Le 11 décembre, un certain Joe Stratocaster nous a envoyé l'article ci-dessous. Et allez savoir pourquoi, on a eu envie de le publier.

« Papa, Johnny c’était un rockeur ? ». Depuis mercredi, ma fille sait qui est Jean-Philippe Smet, mais elle savait depuis longtemps ce que voulait dire, « être rock ». Mais depuis samedi, elle pense que comme pour le père Noël ou la petite souris, je me suis foutu de sa tronche. Depuis samedi elle se dit qu’un million de gens qui se disent « rock » a plus de poids que son père (fut-il le meilleur) qui pensait connaître les tenants et aboutissants de la culture rock (lire Greil Marcus et écouter Joe Strummer, apparemment, ne suffit plus).

Il semble donc que dans l’Hexagone, le rock est mort. « Johnny était le rocker par excellence » entendons-nous partout. Sauf que Johnny était rock comme John Wayne était cow-boy : en caricature. Parce que le rock, c’est la rédemption et l’anticonformisme. C’est prendre la majorité à contre-pied  pour aimer le singulier. Le succès de Johnny (et plus que tout : ce qu’il en a fait) prouve à lui seul qu’il ne l’était pas, rock. La mort d’Elvis est bien plus classe (mort sur ses chiottes) car foudroyé dans un lieu insolite. Même sa sortie, Johnny ne l’a pas réussie.

En cherchant bien, le rock se retrouve plus dans Dick que dans Hallyday (père et fils). En cherchant vraiment bien, Bite Rivière est plus rock que Johnny Vocance. Et en poursuivant sur cette voie (de garage) Brel et Mozart sont des rockeurs. Acheter une villa et l’appeler la Lorada, c’est moins anticonformiste que de prendre des cours de pilotage et de faire le facteur aux Marquises. Acheter un château « m’as-tu-vu » est un acte petit bourgeois de parvenu. Sardou, lui, est rock. Sardou déclare toujours l’inverse de la bienséance, il emmerde le monde et les gens, il peut se fâcher avec les pauvres et embrasser les riches. Il est réactionnaire alors que Smet… Smet c’est le mythe de Cendrillon suiveur et suivi plutôt que meneur et leader. Il aura passé sa vie à suivre les modes plutôt qu’à les créer, il aura pris les meilleurs plutôt que de les découvrir et enfin il aura fait de la moto plutôt que de la trottinette ou de la marche à pied.

Daniel Darc est rock. Mais Daniel Darc est mort dans l’indifférence générale. Pour être rock, il ne faut jamais le signaler ou le porter sur soi. Le rock est une médaille invisible. Le rock n’est pas une musique sinon c’est de la variété. Le rock est là où l’on entend « non » « j’aime pas » ou « pas moi ». Le rock c’est casser, briser. C’est faire autrement et pas forcement mieux.  Faire partir des pauvres gus sans le sou à Vegas pour un concert (raté), sortir dix-sept intégrales de ses chansons tous les ans pour payer ses impôts et encourager les prêts à la consommation, avoir Michel Drucker comme hagiographe, tout cela n’a rien de rock’n’roll. Duoter avec Céline Dion ou Lara Fabian, c’est pas non plus l’acte le plus révolutionnaire de ces vingt dernières années.

Même dans son suicide, Johnny s’est loupé (vu qu’il s’est manqué)

Kurt Cobain, lui, a réussi. Johnny était un raté qui a tout réussi et c’est pour ça qu’on l’admirait. Ça pourrait arriver à n’importe qui. Johnny était normal au point que tout le monde pouvait se dire : « J’aurais pu le faire ». Moi, j‘aurais été le manager de Johnny (j’ai refusé) je lui aurais conseillé franchement de mettre une baffe à Sarko, de voler Gayet à Hollande, de faire un concert gratuit dans le parc de Nieppe et de partir avec dix trans’ en Corrèze dans le village de Bernadette Chirac. Et puis je lui aurais mis entre les pattes des bruitistes qui lui auraient permis de vendre son album à cinquante exemplaires et d’en être fier, de jouer dans un film de Mocky, de grossir au point d’éclater et d’acheter une voiture électrique ou une Modus comme Pierre Bénichou.

Malheureusement pour lui (parce que oui : la voix est belle et c’est gâché de l’avoir exploité ainsi), Johnny était une marque. Il était la représentation de la génération baby-boom et comme elle, il s’est rêvé en parangon de la  contre-culture alors qu’il n’en avait… aucune. En fait, Johnny était notre prisonnier. Il devait se faire à notre médiocrité quotidienne et il s’y est fondu comme personne. Rendons-lui hommage pour ça.

5 commentaires

    1. bah ce gars est pas méchant il est juste rock cet article a pour objectif de donner une signification au mot rock , son écriture est rock ,
      en allant a contre courant des fans populaires ,rock en aimant Julie ,rock en détestant sarko mais ce gars n’a rien d’un bouffon au contraire je le trouve génialement rock

  1. Je ne crois pas que jouer dans les films de Mocky et choquer Bernadette Chirac soit vraiment rock. Si le rock est une subversion, une manière de dire non, alors quand on voit le moment de partage et de douceur que furent les funérailles de Johnny, je crois qu’on peut dire qu’il était vraiment rock. Car voilà selon moi des valeurs à contre courant d’une société aujourd’hui fondue dans la destruction et le cynisme. Il était premier degré quand la mode est au second. C’est peut être pour ça qu’on l’admirait…

  2. Ben moi je le trouve bien cet article. Et je suis pas le premier défenseur de Gonzaï. Il explique bien pourquoi Johnny avait autant de succès. Ce côté « faire semblant de  » tout en publiant de la bouse musicale en persuadant les foules que « le rock, c’est lui » Bravo ! Rien à redire. Le jojo me faisait penser à certains keupons qui croyaient encore que vomir, montrer sa bite, porter l’iroquois ou faire de la merde street punk était le punk absolu. Nan, faut essayer la classe, ça marche mieux. Même Eddy Mitchell, qui ne revendique pas grand chose, est plus rock que Johnny. Merci pour l’article, donc.

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