Fondé sur les cendres d’un groupe nommé Lucifer, Angel Witch ressemble dans la fin des seventies au goût punk avec un crissement de pneus de moto-flamme. A la fois porté par le heavy metal, le satanisme et les cheveux gras, le groupe anglais inspiré par Black Sabbath deviendra l’un des fers de lance du NWOBHM (New Wave Of British Heavy Metal) et lutte encore, 40 ans après, contre une noyade dans l’oubli. Portrait dans les grandes largeurs de cette bande de rosbifs pas comme les autres.

Le calme est revenu au Curly Joe’s Studio, quelque part en banlieue de Los Angeles. Nous sommes en 1984, et le groupe nommé Megadeth répète depuis de longs mois dans cette ancienne brasserie. Le travail de ces derniers jours a consisté à préparer les premiers concerts qui vont avoir lieu en janvier et février. Dave Mustaine, fondateur, guitariste et désormais chanteur de Megadeth, s’est installé sur le canapé dans le coin de la pièce qui lui tient lieu de chambre à coucher. Depuis son éviction de Metallica au début de l’année précédente, il est sans domicile fixe. Après avoir squatté chez les uns et les autres, vécu dans sa voiture, tout en dealant de la came pour survivre, il a au moins depuis quelques mois un toit sur la tête, un groupe qui fonctionne, et des concerts qui s’annoncent. Dave ressent pourtant comme un vertige, seul dans le grand hangar. Tout est allé très vite depuis un an et demi, dans le bon comme dans le mauvais sens. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce n’est pas encore le paradis. Alors il décide de descendre encore quelques bières et fumer un joint, tout en écoutant sur un petit baladeur l’album d’un groupe qu’il adore depuis toujours et qui lui a donné l’inspiration : Angel Witch.

En 1976 à Londres, tout va également très vite. On est passé des concerts des Rolling Stones à Earls Court, Genesis et Santana à l’Hammersmith Odeon de Londres, des premières pages des magazines musicaux avec Yes, Led Zeppelin et Status Quo, à une bande d’énervés glaviotant sur des scènes de clubs prises d’assaut par des gosses fous. Leur musique est un véritable affront à la virtuosité et au bon goût lettré du rock progressif et des mélodies californiennes, jouant mal deux accords jetés en une minute et trente secondes. Pire, ils se montrent de plus en plus véhéments vis-à-vis du show-business et des grosses stars friquées. Publiés en auto-production ou via de petites structures comme Stiff, ce que l’on appelle les punks sont en train de renverser la table. L’année 1977 sera celle de leur avènement. Il n’est plus possible pour un groupe de blues-rock ou de hard-rock de passer la porte d’un club : il n’y en a que pour le punk, nouvelle star chez les jeunes, du moins à Londres.

Ailleurs en Grande-Bretagne, les choses sont moins claires. Si à Manchester, une petite scène punk très active bourgeonne avec des formations comme les Buzzcocks et Warsaw, futur Joy Division, l’Angleterre industrielle résiste à cette vague autant musicale que culturelle. C’est que les considérations des punks ne touchent pas vraiment le coeur des gamins des quartiers ouvriers du Black Country, surtout dans un contexte de lutte sociale extrêmement tendu. En effet, en 1978 et 1979 auront lieu de très importantes grèves, surnommé « l’Hiver du Mécontentement », dans l’industrie sidérurgique et minière. Parfaitement documentées par le réalisateur Ken Loach notamment, il y montre des ouvriers et leurs familles mourant littéralement de faim et de froid parce que sans salaires depuis des mois de contestation, et ne vivotant que par la solidarité entre voisins.

Durant l’orage punk, les chevelus de tous bords investissent ce réseau secondaire sur lequel les groupes punk évitent de trop s’aventurer. C’est qu’au pays du charbon et de l’acier, on n’aime pas trop les petits frimeurs. On préfère ceux qui ont du riff béton à proposer. Londres se décompose elle-même en deux mondes : la cité plutôt branchée, et les quartiers périphériques encore industrielles et gris que certaines stars du rock commencent à investir comme les Who avec les Shepperton Studios, ou Pink Floyd et sa pochette de Animals avec la Battersea Power Station.


British Steel

Toujours est-il que quelques gamins fans de heavy-metal et de hard-rock refusent le diktat culturel du punk. Ils aiment le blues acide de Jeff Beck Group, de Mountain et des premiers Led Zeppelin, les envolées lyriques de Deep Purple et Uriah Heep, la noirceur et la puissance métallique de Black Sabbath et Budgie, les épopées hard-rock de UFO et Thin Lizzy, le boogie brutal mais réjouissant de Status Quo. Et puis mille autres choses et autres hallucinés plus ou moins notoires du son heavy-psyché européen, s’ajoutent par passion : Hawkwind, Pink Fairies, Nektar, Golden Earring…

Face à ce contexte musical complexe, des groupes montent lentement mais sûrement. Raven, de Newcastle, tabasse des caisses et des guitares depuis 1974, Iron Maiden ratisse les pubs ouvriers de Londres. Paul Samson, guitariste et fondateur du groupe qui porte son nom, expliquera qu’il n’eut aucun souci pour jouer durant le punk, allant jusqu’à assurer deux cent concerts en 1977 et 1978 grâce aux réseaux des workingsmen clubs et des pubs de banlieues. Clairement, une vague est en train de monter alors que le punk commence à montrer des signes de faiblesse à force de hurler sans de réelles visions musicales. Le heavy metal est prêt, en embuscade.

En 1980, Judas Priest, groupe de heavy metal de Birmingham comme Black Sabbath, sort son plus fameux album : British Steel. La pochette montre une lame de rasoir agressive. Mais le titre est surtout un hommage à la société nationale de l’acier anglais nommée British Steel qui va être privatisée par Margaret Thatcher, nommée en 1979 pour mater les mouvements sociaux par la force, ainsi et surtout qu’à leurs ouvriers ayant combattu pendant deux ans.

Le heavy metal gagne de nombreux points en continuant à jouer sur ces terres dévastées, et donc à les soutenir. Parmi eux, il y aura Motörhead. Le guitariste Fast Eddie Clarke expliquera très clairement qu’en 1977-1978, le rapport aux fans du groupe se forgera par le fait que le trio de Lemmy Kilmister était l’un des rares à jouer dans ces régions. La colère sociale et la violence musicale se mirent à faire corps, et quelque chose de nouveau était en train de naître, loin des glapissements désormais puériles du punk. La Grande-Bretagne ouvrière n’avait pas besoin de toxicomanes déglinguées, mais de héros à guitares capables de porter leur rage, comme le firent les Who entre 1969 et 1973.

Lucifer et autres anges de l’Enfer

Kevin Heybourne est un jeune guitariste anglais fan de hard rock et de heavy metal suffisamment passionné pour créer son propre groupe au milieu d’une époque peu favorable pour le genre. Il fonde ainsi Lucifer avec le guitariste Robert Downing, le bassiste Bary Clements et le batteur Steve Jones. La formation joue encore essentiellement des reprises pour attirer un public avide de décibels, mais peu enclin à la nouveauté.
Cependant, Heybourne est un garçon créatif, et il compose de nombreuses chansons, que Rob Downing l’aide à développer. Lucifer joue pendant deux années dans la banlieue de Londres et les villes, complètement déconnecté du punk. Clairement, le mouvement ne semble pas avoir dépassé le centre pop de Londres, et alors que les Sex Pistols fêtent le Jubilée de la Reine en 1977 avec un concert sur une péniche et le simple God Save The Queen, le quatuor laboure le sillon heavy metal et celui du riff assassin.

Lucifer se délite en 1978, et après quelques auditions, le nouvel ensemble se nomme Angel Witch : Kevin Heybourne au chant et à la guitare, Rob Downing à la guitare, Kevin Riddles à la basse, Dave Dufort à la batterie. Ce dernier est un vieux gredin de la scène rock anglaise, ayant notamment joué dans la formation progressive East Of Eden. Le trio Heybourne-Riddle-Dufort devient extrêmement solide, et Downing se sent mis à l’écart. Il participe cependant aux premières démos de 1978, et Heybourne lui rendra un hommage sincère pour sa contribution musicale, n’oubliant pas ses droits financiers sur les chansons qu’il co-composa.

Angel Witch où l’oeuvre d’une petite équipe familiale

Angel Witch devient donc un trio, et cela se passe dans un contexte où tout bascule. Il se fait remarquer par la major EMI, alors que la presse musicale commence à parler de NWOBHM (New Wave Of British Heavy Metal) en 1979. Samson, Angel Witch, Iron Maiden, Saxon, Def Leppard, et Diamond Head font partie des têtes de pont d’un genre métallique nouveau. Tout le monde se serre les coudes sur cette affaire : en 1979, Samson emmène avec lui Iron Maiden et Angel Witch à travers le pays pour une centaine de dates. Clairement, une nouvelle génération est en train d’émerger et il devient impossible de l’ignorer.

Après l’effondrement de la scène punk, le heavy metal est clairement devenu une nouvelle alternative. Mais sa sonorité n’a que peu à voir avec les tubes sexy du moment de Foreigner et Journey aux USA. La nouvelle scène anglaise est incroyablement plus brutale. Incontestablement, la violence du punk a été digérée et a amené un propos plus rude. Les nouvelles formations ne sont pas seulement les successeurs effervescents de Deep Purple, Led Zeppelin, et Black Sabbath. Le heavy-metal est en quête de sonorités plus folles et rageuses. Et des groupes mineurs commercialement parlant comme Stray, Budgie ou Trapeze deviennent de vrais pivots artistiques. Elles sont emmenés par quelques précurseurs vigoureux qui atteignent leur pleine maturité artistique à ce moment-là : Judas Priest et Motörhead notamment.

Quelques étranges protubérances infernales finissent donc par bourgeonner et virent les derniers punks des scènes des pubs, désormais trop concentrés sur leur moi intérieur au sein d’un post-punk nommé new wave. Le mouvement est tellement puissant qu’il réactive l’énergie de vieux guerriers que l’on croyait moribonds : Budgie, Black Sabbath, Thin Lizzy…

Un nouvel ange noir pour le heavy metal

Forgé depuis plus de trois longues années, Angel Witch a désormais un répertoire solide constitué de compositions originales. Les démos de 1978, équivalentes à un album complet, n’auront eu que peu de retentissements chez les labels installés à ce moment-là. Mais à la fin de l’année 1979, EMI sent qu’il se passe comme un frémissement. Le label décide de lancer une compilation bon marché nommée Metal For Muthas qui sort en février 1980. Parmi les groupes sélectionnés, on retrouve Iron Maiden, Angel Witch, Samson, et Praying Mantis. Le disque se vend étonnamment bien pour une compilation à prix réduit. EMI rappela Angel Witch, dont ils avaient écouté les démos un an plus tôt sans donner suite, persuadés que le heavy metal était désormais totalement dépassé par le punk et le post-punk.

Le disque se vend étonnamment bien, et EMI envisage de signer des formations. La première sera Iron Maiden, déjà parfaitement structurée avec un manager, une vision musicale et une image scénique avec un zombie en fond de scène surnommé Eddie The Head. Les autres restent sous la main du label, sans pour autant signer quoique ce soit.

Porté par un vent des plus favorables, Angel Witch tourne sans relâche. Il assure une session de quatre morceaux au Friday Rock Show de la BBC, émission dédiée à la nouvelle scène heavy-metal britannique, le 14 mars 1980. Le trio finit par publier chez EMI un EP trois titres en avril 1980 avec « Sweet Danger«  en face A, « Hades Paradise » et « Flight Nineteen«  en face B. Cependant, la distribution est des plus faméliques, le label se concentrant davantage sur son nouveau poulain prometteur nommé Iron Maiden. Cela n’empêche pas ce premier disque de grimper dans les ventes.

Néanmoins, ce succès montant va se retourner contre le groupe et sa réputation. Toutes les semaines, la presse musicale publie les 75 meilleures ventes de EPs et de quarante-cinq tours du pays, en concertation avec les labels et les distributeurs. Si Angel Witch était monté à la soixante-seizième place, personne n’en aurait entendu parler. Cela aurait été bien triste, mais cela n’aurait pas eu le même effet contre-productif qui va suivre. En effet, le premier EP de Angel Witch va grimper à la soixante-quinzième place des ventes pour une seule et unique semaine avant de redescendre aussi sec. Il n’en faut pas plus pour qu’une partie de la presse musicale, plutôt portée sur le post-punk, vomisse sa bile sur Angel Witch et ce qu’il représente : le heavy metal, le satanisme, les cheveux longs, les guitares qui font du bruit. La déferlante est telle que l’affaire monte jusqu’aux oreilles du Guiness Book Des Records qui décide de classer Angel Witch dans la catégorie du groupe ayant eu le plus court succès commercial du monde en 1980.

Choix cornélien et nouveau label

Fort de cette publicité désastreuse, EMI commence à se poser de sérieuses questions sur l’avenir d’Angel Witch. Le label décide de pousser le trio à changer de management et d’en engager un plus professionnel. Seulement voilà, le dit manager n’est autre que Ken Heybourne, le propre père de Kevin, qui aide la formation depuis ses débuts en 1976. Le choix devient cornélien entre lâcher son propre père pour un contrat et le soutien d’une major qui a dans son catalogue les Beatles, Pink Floyd et Deep Purple, et continuer en famille avec la certitude de perdre une telle opportunité. Kevin Heybourne décide de conserver son père comme manager, qui a assuré un travail efficace et fervent depuis ses débuts. Après tout, la promotion de EMI n’a pas été extraordinaire pour le premier EP, conduisant même au fiasco du Guiness Book Des Records. Heybourne pressent également qu’être sur le même label qu’un groupe en plein ascension comme Iron Maiden pourrait être contre-productif.

Fort de ses premiers exploits discographiques chez EMI, Angel Witch n’a pas trop de mal à intéresser les maisons de disques. Il opte finalement pour le label Bronze. Indépendant mais solide, c’est un label ayant à son catalogue Manfred Mann’s Earth Band, Uriah Heep et Motörhead. A la lecture de ce dernier point, on peut s’interroger sur la justesse du choix final, Motörhead étant lui aussi un groupe en pleine ascension, ayant sorti en 1980 l’extraordinaire Ace Of Spades, numéro quatre des ventes en Grande-Bretagne. On peut ainsi craindre là aussi une certaine concurrence en termes de promotion, le trio de Lemmy Kilmister étant clairement la locomotive commerciale de Bronze. Cependant, ce dernier a la réputation de pousser ses groupes sans leur imposer la moindre contrainte artistique, et cela plaît énormément à Kevin Heybourne, Kevin Riddles et Dave Dufort.

Un nouveau simple est envoyé en éclaireur en septembre 1980 : « Angel Witch » / « Gorgon ». Il fait suite à la participation d’Angel Witch à l’édition historique du Festival de Reading du 22 au 24 août de cette année-là. Ce festival rock plutôt éclectique, célébrant initialement la scène blues et jazz britannique dans les années 1960, décide de mettre à l’affiche le renouveau du heavy-metal britannique. C’est l’un des évènements fondateurs de la NWOBHM. Ainsi, y figurent : Praying Mantis, Samson, Iron Maiden, Def Leppard, Sledgehammer, Tygers Of Pan-Tang, Girl, et bien sûr Angel Witch. A cela s’ajoutent quelques pointures du son hard ayant toujours le vent en poupe ou se renouvelant : Gillan, Rory Gallagher, les australiens d’Angel City, Pat Travers Band, Budgie, Ozzy Osbourne’s Blizzard Of Ozz, UFO, et Whitesnake. Angel Witch joue l’après-midi du dimanche 24 août, en quatrième position sur l’affiche. Si les conditions estivales de jour ne sont pas forcément adéquates pour l’ambiance sombre et satanique de sa musique, Angel Witch offre une performance qui marque les esprits et fait céder les dernières réticences chez les fans de heavy-metal. Preuve de son succès, aucune canette remplie de pisse ne sera jetée sur scène.

Le nouveau simple est donc bien accueilli, et la route est désormais tracée pour un premier album. En septembre et octobre 1980, Angel Witch s’enferme aux Roundhouse Studios avec le producteur Martin Smith. Contrairement à Iron Maiden dont le son du premier album fut saboté par Will Malone, Smith assure un magnifique travail de prise de son, captant à merveille la puissance d’Angel Witch. Heybourne et Riddles sont deux arrangeurs de choix, apportant quelques discrètes touches de claviers et de synthétiseurs pour enluminer certaines chansons sans les dénaturer. Car ce qui ressort de cet enregistrement, c’est la puissance incroyable des riffs et de la rythmique, qui dégueulent en une lave sonore brûlante et obsédante. Elle galope, implacable, bien plus féroce que les premiers disques de Saxon, Def Leppard et Iron Maiden, tous manquant un peu de mordant malgré d’excellentes compositions. Angel Witch est un album dantesque, avec des riffs qui ricochent comme des balles de fusil, soutenus par une basse lourde et mordante, et une batterie précise, toute en tempos assassins et en roulements de toms étourdissants.
Si « Angel Witch » et « Sweet Danger » ont déjà fait étalage de leur efficacité, on découvre des morceaux aux racines anciennes et à l’audace mélodique impressionnante : « White Witch », « Confused », « Gorgon », « Free Man », « Angel Of Death ». Heybourne, Riddles et Dufort jouent sur les tempos, débutant doucement, avant d’accélérer en un galop heavy-metal désormais typique dont Angel Witch est incontestablement l’un des fondateurs avec Iron Maiden. Heybourne utilise lui aussi les guitares en harmonie inspirées de Wishbone Ash et Thin Lizzy, qu’il double en studio, mais ne restituera pas sur scène, faute d’un second guitariste. Si l’album est sorti en décembre 1980, alors que Iron Maiden a vu le jour en avril, musicalement, on sent qu’Angel Witch va déjà plus loin, créant des univers proto-thrash que l’on retrouvera chez Metal Church, Metallica, Megadeth et Exodus, avec ses riffs/roulements de caisses plein de punch et de groove. Chaque morceau constitue quasiment une carrière musicale d’un groupe de thrash-metal californien.

Kevin Heybourne n’est pas un hurleur de heavy metal à la Ian Gillan ou à la Robert Plant. Sa voix de gamin étranglé rappelle Ozzy Osbourne dans Black Sabbath, mais se révélera pour la presse un point négatif face à de nouveaux hurleurs de talent comme Paul DiAnno d’Iron Maiden ou Rob Halford de Judas Priest. Néanmoins, Heybourne apporte une approche vocale nouvelle loin de la virtuosité, calée dans une sorte de justesse parfois approximative, mais qui joue surtout sur le charisme vocale qui colle à merveille avec la musique desservie. Angel Witch ne peut être chanté que par Kevin Heybourne, comme Megadeth ne peut être vocalisé que par Dave Mustaine. Ozzy Osbourne lui-même aura ouvert la voie avec son timbre nasillard et peu mélodieux, mais d’une efficacité redoutable pour Black Sabbath.

Angel Witch sort judicieusement à la fin de l’année pour compléter une série de disques de heavy metal britannique fondateurs d’une nouvelle décennie : Iron Maiden d’Iron Maiden, On Through The Night de Def Leppard, British Steel de Judas Priest, Heaven And Hell de Black Sabbath, Ace Of Spades de Motörhead, Wheels Of Steel et Strong Arm Of The Law de Saxon, Power Supply de Budgie, le White Album de Diamond Head, Head On de Samson, Give ‘Em Hell de Witchfynde…

Angel Witch se positionne toutefois clairement sur un créneau de heavy metal occulte inspiré de Black Sabbath, mais allant plus loin dans l’imagerie. Ainsi, les deux premiers simples sont des représentations de Lucifer qui deviendront emblématiques du groupe, au même titre que le Satan sur la pochette du premier album de Witchfynde : Give ‘Em Hell. Ils seront rapidement rejoints par des suppôts plus croquignolesques mais aussi plus extravertis : Venom, et ses deux premiers albums à base de bouc, Welcome To Hell en 1981, et Black Metal en 1982.

Une lente décomposition

La signature avec Bronze ne sera en réalité et finalement pas une bonne affaire. Car oui, la promotion de Motörhead accapare toute la petite structure de Bronze, et d’autant plus avec le numéro un obtenu en Grande-Bretagne par le live No Sleep ‘Til Hammersmith en 1981. La promotion du petit nouveau attendra. Mais la scène heavy-metal britannique va extrêmement vite. Avec l’apparition de Venom, trio proto-thrash-punk affichant une imagerie des plus sales et sataniques, il faut quelque peu choisir son camp entre la violence sonore et le consensus mélodique à la Scorpions/Whitesnake.

Iron Maiden poursuit son galop en intégrant le producteur miracle de Deep Purple Martin Birch. Saxon continue aussi à cavaler dans le riff heavy sans concession avant de commencer à fléchir vers la mélodie avec les excellents Power & The Glory et Crusader. En 1984, la plupart des fers de lance de la NWOBHM sont presque tous morts et enterrés, ou moribonds, hormis les deux seuls grands vainqueurs de cette vague à la carrière internationale réussie : Iron Maiden et Def Leppard.

Angel Witch n’attendra pas ce moment pour disparaître. Dès 1981, le trio affiche de nouvelles couleurs mélodiques sur son nouveau EP avec « Loser », « Suffer » et « Dr Phibes ». Si la pochette est toujours occulte, inspirée du tarot, le torrent magique de riffs assassins s’est tari. Basse et batterie sont plus classiques, bien que toujours solides. Si ces nouveaux morceaux sont agréables et bien écrits, ils ne sont clairement pas à la hauteur de l’incandescence hard du premier album. C’est un four commercial, complètement noyé dans la production de Bronze, totalement dédié au soutien de Motörhead et de Girlschool, groupe de heavy-metal féminin qui connaît une jolie carrière commerciale grâce au soutien de ses mentors initiaux. Angel Witch ne bénéficiera même pas du soutien de Motörhead, son partenaire de label, qui aura pourtant emmené avec lui en tournée d’autres protagonistes de choix de la NWOBHM : Saxon, Girlschool, Weapon ou Tank.

Les concerts se raréfient durant l’année 1981. Leur dernière apparition télévisée se tiendra en Allemagne de l’Est, devant un public d’écoliers en uniformes et de couples ayant la quarantaine plus prompts à répondre dans l’émission « L’Ecole des Fans » de Jacques Martin le dimanche. Le trio y mime Loser devant une audience statique et complètement désintéressé.

Un mythe timide mais grandissant

Dès la fin de l’année 1981, Kevin Heybourne n’est plus qu’une idole oubliée. Kevin Riddles et Dave Dufort sont partis fonder le très bon Tytan. Heybourne rejoint Deep Machine, et alimente en carburant heavy-metal un groupe sans réel avenir, malgré quelques prestations de marque, comme au Dynamo Open Air Festival à Eindhoven en Hollande. Il finit par céder à une reformation d’un trio sous le nom de Angel Witch pour une série de concerts en 1982. Mais il n’y aura pas d’album à concrétiser, malgré quelques compositions qui finiront par voir le jour sur un live daté de cette époque au East Anglia Festival.

Il faudra attendre Screamin’N’Bleedin’ avec sa pochette au goût douteux pour un vrai retour. Les compositions et la production ne sont clairement pas au niveau malgré quelques éclairs de génie passagers. Il en sera de même pour le live Frontal Assault en 1986, cherchant à tout prix à sonner thrash pour rester dans le coup. Il faudra attendre 2012 et As Above, So Below pour retrouver l’esprit de Angel Witch, l’album source, soutenu notamment par Bill Steer, guitariste et chanteur de Firebird.

Aux dernières nouvelles, Kevin Heybourne est toujours bien vivant, et publie un album de Angel Witch de temps en temps, le dernier se nommant Angel Of Light et a vu le jour en 2019. Incontestablement, la sauvagerie élégante du premier disque n’a cependant jamais vraiment revu le jour. Angel Witch fut incontestablement un moment d’inspiration rare, portant un souffle de nouveauté dans le heavy-metal. En tant que pionnier, Kevin Heybourne ne connaîtra jamais la fortune que ses disciples auront grâce à sa musique. Angel Witch est désormais une légende de la NWOBHM, et l’un des plus grands disques de cette vague mythique qui continue à fasciner à travers le monde.

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