Le groupe nantais sortira le 20 mai l’album « Hyomon-Dako / Magnésie », un disque composé de deux morceaux de 20 minutes à situer quelque part entre le krautrock, le minimalisme et l’indus.
Si toutes les études sérieuses sur le sujet montrent une triste réalité — les chansons sont de plus en plus courtes et les ponts n’existent presque plus —, des artistes résistent et continuent leur suicide musical en balançant des morceaux complexes, sans refrain, sans parole, qui durent des plombes et qui se développent comme une maladie foudroyante pour atteindre les zones les plus sensibles de votre corps. Est-ce que Spelterini rentre dans cette catégorie ? Absolument.
Tension, risque, sérénité, accalmies, grincements de dents, backside 180 : « Hyomon-Dako / Magnésie » est un disque brut, obscur et hypnotique qui vous attrape à la gorge et vous serre de toutes ses forces en espérant vous asphyxier. En misant sur l’idée de transe et de répétition, les Nantais ont réussi à créer une œuvre mouvante, protéiforme, colérique et agressive. Alors oui, c’est un album qui nécessite de la concentration et un peu de courage. Mais vous n’allez pas baisser les bras comme des lâches ? Non, et ça tombe bien.
Ça tombe bien puisque Pierre-Antoine Parois et Arthur de La Grandière (Papier Tigre et La Colonie de Vacances) accompagnés de Meriadeg Orgebin et Nicolas Joubaud (deux ex-Chausse Trappe) partagent en avant-première mondiale la face A de l’album, le nerveux Hyomon-Dako. Petit conseil puisque vous risquez de décrocher autour des 8 minutes. Allez vous faire un café puis revenez pour écouter le final, qui débute vers 12:04. Et comme le morceau dure à peu près le même temps qu’un épisode The Office, ça vous laisse le temps de lire l’interview avec Meriadeg plus bas.
Qu’est-ce qui a motivé la création de ce nouvel album, et quels sont les changements que vous vouliez opérer par rapport à « Paréidolie » sorti en 2022 ?
Meriadeg Orgebin : L’album « Paréidolie », plus ambiant, était le résultat de la période Covid avec ces concerts masqués et assis, qui avait coïncidé avec une envie d’explorer au-delà de l’ADN rock du groupe. Une fois sortis de ça, nous avons eu une furieuse envie de renouer avec quelque chose de plus direct, de moins contenu et cérébral, plus transpirant et libérateur en quelque sorte.
Est-ce que ce disque est plus accessible, musicalement, que les deux précédents ?
La question de l’accessibilité dépend énormément des goûts de la personne qui écoute. Peut-être que cet album l’est pour un plus grand nombre parce qu’il se réfère à une esthétique plus rock ou parce qu’il est moins minimaliste. Mais pour une oreille plus habituée à la musique électronique, ce disque sera peut-être perçu comme plus violent, voire un peu agressif. Je ne sais pas s’il y a une réelle simplification dans le processus. C’est peut-être davantage le dispositif batterie/basse/guitare qui, permettant une expression plus directe de l’énergie, donne l’impression de quelque chose de plus fluide. Après, nous avons joué ce répertoire en concert pas mal de fois avant de l’enregistrer, comme en musique classique, et je pense que ça participe beaucoup au ressenti final.
J’ai lu que le krautrock a été une influence : quels groupes en particulier, et comment s’est traduite cette influence sur le disque ?
Le krautrock n’est pas forcément une influence complètement partagée dans le groupe, bien que certains aspects de notre musique peuvent y être associés. Ici, c’est peut-être le côté répétitif et long-format de notre musique qui nous en rapproche le plus. Pour ma part, c’est surtout les premiers albums de Faust et de Can qui ont été importants dans mon parcours de musicien. Faust pour le côté polymorphe, explorateur sans concession. Et puis je suis un fan absolu de la section rythmique de Can avec Jaki Liebezeit et Holger Czukay.
Donnez-nous des bons arguments qui nous pousseraient à écouter cet album plutôt que le prochain best-of de Louane ?
Cet album est garanti sans mélodie entêtante (ou vers d’oreilles selon Johann Mazé). Si votre lecteur joue un morceau en boucle, vous ne vous en rendrez pas compte. Et si ce qui vous dérange chez Louane c’est le texte, avec Spelterini, il y a déjà un problème de réglé.
L’album « Hyomon-Dako / Magnésie » sort le 20 mai sur Kythibong.
En concert ici :
20.05 – Montreuil – Nouveaux Sauvages
21.05 – Tours – Le Jericho
22.05 – Clermont-Ferrand – Le Lieu-dit
23.05 – Bordeaux – Cumulus
24.05 – Nantes – Le Printemps