réalisateurs dont le nom a généré un adjectif. Le fameux « Lynchien » : soit cette ambiance onirique peuplée de pin-up hollywoodiennes sur fond de tragédie et d’influence de années 50 et 60 dans la version dark du rêve américain. Pour le meilleur et pour le pire mais c’est quand même incroyable pour un auteur qui n’a plus sorti de long-métrage depuis presque 20 ans. Jessica Pratt partage une certaine ressemblance physique avec Julee Cruise, feu diva de Twin Peaks et d’un merveilleux album produit par Angelo Baladamenti « Floating Into The Night ». Sa musique colle aussi parfaitement avec l’adjectif précité. Si elle a été couvée par Tim Presley de White Fence, je ne m‘étais jamais intéressé à sa musique auparavant. C’était probablement une erreur à l’écoute de « Here In The Pitch ».

Le premier morceau d’un album, c’est important. Pratt casse la baraque avec Life Is. Imaginez une vibe un peu Beach Boys, un peu exotica avec des relents spectoriens et un léger filet de voix parfois un peu pincé qui pourrait devenir agaçant mais qui s’oublie vite au regard de la qualité des compositions. Ça flirte avec la bossa nova (Better Hate), l’easy listening pas du tout ennuyeux ou une ballade au piano bouleversante (Empires Never Knows) qui alimentent le climat feutré de ce disque court. Elle se dit obsédée par le passé en interview et il y a effectivement une forme d’hantologie mystérieuse dans sa musique qui renvoie à une époque indéterminée. Ce qui peut rappeler aussi Broadcast dont le récent « Spell Blanket », recueil de démos qui auraient dû constituer la trame d’un album qui n’est jamais sorti avec la mort prématurée de Trish Keenan, est une autre source d’enchantement. La fragile Jessica Pratt est toujours parmi nous. Elle aurait été parfaite dans la série de concerts de la troisième saison de Twin Peaks.
Emmanuel JEAN

Sam Lee – Songdreaming

Mood : J’ai reçu un tract dans ma boite à lettres m’invitant à un meeting de Raphaël Glucksmann.

J’ai hésité à placer ce disque ici et je vais vous dire pourquoi. Ce n’est pas un disque parfait et, à la première écoute, je dois avouer avoir eu un souci avec le timbre de voix du chanteur. Sam Lee est un produit purement anglais, un artiste folk en sandales qui a fait de son militantisme pour l’écologie le concept central de son œuvre. On est donc en face d’un disque qui pleure sur les affres que subit mère Nature et prône la protection de notre planète chérie, et tout ce qui s’ensuit.

Sam Lee se positionne en disciple folk de l’école anglaise de la scène des années 70 à Canterbury : son timbre de voix, rappelant celui de Nick Drake, paraît souffreteux, grave, pas très joyeux et encore moins sexy. Mais ce disque m’obsède. Sa musique folk, centrée sur la voix et la guitare, est enveloppée dans une production luxuriante et intime, agrémentée de cordes discrètes, de chorales et de touches légèrement électroniques.
Un détail qui a son importance pour moi et qui fait toute la différence : ce disque est entièrement produit par le discret et génial Bernard Butler, le guitariste historique de Suede. Je n’arrête pas de revenir à ce disque, encore et encore, comme s’il détenait un mystère enfoui, bien au fond de la terre humide, au pied de cet arbre centenaire. Gérard LOVE 

Cat’s Miaow – Skipping Stones : The Cassette Years  ’92-‘93

Mood : miaou, miaou.

J’ai beau essayer, je n’arrive pas à adhérer à la musique de The Lemon Twigs. Leur dernier disque « A Dream Is All We Know » ne déroge pas à la règle. Il y a tout pour me plaire avec une forte influence Beach Boys et toute la pop raffinée des sixties. Il s’en dégage pourtant à chaque fois une sensation de chiqué. Une forme de parodie impeccablement réalisée mais un peu cynique pour des mecs qui ont à peine la vingtaine et s’habillent comme en 1972. A croire que leur père batteur a tenté une expérience anthropologique en les enfermant dans la cave devant des rediffusions de Starsky et Hutch avec l’intégrale des Beatles en fond sonore. Quitte à aller à fond dans la caricature, autant faire comme The Dukes of Stratosphear ou The Rutles en annonçant carrément la couleur. C’est assez symptomatique de l’époque à la candeur perdue où l’ironie devient souvent une forme d’art de vivre. J’ai l’impression, au doigt mouillée qu’il y avait plus de naïveté et donc d’authenticité il y a une trentaine d’années avant qu’internet nous engloutisse de références. Prenez The Cat’s Miaow. Avec un nom pareil, les mecs ne devaient pas être des violents.

Songs '94-'98 | The Cat's Miaow

Formés à Melbourne en 1992 et héritiers de toute une lignée de pop aussie délicate, ils changeront de nom en 1996 pour devenir Hydroplane et connaitre un mini succès indé en flirtant avec l’électronique. Une grosse campagne de réédition de toute leur œuvre connaît un joli petit succès indie depuis quelques années et les membres du groupe aujourd’hui quinquagénaires hallucinent de leur nombre d’écoutes sur les plateformes. Ce sera peut-être les nouveaux Duster qui sont devenus des stars, 25 ans après leurs disques passés quasi inaperçus.
Le recueil de démos « Skipping Stones : The Cassette Years ’92-‘93 » sorti dernièrement contient une partie des ébauches des titres de « Songs ’94-‘98 », précédemment réédité, et toute l’innocence de la pop de ces années-là. Amis de Galaxy 500, The Field Mice ou The Wake, vous serez à l’aise ici. Dans une démarche très lo-fi, on y retrouve quelques touches shoegaze, de la guitare claire et la batterie breakée typique d’Hydroplane sur lesquels flotte la voix d’ange de Kerrie Bolton. Rendez-nous des groupes indés avec des dégaines d’ingénieur informaticien. Emmanuel JEAN 

Wolfgang Tillmans – Build From Here

Mood : quinquagénaire futuriste.

J’aime la musique de vieux. Plus précisément, j’aime la musique des artistes âgés qui s’assument et ne tentent pas de paraître jeunes. Un exemple positif : les derniers disques de John Cale (82 ans), Brian Eno (76 ans) ou le prochain album de David Gilmour (78 ans). Et ce disque atypique signé Wolfgang Tillmans (55 ans). Tillmans, bien que principalement connu comme photographe – probablement l’un des plus renommés et influents de notre époque – se permet parfois de bricoler des disques avec quelques plug-ins et un micro. Passionné de techno, il nous propose des morceaux de techno pop bancals.
Il y a quelque chose de profondément émouvant dans la voix de ce quinquagénaire qui s’approprie la techno avec une voix aride et essoufflée. Dans ce cas, on se rapproche plus du dernier Brian Eno ou des travaux de son compatriote DJ Hell (61 ans) que du récent album des Pet Shop Boys. Ces derniers utilisent l’écrin pop pour masquer leur voix de sexagénaires, cherchant à sonner jeunes. Tillmans, lui, fait tout le contraire : il n’y a pas de maquillage pop. Sa voix humaine, brute et sans filtre, contraste avec la modernité de la production lisse, issue des machines électroniques. C’est sensible et constitue une expérience d’un futurisme inquiétant et froid. Gérard LOVE

Mary Lattimore/Walt McClements – Rain On The Road

Mood : des milliers de météorites en flammes vont s’abattre sur les Jeux olympiques.

Début mai, des éjections de particules venues du soleil ont provoqué une tempête géomagnétique de niveau maximal sur la Terre ayant généré des aurores boréales incroyables à travers le monde. Pour les chanceux qui ont pu les contempler, c’était visiblement magnifique. Il faut imaginer la puissance du truc. Ça fait relativiser nos petites considérations de simples humains qui se déchirent à travers le globe. Le premier titre de l’album collaboratif entre Mary Lattimore et Walt McClements serait une parfaite illustration sonore de ces phénomènes interstellaires. Stolen Bells est une lente procession aux nappes gigantesques et à l’ambiance rétrofuturiste.
La harpiste et l’accordéoniste américain proposent en seulement cinq titres longs une odyssée cosmique qui renvoie forcément à Alice Coltrane ou toutes les expérimentations ambient les plus spatiales. L’utilisation de l’accordéon est toujours périlleuse. Sur Nest Of Earings, c’est fait de la meilleure des manières. Un peu comme dans le fameux Long Season des Japonais de Fishmans, il apporte une sonorité réconfortante toute en douceur. Je suis persuadé que la forte demande d’ambient du moment est liée à l’inquiétude des gens au regard des horreurs du monde. Pour répondre à un besoin de quiétude, offrir un espace de relaxation. Et peut-être que ces aurores boréales étaient un signe de la nature pour nous dire : « calmez-vous les gars ». Emmanuel JEAN

Mark Knopfler – One Deep River

Mood : Pour ne pas oublier à quoi sert la journée de solidarité pour les personnes âgée.

« Vous avez passé des années à me souhaiter bonsoir, maintenant il est temps de vous dire bonsoir à mon tour. Je suis un vieil homme désormais. » C’est par ces mots, lors de sa dernière tournée, que Mark Knopfler – ancien leader de Dire Straits – a tiré sa révérence : finies les tournées pour lui, trop épuisantes, plus de jus. Cependant, il ne raccroche pas les crampons pour autant, promettant à ses quelques fans sexagénaires de continuer à sortir des disques – solo, bien sûr, faites une croix sur une éventuelle reformation de Dire Straits.

Pourquoi est-ce que je m’embête à écouter ce énième disque de Mark Knopfler, dont seul le lectorat clairsemé de Rolling Stone magazine semble s’intéresser ? A priori, on est en face d’un monsieur de 74 ans, qui caresse sa guitare, assis comme BB King, jouant désormais du rock très, très mou à la JJ Cale, loin des disques prog-rock FM de la grande époque des Straits. Les morceaux de Knopfler sont tellement lents qu’on dirait presque de l’ambiant. Et c’est cela qui me plaît : c’est atmosphérique, liquide, bluesy, jamais une note au-dessus de l’autre, avec une production cotonneuse s’appuyant sur des musiciens sortant leur guitare Gibson édition 1956 de leur étui en cuir craquelé, essuyant amoureusement le manche avec un tissu de lin imbibé de produit à lustrer.
Oh oui, quand ce disque joue, je me sens bien, je deviens un bébé en pyjama pilou-pilou, les yeux clos, blotti au fond de mon berceau douillet et tiède, tenant fermement mon doudou lapin à oreille géante. Et surtout, je n’ai plus aucune notion des malheurs du temps. Gérard LOVE

Adrianne Lenker – Bright Future

Mood : La musiiiiiiique, oui : la musique. 

Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? Cet exercice de critiques sert à mettre certains disques en avant, à vous mâcher le travail pour les quelques curieux restants. Car, passé trente ans, la majorité des gens cessent de s’intéresser à la musique. Ce n’est pas qu’ils n’en écoutent plus, mais ils arrêtent d’écouter des nouveautés, se contentant de playlists générées par un logiciel basé sur leurs goûts. Cela donne un robinet d’eau tiède. On ne creuse plus, on n’a plus le temps pour cela, mais il subsiste un flot ininterrompu de musique anonyme en fond sonore. C’est l’époque de la musique « sympa ». Comme les séries : c’est « pas mal ».

Autour de moi, peu de personnes continuent d’écouter de la musique – pire, on me voit un peu comme un excentrique. Comme si, passé trente ans, cela devenait atypique et qu’il serait temps de « grandir ». Remarquez que cela ne s’applique pas au cinéma, dont les sorties restent extrêmement populaires en termes d’engagement et d’excitation, quel que soit l’âge. Comment interpréter cela ? Ce n’est pas un jugement, juste un constat – assez triste. Les gens n’ont plus envie ? Quand on est jeune, on peut passer des heures à chercher des disques, à les écouter, à en parler. Tout cela est-il vraiment fini ? Je n’ai pas de réponses précises, chacun fait comme il peut. Si certains remplacent leur amour initial de la musique par la cuisine, la bistronomie, le vélo, le tricot ou encore les puzzles… c’est OK. Et ce disque est juste OK aussi. Gérard LOVE

Virginia – Black Yacht Rock Vol.1 – City Of Limitless Access

Mood : Superstar.

J’ai tenté de lire le roman d’Ann Scott, Les Insolents (Prix Renaudot 2024). La thématique du livre m’a attiré. Ann Scott avait connu un moment de gloire il y a 24 ans avec son roman *Superstar*, qui mélangeait la déglingue rock’n’roll et la culture club du Pulp, entre autres. Scott, proche de Despentes, s’inspire dans Les Insolents de son expérience en province. Après avoir passé toute sa vie à Paris intra-muros, elle a traversé une période de creux littéraire. Scott décide alors de déménager dans un petit village en Bretagne. Seule, sans connaître personne et sans permis de conduire, elle raconte son expérience d’une galère non subie ainsi que la solitude.
Bon, je vous le dis tout de suite : ce n’est pas un bon livre. Je n’ai même pas pu le finir. Ça manque de tout : de style, d’ambition et ça passe à côté de son propos principal : la fin du règne parisien, l’exode en milieu rural, le décalage entre le monde intello-arty de la capitale et les supermarchés Leclerc, la vanité, etc.
Passons à autre chose : avec Pharrell Williams nommé directeur artistique de Louis Vuitton, on pensait que la musique était finie pour lui. En même temps, il a beaucoup donné. Mais il nous offre ce cadeau, enregistré discrètement sous un alias, sorti sans aucune promotion et mis à disposition gratuitement sur un site dédié. L’éternel jeune – malgré ses 51 ans au compteur – signe ici un disque pop lumineux, sa version de la musique Yacht – avec une pointe d’autotune. Gérard LOVE

Peel – Acid Star

Mood : ex-fan des 90’s, où sont tes années folles ? 

Adolescent, j’ai usé le DVD de Queen à Wembley en 1986. Il y a toujours ce moment qui me surprend : vers le milieu du show, afin d’être plus à l’aise, Freddie Mercury change de tenue et revient sur scène vêtu d’un horrible t-shirt XXL jaune canari avec un dessin semblant représenter Betty Boop. C’est un t-shirt absolument terrible, le genre que l’on met pour dormir ou traîner le dimanche, mais certainement pas pour se produire dans un stade de la capitale londonienne devant des caméras prêtes à immortaliser ce moment pour la postérité. Est-ce un styliste de l’époque qui lui a dit de porter ce truc ? Ou alors il aimait juste ce t-shirt et l’a mis ce soir-là sans se poser de questions. Pourtant, ce t-shirt, des années après, est vraiment entré dans la postérité – il s’en vend des copies sur eBay ou Etsy.

Freddie Mercury Queen T-shirt Tanktop Live at Wembley 86 Betty Boop Magic  Tour M | eBay
Derrière cette histoire de t-shirt Betty Boop, c’est tout le charme de Queen que l’on devine. Un groupe qui n’a jamais réalisé des choses par calculs machiavéliques. Des artistes qui se fichaient des modes. Queen a traversé vingt-cinq années sans se faire produire par un Brian Eno, un Conny Plank ou tenter des choses à la New Order. Non : ils faisaient juste ce qu’ils avaient envie, sans se soucier du regard des autres, de l’opinion – et le t-shirt Betty Boop en est l’exemple.
C’est un peu pareil en ce qui concerne ce groupe Peel. Ils oscillent entre grosses influences techno-pop des années 90 qui tirent du côté de la scène baggy, shoegazing sans lourdeur, pop optimiste et du gothique pour gens heureux (Mall Goth). Ce duo américain signe avec ce premier disque un début de parcours prometteur, sur les traces de Primal Scream. Et non : pas de traces de Queen ici. Désolé. Gérard LOVE

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