Je crois que je me morfondais. Une ambiance aigre et une mauvaise lumière, la puanteur de Nanterre. Pas très loin, les tours vitreuses de la Défonce. Trop à l’Ou

Je crois que je me morfondais. Une ambiance aigre et une mauvaise lumière, la puanteur de Nanterre. Pas très loin, les tours vitreuses de la Défonce. Trop à l’Ouest pour refléter quelque chose de nouveau qui pourrait m’exalter. J’ai choisi une webradio quelconque, cliqué à droite à gauche, et j’ai prié les dieux du social-ranking et du cross-selling de m’envoyer aux tympans un peu de grâce.

 

Le web 2.0 promettait l’ « intelligence de la masse »… et rend un goût de musique beaucoup trop markettée. Beurk.

 

Coldplay. Coldplay… oui. J’ai comme un pressentiment. Je cherche dans mes mails la dernière newsletter que m’a expédié le site officiel du groupe. Date des tournées… non… Remise des Grammy Awards… non plus. Voila ! A la fin du message cette phrase au link sibyllin : « A propos of nothing, we’ll leave you with this »

 

Encore un clic. Play. Crépitements. Pixels. Beat.

 

Rock me Amadeus, trois minutes diaboliquement cinglantes. Qu’il faut réécouter immédiatement si l’on veut au moins essayer de comprendre cette copulation sonore. Accouplement baroque d’une rythmique rock grimée d’un demi-millier de samples et de backing-vocals Hip-Hop tellement travaillées qu’on pourrait les confondre avec du… chant russe orthodoxe. Sur lequel Falco, Master of Ceremony à l’élégance toute viennoise, débite un flow mixé d’allemand, et d’anglais, de riffs aux pentatoniques authentiques.

 

S’il peut sembler absurde que’une telle musique puisse sonner juste et rap, au pays du jodl, Falco mérite l’adjectif « rock » plus que quiconque.

 

Son passé est assez trouble. D’indigentes biographies brodent autour d’une enfance prodigieuse. Né avec l’oreille absolue et un talent musical précoce qui le mènent au Conservatoire de Vienne, Falco pourrait être la trop évidente réincarnation de Mozart. Certes. Puis, impossible d’en savoir plus sur son arrivée à Berlin en 1977 où se tramait pourtant l’expérience berlinoise de Bowie, Eno et consorts.

 

De fait, les premiers albums, (dont Junge Römer est la perle d’entre les perles), brillent de la voix de ces maîtres.

 

Mais Rock me Amadeus vient assurément du black New York où Falco débarque en 81 pour fréquenter les ghettos Hip-Hop et remporter le titre de « erste weiße Rapper ». Pourquoi pas ? La technique est évidemment celle du Rap, et le dialecte viennois remplace merveilleusement le slang. Le « premier Rapper blanc » ne fut pas un Anglo-saxon, ni même Français dont on sait pourtant la prétention à l’avant-gardisme.

 

Du Rock au Rap : un seul pas sur la planche de salut d’un genre liquidé, qui cherche désespérément à cette époque, une renaissance dans la fusion de musiques ennemies.

 

Je sais pourtant inutile d’essayer de mettre un nom exact sur ce style extravagant qui tient autant de Bomb the Bass que de Public Enemy, des Red Hot Chili Peppers… tous devancés en fait. Car en 1986, pendant qu’une petite localité ukrainienne diffusait dans l’atmosphère du Césium 135, la FM ne répandait qu’une irritante synthé-pop et un carcinogène Stadium Rock.

 

Alors, d’où Falco a-t-il tiré cette musique inouïe ? Autant se demander pourquoi une sonate de Beethoven swingue, ou pourquoi douze mesures d’une impromptue de Schubert bluesent : I, IV, V, turnaround, and twelve bars again…

 

Falco fut une superstar rock l’espace d’un instant… puis honni, accusé de kitscherie par les fats chroniqueurs des Inrock’ qui se réjouissent de sa mort en des termes ignominieux. Sa seule faute finalement, serait de ne pas être anglais ou américain. La scène rock d’Europe centrale a été largement méprisée. La tyrannie du (bon) goût anglo-saxon maintient un rideau de fer qui relègue l’électro tchèque, le foutu rock russe, le rock-fusion balkanique (manele), au rang de world music de pauvres bohémiens en anorak flashy.
Moi, je dis que c’est à MGMT, Justice, Arcad Fire, Poney Express et alii, d’aller se rhabiller…
Je ne trouve plus ici le frémissement musical que j’attends, quelque chose de mieux que le Futur Sound of Courbevoie : passable pop-rock anglaise, folk triste et branleur, électro qui ne fait plus la blague. Je prends donc le pari d’aller chercher du nouveau à l’Est, par la ligne 7bis. Descendre à la station « Danube ».

 


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