En novembre 2010, j'écrivais mon premier article pour Gonzaï, un article sur Larry Clark, la jeunesse et la photographie... Six ans plus tard et avec les mêmes ingrédients, le bonhomme continue de dérouter. Arrivé à Paris avec des valises pleines de ses photographies, Larry Clark s'est installé dans une galerie de Pigalle et liquide les stocks.

Avant d’ouvrir la galerie rue Antoine, son équipe avait déjà vendu un immense tas de photographies d’amateurs. Chacun pouvait venir en orpailleur et à condition d’avoir l’œil affuté, chacun pouvait repartir avec une pépite. Cette fois-ci les images valent cent euros pièce, mais sont toutes signées Larry Clark. Le principe reste pourtant le même : sur une grande table, plusieurs centaines de tirages sont entassés, on vient avec du cash only et on repart avec sa trouvaille. Ce n’est pas la première fois que Clark brade ses archives, il y avait eu une opération de plusieurs jours au Silencio, d’autres au Japon, à New York ou à Londres, un peu comme une sorte de tournée photographique à la rencontre de son public, une manière d’éviter le circuit un peu guindé et coûteux du marché de l’art. L’idée en soi est assez belle. Plutôt que de vendre ses images à un musée ou à un super-collectionneur, Clark préfère les disperser et les rendre à son public, ces même jeunes, plus ou moins désargentés, qui peuplent ses films et ses images.

L’expérience qui dure jusqu’au 24 décembre est assez fascinante, parce qu’on ne sait finalement pas tellement de quoi il s’agit, pas d’une exposition, mais pas non plus d’une vente classique. Larry Clark traîne dans la galerie, il réclame qu’on lui montre les images, discute les choix des uns et des autres. Le public est un composite, étrange, on croise des jeunes gens branchés, des amateurs de photo, quelques skateurs qui ont joué dans son dernier film tourné à Paris et qui passent dire bonjour.

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Autour de la table, la plongée dans les images est vertigineuse, on trouve pêle-mêle des photos de ses films depuis Kids, des images réalisées pour la marque Supreme, mais aussi des photos plus intimes. La frontière est mince puisque Clark a toujours été très proche de ses comédiens, au point parfois de vivre avec eux. L’ensemble forme donc une sorte de trame continue où l’on passe sans cesse de la vie quotidienne de Clark au monde de ses films. Comme il le dit lui-même à propos de ses acteurs : « Je leur pique toutes leurs idées, c’est avec ça que je fais mes films ! »

Et en épuisant les piles d’images, on le voit presque travailler. Pour certaines images il y a plusieurs dizaines de poses, comme s’il fallait épuiser chaque moment, chaque situation. On comprend aussi mieux combien sa pratique de la photographie se rapproche de la pratique du skate, des figures pratiquées à longueur de journée pour en explorer les plus infimes variations, une pratique de l’échec, avec ici et là des réussites acrobatiques. Celui qui repart avec une image ne sait pas toujours s’il repart avec une œuvre, une image d’archive ou un fétiche. Le mieux sans doute est de les considérer comme autant de photos de famille, de cette famille étrange et déglinguée qui est celle de Larry Clark.

Galerie rue Antoine, 10 rue André Antoine – 75018 Paris
Jusqu’au 24 décembre, de 12H à 20H
www.rueantoine.com

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