Je me rappelle un millefeuille que j’avais acheté dans une pâtisserie à Tokyo, un millefeuille très bon, qui ressemblait vraiment très précisément à l’idée que l’on pourrait se faire d’un millefeuille, comme si la quantité de crème était mesurée au millimètre, le glaçage réalisé par des machines d’une extrême précision, et pourtant j’ai toujours été perturbé de ne pas sortir de cette pâtisserie pour me trouver sur la place d’une petite ville du Loir-et-Cher. Chaque fois que je vois Guitar Wolf en concert, je pense à ce millefeuille.

Guitar Wolf est un groupe de garage punk-rock japonais, qui livre avec la précision d’un camion UPS des sets énervés à souhait, mais empreints d’une dimension rituelle qui en fait toute la saveur. Si Guitar Wolf envoie son rock crade, porté par un guitariste charismatique et un batteur sauvagement efficace, c’est bien la dimension visuelle qui fait des Japonais un groupe à voir sur scène, si possible près de la scène si l’on veut avoir l’honneur d’y monter pour un bœuf. Car Guitar Wolf, c’est d’abord un doxa, une certaine idée du rock. Les membres de Guitar Wolf, en arrivant sur scène, prennent des poses qu’on dirait sorties tout droit du Rock’n Roll Hall of Fame, perfectos cloutés, médiators tendus vers le ciel, mimiques enragées ; Guitar Wolf s’engouffre dans la pantomime du rock, et c’est en général là que ça dérape.

Comme avec le millefeuille, Guitar Wolf est presque trop parfait et il s’invite en concert un second degré jouissif. Que ce soit cette habitude du batteur de se recoiffer tout en continuant à marquer le rythme, cette manie de prêter sa guitare à un type dans le public ou cette tradition de faire sur scène une pyramide humaine, de préférence en mettant des filles à la base et de solides buveurs de bière au sommet, pour finalement se hisser au sommet et chanter un demi-couplet avant que tout le monde ne s’effondre dans la fosse. Guitar Wolf c’est tout cela, et tandis que les lumières sont rallumées, que le public a presque vidé la salle, c’est le guitariste qui revient balancer un solo, une manière bien japonaise de dire : « Alors bande de nazes ! On se dégonfle ? ».

http://www.myspace.com/guitarwolfjet

1 commentaire

  1. Coincidence mais j’ai vu cette semaine le film Wild Zero, une zederie zombiesque avec Guitar Wolf dans des roles importants. Film bancal mais sympa et beaucoup de musique du groupe. Pour ceux qui aiment…

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*
*

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

partages