© Clara DeLatour

Après lui avoir balancé des méchancetés l’an dernier suite à la parution du très moyen « Hoorsees », on retrouve ce cher Alexin pour notre rendez-vous annuel, alors qu’il vient cette-fois ci de sortir un excellent disque (« A Superior Athlete ») qu’il qualifie à moitié sérieux du sobriquet de «pop-rock», histoire de choquer le petit monde de l’indie. Et si le risque de faire une interview complaisante était énorme, le résultat n’est finalement pas si catastrophique.

Rembobinons un peu. A cause du confinement, Hoorsees avait sorti en 2021 son premier disque «Hoorsees» enregistré en 2019, qui était donc plutôt mauvais, traversé par un batteur qui avait oublié le sens de son métier : charpentier, et pas artiste peintre ! Toujours en avance de deux ans, le groupe a conçu en 2020 son deuxième disque bien meilleur. Et voila pourquoi.

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Bien loin de l’ambiance plombante du premier, cette nouvelle fournée fusionne dans la joie et l’allégresse les guitares saturées et les (grosses) mélodies pop, entre tubes à l’énergie rock’n’roll et langueur électrique délicieuse. Inspiré par l’album bleu de Weezer et par les conseils avisés de l’hyperactif Th Da Freak, Alex et sa bande foutent des mélodies sur chaque instrument dont une à hurler dans les stades sur le final magique de Weekend at Bernies. Enregistré dans un grenier ardéchois avec des amplis cramés et une première journée catastrophique, ce presque chef-d’œuvre se termine par un mur de guitare grandiose et sera bientôt suivi d’un troisième disque qu’on espère très mauvais, histoire de se marrer un peu. 
En attendant, et en forme olympique, l’auteur de « A Superior Athlete » domine son micro comme jamais et nous raconte son ennui existentiel à travers un album concept sur ces journées à tuer le temps devant sa TV durant le premier confinement. Si le questions-réponses qui suit vous endort par avance, voici de quoi l’écouter ci-dessous en avant-première mondiale.

Il y a à peu près un an on s’était vu pour ton premier LP raté, et l’interview se terminait comme suit : « Tu m’appelleras dans un an et il n’y aura juste plus rien à sauver », et voilà ça fait bien un an sauf que t’es de retour avec une sacré pépite. Il s’est passé quoi, t’as enfin écouté mes conseils ?

Ouais, si on a une analyse plus globale de la situation actuelle, il y a toujours aussi peu de choses à sauver dans ma vie personnelle. Par rapport à ce disque, j’avais anticipé ce que tu m’avais dit dans l’interview puisqu’il était déjà écrit. On a toujours un album d’avance, on est en train d’enregistrer le troisième.

OK, donc le disque sorti en 2021 a été torché en 2019 et celui de maintenant en 2020. On va rentrer dans les détails esthétiques et sémantiques progressivement, mais sans déconner, il faut un sacré caractère pour d’abord louper le premier disque et revenir pour le deuxième et tout défoncer. Tu t’es inspiré des champions sportifs qui ne renoncent jamais ?

Je considère pas le premier disque comme raté, j’avais aucune ambition de réussite, et ça nous a permis de faire le festival de Route du Rock. Peut-être que les gens nous ont menti. C’est pas pensé comme un « comeback », c’est un prolongement, ou alors le comeback de quelque chose qui n’a pas vraiment existé. […] On a appris à jouer ensemble et à se connaître un peu plus, on a aussi appris de nos erreurs sur la manière d’enregistrer ensemble, ceci explique sans doute cela.

« Les Strokes dans notre musique, ça s’entend déjà parce qu’on est tous obsédés par ce groupe. »

C’est comme un couple, vous apprenez à vous connaître et tout est plus fluide. Bon certains morceaux sont plus rock’n’roll que d’autres, mais il y a globalement ce retour de ta part aux guitares saturées avec en plus une fusion explosive avec des grosses mélodies pop contenues dans à peu près tous les instruments. C’est ton obsession des Strokes qui ressort enfin ?

Les Strokes ça s’entend déjà parce qu’on est tous obsédés par ce groupe, mais c’est plutôt pour l’avenir, avec une obsession pour Phoenix aussi pour le prochain qu’on est en train de terminer. Pour celui qui sort demain j’étais plus en mode Weezer, l’album bleu, un de mes disques préférés où il y a des mélodies en effet sur chaque instrument qui pourraient se suffirent à elles-mêmes. On voulait un contraste entre ça et un truc mur de son sur une guitare, on a tout enregistré en live, on déteste le piste par piste.

« Si j’avais pris des cours de chant, ce serait pire ».

Autre excellent point, on a l’impression que tu as enfin trouvé ta vitesse de croisière en terme de voix, après avoir pas mal expérimenté, on sent une assurance nouvelle doublée d’une émotion véritable quand tu attrapes le micro. T’as pris des cours ?

Si j’avais pris des cours ça serait pire. Ma voix était cachée par des effets avant, là on voulait garder une vraie pureté, comme dans un karaoké. C’était dur au début parce qu’avec les effets on est habitué à ce que les imperfections soient tuées, en plus je m’entendais dans les retours ce que je déteste, du coup les premières prises étaient atroces. On a dû tout refaire, je me suis bouché les oreilles et c’était parfait. On l’a enregistré le dernier jour, en séparé. […] C’était sport, et comme je peux détester un morceau d’une semaine sur l’autre, là on est allé vite en surfant sur cette énergie. On est pas les meilleurs non plus, Pavement a fait un disque en deux jours.

© Clara DeLatour

Comparé à tes deux disques précédents qui étaient parfois plombants, c’est gravement lumineux et bourré d’énergie vitale. Rassure-moi : tu serais pas devenu heureux ?

Je n’ai jamais été catastrophiquement malheureux. Je trouvais ça marrant de dire des choses gaies sur une musique déprimante pour le premier, et inversement balancer des choses déprimantes sur une musique lumineuse sur celui-ci.

Heureusement ces paroles – par ailleurs très drôles – nous rappellent que ton quotidien n’est pas aussi rose que ta nouvelle musique pourrait le laisser penser. Entre l’auto-dérision sur ton physique à la Cristiano Ronaldo, ton addiction à la TV pas encore résolue et tes vacances de merde où tu mets un K-way pour tromper l’ennui, ce disque est-il une chronique acerbe du quotidien et de l’ennui existentiel ?

Tu as parfaitement raison, cet album a été écrit durant le premier confinement, c’était très fort en terme d’ennui. J’avais absolument rien à raconter à part cet ennui diffus, et je me suis dit que plutôt que d’écrire des complaintes égocentriques, c’était mieux d’écrire des saynètes inspirées de films, comme j’avais rien d’autre à foutre à ce moment là que de mater ma TV.

Ouais, comme un jeu de miroir entre les films et ton ennui. Sur le sport, c’est hyper marrant, t’es toujours dans cette auto-dérision, tu parles de héros sportifs – ici inspirés du cinéma – mais au fond t’en as rien à foutre.

J’en ai pas rien à foutre, ce qui me passionne c’est la notion de performance sportive qui a inondé toute la société et que j’aborde avec dérision. C’est aussi une phrase que j’ai entendu dans Rocky 3 quand Apollo Creed dit à Rocky qu’il est un « athlète supérieur ». Et j’ai trouvé que ça ferait un bon titre. Je suis un sportif par procuration quand je regarde du golf, cette idée de vivre par procuration me fascine.

« Le terme «pop-rock», moi je l’adore, on l’utilise plus depuis la fin de Kyo, malheureusement ».

Ton disque qui hésite entre rock à la Strokes et langueur pop est bourré de tubes dont Weekend at Bernies et A Superior Athlete, tu penses que ça va enfin le faire pour passer sur Virgin Radio, la radio « pop-rock » ?

Là on n’a que FIP mais ça fait plaisir à mon père. Virgin Radio ? J’adorerais. Je vois que tu ironises sur le terme «pop-rock» mais moi je l’adore, on l’utilise plus depuis la fin de Kyo, malheureusement. On est obligé de dire «indie-rock» alors que ce qu’on fait c’est totalement du «pop-rock», ça me va très bien comme adjectif. N’ayons pas peur des mots ! 

Qui a trouvé cette mélodie dévastatrice à chanter dans les stades de football à la fin de Weekend at Bernies, celle qui part de la deuxième guitare électrique avant de nous faire jouir avec une explosion de chœurs ?

C’est moi, mais c’est Thomas qui la chante, j’ai appris à déléguer. La guitare qui appuie la mélodie c’est lui aussi. C’était le but de faire un peu n’importe quoi, car Thoineau aka Th da Freak m’avait conseillé d’être surprenant et de ne surtout pas me répéter d’un disque à l’autre, c’est eux qui m’ont donné cette confiance dans le fait de tenter des trucs nouveaux. Pour les stades de foot, c’était le but de faire une chanson pour les hooligans.

© Josiz Segu

On a donc gagné une mélodie pop de stade de football grâce à Thoineau. Il raconte quoi au fait ce film, Weekend at Bernies ?

C’est l’histoire de deux yuppies new-yorkais qui sont invités à passer un week-end chez leur patron qui se fait tuer. Une mauvaise comédie nourrie de dialogues grandioses, à la fois métaphysique et totalement absurde.

J’ai totalement bloqué sur le dernier morceau Tv in The Morning, pour ce mur de guitare grandiose que tu nous sors à la fin pour nous faire chialer tout en balançant un «Hein» et un «Ja la la la» tout simplement magiques. Tu peux me raconter ce moment dans cette maison ardéchoise ?

Ce morceau, je n’étais même pas sûr de le garder. Je voulais faire le truc le plus naïf et le plus simple possible, c’est les trois accords les plus élémentaires, et surtout terminer par un «Ja la la la», ce truc absurde issu des sixties qui n’a juste aucun sens, c’est un hommage à soixante ans de pop culture. Malkmus, que j’adore, fait souvent ça.

Tu sais ce qu’on dit, il y a rien de plus dur que d’atteindre cette fameuse simplicité. En dehors de ce final en apothéose, il s’est passé pas mal de choses dans cette maison paumée, entre amplis pétés et baignades en slip panthère, tu peux nous balancer les meilleures anecdotes ?

C’était en été, en pleine montagne, caniculaire. Un orage énorme. On s’est pris la foudre, les amplis ont grillé, ça partait très mal, la première boutique à deux heures de route. Il y avait un ruisseau au bout où on pouvait se jeter à tout moment. On a capturé un instant magique dans ce grenier, le son et le lieu sont liés. Je reviendrai, c’est tellement mieux qu’un studio classique, aucun voisin, on peut jouer aussi fort qu’on veut, merci Mamie ! D’ailleurs le troisième album, on part l’enregistrer dans quelques semaines, même période, même endroit, je suis superstitieux.

Hoorsees // A Superior Athlete // Sortie le 22 avril sur Howlin’ Banana Records et Kanine Records (USA)

Pour les fliquer sur Internet et accessoirement savoir où ils jouent, c’est par ici.

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