Si j'avais des gosses, je leur tatouerais volontiers le visage des cinq membres d'origine de Guns N' Roses. Parce que les Guns ont été le meilleur groupe de rock au monde pendant deux ans, parce qu'ils ont incarné toute la démesure et le mauvais goût du grand cirque rock'n'roll avant de se planter lamentablement, parce qu'on se marrait bien plus avec eux qu'avec les Strokes et Kanye West et que ce gang à santiags en peau de serpent est devenu le fossoyeur du hard rock en général.

????????????????????????Vingt ans après après les avoir délaissés, lassé d’écouter inlassablement les mêmes boucles synthétiques, j’ai succombé à la nostalgie et me suis enfilé l’intégrale des bons disques de Guns N’ Roses.  Trois albums donc, dont deux doubles : « Appetite for Destruction », « Use Your Illusion I » et « Use Your Illusion II ». Ce qui fait donc cinq disques, car 1+1+1=5 comme chacun sait. Soit tout autant que l’œuvre cumulée des Happy Mondays et Nick Drake, ce qui n’est pas rien.

Il y a toujours un risque à réécouter des vieux trucs qu’on a laissés prendre la poussière. Se souvenir par exemple qu’on fantasmait en ce temps-là sur des nanas qui s’habillaient chez Oxbow ou qu’on attendait des rockeurs qu’ils disent des choses pertinentes sur le monde dans lequel nous vivions. Quand on est gosse, on ne choisit pas son mode de vie, celui-ci nous est imposé, et le fait d’écouter du rock est une bonne manière de se rassurer en pensant qu’on a un peu de prise sur le sujet. Venons-en au fait : l’écoute de ces disques est une bonne surprise et l’exercice n’a rien d’embarrassant, bien au contraire. L’ensemble tient encore la route, exception faite de quelques titres qui n’étaient déjà pas terribles à leur sortie en 1991. Ces quelques heures de musique m’ont rappelé des tas de choses et c’est bien là ce que j’attendais de ce voyage dans le temps.

Je n’ai toujours pas compris pourquoi les Guns étaient autant détestés par une frange du public rock pourtant amateur de punk.

Metallica a suscité le même genre de réactions chez les puristes alors que leur premier album « Kill’em All » ressemblait à du Motörhead en plus varié – et donc meilleur – et que ces deux groupes ont connu un succès mondial parce qu’ils ont été inspirés par le punk et pas seulement par le hard rock; et leur musique y a gagné en spontanéité. Bien sûr, ce n’était pas très glorieux d’écouter les Guns à l’époque, ils étaient le groupe préféré des mecs en situation d’échec scolaire, ceux qui venaient en cours en survêtement et arboraient un duvet dégueulasse sur la lèvre supérieure. Mais ils incarnaient une certaine forme de classe, à défaut de bon goût et d’élégance. Alors que je n’ai jamais pu citer le nom des membres de Radiohead – ils m’ont toujours fait penser aux types falots que je prenais plaisir à harceler au collège –, c’était bien différent avec les Guns N’ Roses : je me souviendrai encore des noms d’Axl Rose, Slash, Izzy Stradlin, Duff McKagan et Steven Adler en maison de retraite dans trente ans, parce qu’ils avaient des gueules et une attitude qu’on n’oublie pas. A l’époque, j’étais un branleur et me suis énormément documenté sur eux au lieu de faire des choses intéressantes. Et je peux vous dire de mémoire – c’est-à-dire sans consulter Wikipedia – que W. Axl Rose est né William Rose en 1962 à Lafayette, un bled d’Indiana, qu’il a été élevé par un beau-père complètement tordu, qu’il fut abusé gamin, qu’il a grandi en tant que William Bailey (Bailey étant le nom de famille de ce fameux beau-père), qu’Axl Rose est l’anagramme d’oral sex et que c’est devenu son vrai nom, sur le plan officiel. Etc etc. On ne va pas refaire l’histoire, on la connait déjà. J’aurais pu dégager suffisamment de temps pour apprendre une langue morte si je n’avais pas consacré tout mon énergie à m’intéresser à ces conneries liées au rock quand j’étais au lycée.

En voyant leurs premières vidéos, ce fut un choc – pas un choc esthétique non plus, il ne faut pas déconner – tant ils rompaient avec leurs pairs : ces mecs ont enterré la concurrence en la ringardisant. Quand les autres groupes de hard rock jouaient pour la thune et les nanas, eux donnaient l’impression de s’en foutre, de n’être là que pour jouer et se défoncer. La misanthropie d’Axl Rose semblait non feinte. Cette façon qu’il avait de trépigner sur scène, dans le clip de Paradise City, perfecto blanc et bandana dans les cheveux était remarquable : le genre de petit roquet qui avait endossé le rôle du souffre-douleur étant môme et qui prenait sa revanche, une fois jeune adulte, en intimant au monde entier d’aller se faire enculer. En plus, il était roux, cas unique dans l’histoire du rock car même les Irlandais ayant percé comme Van Morrison ou U2 ne le sont pas, roux. Certes, Belinda Carlisle et Tori Amos sont rouquemoutes, mais ce sont des nanas : cela ne compte pas. C’était en 1987, année de la sortie d’« Appetite for Destruction » (qui détient toujours le record du premier album le plus vendu de l’Histoire).

On a assimilé les Guns au mouvement hair metal, tout ça parce que ses membres s’étaient installés à Los Angeles, et qu’ils cultivaient la transgression avec des looks de gitons, proches de ceux des New York Dolls quinze ans plus tôt. Tandis que le hair metal était superficiel et complaisant – les paroles évoquaient principalement le cul des filles et la vitesse –, Guns N’Roses avaient un truc en plus quand ils ont explosé cette année-là. On comprenait ce qui les animait et leurs préoccupations. Toujours dans cette fameuse vidéo de Paradise City, les quatre autres Guns paraissaient être des types franchement débiles et camés, mais ils jouaient vite et bien. L’ensemble avait de la gueule et tranchait avec le hard rock FM ultra formaté de l’époque, des trucs dégueulasses comme Def Leppard ou Poison : mélodies horribles et putassières, son clinquant et lisse, voix criardes et aigües. Cette musique était désagréable et ne nous apprenait rien sur ce que nous étions.

AppetitefordestructionAinsi leur premier album « Appetite for Destruction » était excellent et enchaînait les tubes. La pochette originale, signée Robert Williams, était démente : un monstre surgissait d’une palissade et s’apprêtait à attaquer un robot qui venait tout juste de laisser une femme pour morte sur le trottoir, violée et inconsciente. Geffen Records ayant refusé cette couverture trop transgressive, cette dernière fut remplacée par un tatouage d’Axl Rose plus anecdotique. Le verso de l’album montrait les cinq musiciens cramés avec une touche d’enfer : tatouages, santiags, foulards et futals en cuir. Ils n’en avaient rien à foutre et on se demandait bien lequel d’entre eux allait clamser le premier d’une overdose. L’album s’ouvrait sur Welcome to the Jungle, thème de La Dernière Cible, dernier volet de la série des Inspecteur Harry dans lequel le groupe faisait un caméo. La vidéo de cette chanson était décadente à souhait et aurait donné envie à des nonnes de se défoncer à mort. Le premier couplet d’It’s So Easy, le second titre de l’album, était un manifeste pour nous tous, les collégiens puceaux et binoclards qui auraient vendu leur mère pour bouffer de la chatte plutôt que faire leurs devoirs le soir. Axl Rose était notre porte-parole :

« Je viens de voir ta sœur dans sa robe du dimanche,
Elle est sortie pour se faire brancher, elle minaude à mort,
Elle est partie pour ramasser, même pas besoin d’essayer,
Prête à faire la grosse bêtise… »

On pouvait reprocher aux Guns N’ Roses d’être misogynes mais, à leur décharge, ils détestaient également l’autre moitié de l’Humanité.

La voix haute de Rose était hostile, on avait l’impression qu’on avait enregistré les séances de torture sur une hyène dans le studio. Ses hurlements de psychopathe se mettant à nu avaient quelque chose de touchant, comme si les abus dont il avait été victime enfant remontaient à la surface. Slash était Slash, soit l’un des rares guitaristes dont le son était identifiable au bout de deux notes, et il écrasait tout par sa technique, donnant l’impression de ne pas jouer avec le groupe mais en dehors. C’était au groupe à s’adapter à lui, pas l’inverse. Wikipedia dit de son jeu qu’il est chromatique : étant nul en solfège, je n’ai aucune idée de la signification de ce terme, mais c’est un joli mot chargé d’images et j’ai envie de le replacer ici.

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Slash ne paraissait faire aucun effort même s’il paraissait être un bon gars, né à Londres et éloigné du cliché redneck qui collait au groupe. “I was doing drugs then I wasn’t really drinking, and if I was drinking I wasn’t doing drugs – it was always one or the other.” : Slash était un fin gourmet, gastronome des toxiques : cocaïne, héroïne, pilules et alcool donc.

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Le bassiste Duff McKagan était un grand punk à la coule qui ressemblait à Nancy Spungen, avec du khôl sur les paupières et des cheveux peroxydés. Il s’enfilait un gallon de vodka et dix bouteilles de vin quotidiennement, en plus des opiacés (j’aimerais beaucoup que cette anecdote soit vraie mais suis sceptique quant aux quantités évoquées, ça me paraît vraiment beaucoup pour un seul homme, même s’il s’agissait de Depardieu ou Shane McGowan.) Son pancréas explosa consécutivement à ces abus et, une fois transporté à l’hôpital, les médecins constatèrent que son défunt organe avait atteint la taille d’un ballon de rugby, brûlé au troisième degré.

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Le guitariste rythmique Izzy Stradlin était un personnage intéressant : clone de Johnny Thunders qui voulait être lui-même être Keith Richards au même titre que Patti Smith, Stiv Bators ou Chrissie Hynde, il était un contributeur d’exception – un paquet des morceaux les plus mémorables du groupe sont signés de sa main – et son jeu faisait un parfait contrepoint au chant de Rose.

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Quant au batteur Steven Adler, on le remarquait plus pour sa coupe de cheveux semblable à celle de Bonnie Tyler que pour la finesse de son jeu. Cela n’enlève rien aux qualités d’« Appetite for Destruction » : cet album détonne au milieu de la production synthétique des années 80, et aurait pu paraître dix ans plus tôt ou plus tard qu’il aurait cartonné de la même manière. Seul le chant gueulard de Rose peut permettre d’identifier vaguement la période à laquelle il a été enregistré.

Les Guns N’ Roses deviennent le plus grand groupe au monde en 1991 au moment de la parution du quadruple album « Use Your Illusion », les deux longs volumes sont vendus séparément et ne sont pas considérés comme étant un diptyque par le groupe mais comme deux disques bien distincts, en dépit de leurs similitudes. Steven Adler est saqué en raison de sa toxicomanie, et son remplaçant Matt Sorum – blondasse à frisottis ressemblant à Jakie Quartz – n’est pas meilleur musicien que son prédécesseur, bien au contraire : les batteurs de Guns N’ Roses ont toujours été des cogneurs peu inspirés. Il est facile de se dire rétrospectivement que Dave Grohl aurait fait une très belle recrue, mais il explosait au même moment avec Nirvana. Un claviériste est également recruté par la même occasion.

Bien sûr, tout n’était pas génial dans les trente chansons publiées.

Il faut être déjà complètement défoncé et mégalomane pour penser qu’on a les qualités de composition requises pour imposer au monde non pas un mais deux disques au même moment. Quelles qu’en soient leurs qualités, « The Beatles », « Exile on Main Street » et « London Calling » contiennent des moments de faiblesse dont le grand public n’aurait jamais eu connaissance si leurs auteurs avaient mis leurs égos en veilleuse, s’étaient calmés sur la poudre et contentés d’un seul album. Ce sont des exemples parmi des tas d’autres. Le roboratif ensemble « Use Your Illusion » ne déroge pas à la règle : ça part dans tous les sens, c’est le bordel. On sent que les Guns ont voulu intégrer un certain nombres d’influences dans leurs compositions : rock n’ roll traditionnel, country, musiques classique et progressive, etc. On frôle l’indigestion à tout écouter d’une traite mais l’ambition est louable, car on peut même déceler certaines qualités aux pires morceaux. Sur November Rain, Rose se prend pour le nouvel Elton John et les pieds dans le tapis par la même occasion. Les power ballads étaient à la mode en ce temps-là et l’excès de sensiblerie dans le hard rock est toujours loupé, c’est ainsi. Mention spéciale à la pièce montée Estranged qui reste tout à fait écoutable du fait de sa construction élaborée, à moins que ce ne soit un excès de nostalgie de ma part, je ne sais plus trop.

Les compositions rapides du lot sont globalement accrocheuses et bien écrites, les paroles fluides et travaillées : on sent que Rose a plein de choses à exprimer. Les chansons Coma ou Locomotive avoisinent les dix minutes et Rose semble ne jamais pouvoir s’arrêter de chanter. Ses textes sont introspectifs – et poignants à l’occasion – quand, à la même époque, Aerosmith inonde la FM de ballades sur l’adolescence (Steven Tyler est déjà ringard depuis longtemps), Metallica fait la même chose avec des histoires de loups garous et de croquemitaines, et les Red Hot Chili Peppers chantent les méfaits de la drogue, l’amitié, les petites amies qu’on a follement aimées et autres fadaises. Guns N’Roses était à ses débuts un groupe ultra-référencé, dans le sillage d’Aerosmith, de Led Zeppelin et des Stooges. Ils écrasent toutes leurs influences parce que leurs excès les placent bien au-dessus de tout les groupes qui ont nourri leur créativité : par leur attitude, leurs compositions, leur interprétation et leur présence scénique. Ils sont les meilleurs pendant quelques mois. C’est là le zénith créatif d’Axl Rose et ses sbires, le nadir est pourtant proche.

Guns N'Roses Tour -  Sydney

Les vidéos hollywoodiennes, sans aucune espèce d’intérêt, reflétaient également leur ambition pharaonique, de longs clips à grand budget, emphatiques et démesurés. C’est un naufrage. Stephanie Seymour joue dans deux d’entre eux, c’est la petite amie d’Axl Rose à l’époque, ce qui est au moins aussi dingue que Linda Evangelista sortant avec Fabien Barthez après la victoire de la France en coupe du monde de football. Cela tranche avec les liaisons précédentes des Guns qui ont toujours eu un féroce appétit sexuel – parce leur statut de superstars le leur permettait, bien sûr – et ils se tapaient plus volontiers des pornstars et des strip-teaseuses que des agrégées de lettres classiques. La pochette n’est plus l’œuvre d’un artiste transgressif mais la reproduction d’un détail d’un tableau de Raphaël, L’école d’Athènes. Est-ce un besoin d’académisme pour être accepté par un public plus large ? Quand Welcome to the Jungle servait de bande-son pour l’Inspecteur Harry, You Could Be Mine est celle de Terminator 2, l’un des événements cinéma grand-public de l’année 1991. Clint Eastwood et Schwarzenegger, les deux personnalités hollywoodiennes les plus engagées politiquement, à droite toute : mairie de Carmel pour l’un et État de Californie pour l’autre. On n’est pas à une contradiction près même si le mélange des genre est chose courante dans l’industrie du spectacle U.S.

Les reprises – poussives – du double album sont celles de chansons non pas d’obscurs artistes punks mais de gens comme Bob Dylan et Paul McCartney. Trois ans auparavant, Guns N’ Roses était attaqué à juste titre pour les paroles homophobes et racistes de sa chanson One in a Million. Rose chante en duo avec Elton John à l’occasion du Freddie Mercury Tribute et s’affiche avec les membres de N.W.A, groupe fondateur du gangsta rap. Dans le cas d’Elton John, il n’est pas sûr que la démarche de Rose ne soit qu’opportuniste, le Britannique étant une influence manifeste du groupe sur certains morceaux. November Rain étant loin d’égaler la perfection d’une pièce montée du Britannique, comme Funeral for a Friend / Love lies bleeding.

Les Guns ne sont pas rentrés dans le rang.

La composition la plus virulente des Guns N’ Roses est peut-être l’hymne anti-journalistes Get in the Ring dans lequel le groupe exprime sa haine vis à vis de certains médias. Les contradicteurs sont cités et ce n’est pas sûr que Bob Guccione Jr. ait apprécié la question posée par Rose, lorsqu’il lui demande s’il est aigri parce qu’il a baisé moins de chattes que son père. Le texte est franchement drôle pour qui le lit au troisième degré. Le groupe continue à alimenter la rubrique “fait-divers” des journaux et il est aussi agréable de suivre leurs frasques que d’écouter leurs chansons : « Axl Rose agresse un voisin et lui fracasse une bouteille de vin dans la gueule », « Slash se bat ivre mort à la sortie d’un bar” », “Axl fracasse un businessman qui l’a comparé à Bon Jovi à une soirée”, etc.

La tournée mondiale qui accompagne la promotion de “Use Your Illusion” démarre quelques mois avant la parution des albums. Les concerts sont monumentaux, durent des heures et voient le charismatique Rose changer de costume à chaque chanson. Il sautille en slip avec des tenues pas possible, casquette en cuir et t-shirt Charles Manson, incapable de rester en place plus de deux secondes et parcourant la scène en long, en large et en travers. Magnétique et charismatique, Rose fascine. Le groupe donne un concert à Saint-Louis. Rose se plaint du laxisme de la sécurité avant de plonger dans la fosse pour cogner un type du public qui l’a pris en photo. Fumasse, il remonte sur scène, gueule un bon coup avant de fracasser son micro au sol : le bruit est assourdissant et le public chauffé à blanc. C’est l’émeute au cours de laquelle on dénombre des dizaines de blessés. Les livrets des deux disques à paraître contiendront le message suivant : « Fuck You, St. Louis! »

Totalement clean depuis 1990, Izzy Stradlin jette l’éponge et quitte le groupe : Slash, Duff et Sorum continuent à se défoncer et les côtoyer n’est pas facile. L’autre raison, c’est le comportement autocrate de Rose qui multiplie les retards aux concerts et souhaite revoir à la baisse les émoluments de son guitariste. Le groupe y perd beaucoup, tant l’apport de Straddlin au groupe était indéniable. Le meilleur morceau de « Use Your Illusion » était son œuvre. Si Double Talkin Jive – c’est son titre – s’ouvrait par les mots suivants « Found a head and an arm in a garbage can », c’est parce que Straddlin avait trouvé des morceaux de corps dans une poubelle à proximité du studio d’enregistrement. Son départ marque à mes yeux la fin de Guns N’ Roses. Quand Rose introduit ce morceau à l’Hippodrome de Vincennes, Rose se lance dans une longue diatribe contre Warren Beatty, ex de Stephanie Seymour, il l’agonit d’injures pendant un long moment. Le chanteur le traite de vieux fils de pute issu d’une lignée incestueuse : aujourd’hui, Rose a l’âge de Beatty à l’époque.

La tournée dure deux ans et demi et s’arrête à Nancy en fin de parcours. Je suis l’un des 20 000 spectateurs du public.

Une partie du public se tire lorsque Suicidal Tendencies achève son concert avant de laisser la place à Guns N’ Roses, dont le show apparaît formaté. Les musiciens sont des individualités qui font leur job mais ne communiquent plus entre elles, comme s’ils jouaient dans des cages de verres. Matt Sorum déroule un solo de batterie chiant à mourir et qui dure des plombes (la légende prétend que les autres Guns en profitent pour priser de la cocaïne en coulisses, tout en se faisant sucer par les choristes). Quand la légende dépasse la réalité, alors il faut publier la légende. Axl semble très éloigné des deux membres fondateurs restants, Slash et Duff McKagan. Les tensions sont accentuées par Rose le psychotique qui souffre en plus de bipolarité. « Je suis un psychopathe, mais je sais faire la part des choses : quand je dois tout détruire autour de moi et quand je dois être aimable avec tout le monde. » Il cogne Stephanie Seymour (il ne sera pas le seul membre du groupe à être accusé de violences conjugales) et leur relation s’achève.

Quelle suite donner à ce monument qu’était « Use Your Illusion » ?

J’imagine que le groupe amputé de Stradlin a dû explorer pas mal de possibilités,. Ce sera finalement un album de reprises punk, dont le titre « The Spaghetti Incident? » est une référence à une dispute entre Adler et Rose qui dégénéra ensuite en bataille de bouffe. Paru en 1993, ce disque m’a toujours paru anecdotique même si l’idée de reprendre des titres de Johnny Thunders, des Damned et Stooges était plutôt courageuse et à rebours de la stratégie précédente d’élargir le public du groupe. On ne mentionnera pas la vague polémique liée à la reprise d’une chanson de Charles Manson. Un an plus tard, Guns N’ Roses touche le fond en reprenant Sympathy for the Devil pour la bande originale du nanar Entretien avec un Vampire. Cette reprise anecdotique sera le dernier titre enregistrés par Rose, Slash et Duff. Ces deux derniers et Sorum quittent le groupe quelques temps plus tard, et Rose continuera seul l’aventure Guns N’ Roses en recrutant ça et là des musiciens salariés d’un groupe devenu une vaste blague. C’est pour le film Titanic qu’ils auraient dû composer, le paquebot prenant l’eau étant à l’image de ce groupe en perdition.

Le disque suivant sortira quinze ans plus tard, en 1998, avec l’arlésienne du rock « Chinese Democracy ».

Il est pénible à écouter mais on se fout bien de savoir ce qu’il contient : la question qu’on se pose, et à laquelle on n’aura probablement jamais de réponse, c’est de savoir ce qu’a fait Axl Rose pendant tout ce temps. Il se serait passé une douzaine d’années au cours desquelles Rose aurait élaboré ce disque. Comment a-t-il occupé ses journées ? Rose ne se défonçait pas autant que les autres membres du groupe et avait dit-on cessé la prise de drogues dures dès lors que son groupe avait acquis un niveau de notoriété important. Pendant tout ce temps, il n’a fait parler de lui qu’au travers de communiqués indiquant que le successeur de « Use Your Illusion I & II » était en bonne voie de parution. La bonne blague ! Plus personne n’attendait « Chinese Democracy », au même titre que le « Smile » des Beach Boys – les acides et les châtiments corporels parentaux ayant contribué à parts égales à l’inactivité prolongée de leur Brian Wilson de leader – , « Second Coming » des Stone Roses ou le successeur de « Loveless » que My Bloody Valentine n’aura finalement jamais publié.

al-malnik-nancy-michael-jackson-food-storeQuelques semaines après la mort de Michael Jackson en 2008, des photos de lui récentes ont surgi sur Facebook : on le voyait en train de faire ses courses au supermarché, un sourire un peu forcé donnant un air d’humanité à son visage inhumain, posant avec des gens ordinaires. Ces clichés avaient ceci de fascinant qu’on pouvait difficilement imaginer Bambie habillé comme la voisine, débarrassé de ses oripeaux de pop star, et pour aller se procurer du dentifrice et de la 33 Export au Walmart du coin. Ce n’était tout simplement pas concevable : il ne pouvait pas rejoindre la vie réelle ainsi, on n’attendait pas ça de lui parce que toute sa légende s’était construite en contradiction avec ce type de situation triviale. Et bien peut-être Rose a-t-il tenté d’adopter une vie normale pendant tout ce temps, défoncé au Lithium ? Je rêve de lire sa réponse sur le sujet même si j’imagine que le journaliste qui se risquera à lui poser la question prendra le risque de se prendre une table basse en pleine gueule. L’évolution physique de Rose avait de quoi laisser perplexe, entre surpoids, chirurgie esthétique et look douteux : il semble que sa créativité se soit émoussée en même temps que son corps. Sa période créative aura duré cinq ans.

Axl Rose a toujours collectionné les inimitiés : Metallica, la presse, Nirvana… Kurt Cobain et Rose se détestaient ouvertement, les médias en rajoutant sur la dichotomie entre la vulgarité de Rose et l’authenticité de Cobain. Je trouve pourtant plein de points communs à ces deux artistes, rejetons les white trash d’une Amérique malade qui ont exprimé leur malaise en musique. Duff McKagan est d’ailleurs l’une des dernières personnes à avoir vu Cobain vivant puisqu’ils voyagèrent quelques jours avant son suicide dans le même vol à destination de Seattle. Les deux junkies purent échanger sur leurs addictions. Cinq ans plus tard, c’est Eminem qui reprendra la succession d’enfant maudit de l’Amérique blanche, et la place est actuellement vacante depuis le retrait plus ou moins choisi de ce dernier. Comme si les attentats de 2001 avaient détourné le regard des Américains vers l’extérieur de leur territoire, et que les musiciens WASP avaient dorénavant moins de choses à dire sur la société dans laquelle ils vivent, ou que leurs propos avaient une moindre portée.

Les mythes ne sont intéressants que quand ils s’écornent et que l’on peut en toucher du doigt la part obscure.

Concernant Guns N’ Roses, la fêlure a toujours été visible et l’ensemble fonctionnait très bien ainsi parce que le groupe était supérieur à la somme des individualités qui le composaient. Une fois séparés, les membres furent condamnés à la médiocrité. Duff McKagan, Slash et Matt Sorum ont remonté un groupe avec un autre bipolaire notoire, Scott Weiland des Stone Temple Pilots. Cette fois, c’est eux qui ont viré le chanteur lorsqu’il dépassa les bornes. Izzy Stradlin avait alors refusé de rejoindre ce nouveau groupe, appréhendant les conflits d’égos potentiels. Aucun des musiciens de Guns N’ Roses n’a su évoluer, et tous sont ringards et prisonniers de leur image d’il y a vingt-cinq ans. Slash, pathétique, continue à donner des concerts avec son haut de forme et ses pantalons en cuir, comme s’il ne s’était rien passé depuis 1990. Si Nirvana a contribué à ringardiser les Guns N’ Roses, ce sont ces derniers qui auront été les fossoyeurs d’une certaine idée du rock ‘n’roll, bien futile en 2015. Après eux, il n’y aura plus guère qu’Oasis pour incarner toute la démesure et les excès du genre. Le dernier bon disque des Anglais est sorti il y a maintenant vingt ans… Rideau.

13 commentaires

    1. Monroe est un ami proche de Rose, il aurait des explications sur son retrait, et ses activités d’alors. Il se pourrait qu’un article d’un prochain Gonzaï magazine traite ce vaste sujet !

  1. Oui c’est aussi un poto de Slash. Il monte sur scène avec lui de temps en temps. Il pourrait jouer l’entremetteur pour les rabibocher…tu parles pas de la reformation avec line up original qui est tant attendue depuis si longtemps et avec tellement de tunes en jeu.. Moi je trouve cela romantique qu’ils ne le fassent pas.

  2. Que dire de ce pamphlet tout pourri…. déjà, tu oublies un petit peu l’album « LIES », sorti en 1988…
    Ensuite tu fais une compilation de mauvais site, de Wikipourri, de forums regroupant des ados pré-pubères qui pensent tout savoir de tout…

    Moi je dis, quand on a que ça à dire, on ferait mieux de fermer sa gueule!!!!

    bisous quand même !

  3. Un super article, agréable à lire, bien rédigé, subjectif certes mais qui rappelle les faits essentiels ! Un bon moment de lecture, et de nostalgie aussi, alors même que je suis née quand les GnR étaient à leur apogée… trop tard, donc.

  4. C’est bourré d’anneries tu as acheté un article et l’auteur s’est foutu de toi ! « Trois albums donc, dont deux doubles : « Appetite for Destruction », « Use Your Illusion I » et « Use Your Illusion II ». Ce qui fait donc cinq disques, car 1+1+1=5 comme chacun sait. » T’es pas sérieux là !? Et ça :  » LE DISQUE SUIVANT SORTIRA QUINZE ANS PLUS TARD, EN 1998, AVEC L’ARLÉSIENNE DU ROCK « CHINESE DEMOCRACY ». Tu délires !!!

  5. Article demi intéressant… Car l auteur n’a manifestement jamais écouté G n’ R….
    Rien d’ intéressant.

    Aucune source …. Presque un article de merde

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