12 mai 2025

Joe Walsh, prodige oublié

Joe Walsh ressemble aujourd’hui à une vieille cougar californienne péroxydée. Pourtant, il fut l’un des guitaristes-chanteurs-compositeurs les plus originaux et créatifs des années 1970, et son nom est surtout attaché à l’histoire des Eagles. C’est grâce à ses talents de multi-instrumentiste, de compositeur et de guitariste hors-pair que le groupe va cartonner avec le premier album sur lequel il figure : « Hotel California ». Dès ce moment, sa carrière va évidemment décoller, mais va aussi subir un tournant où l’écriture va lentement s’émousser dans le confort des vies de patachons millionnaires cocaïnomanes. Pourtant, de 1969 à 1976, Joe Walsh a été essentiel pour la musique rock américaine.

Joe Walsh est né Joseph Woodward Fidler le 20 novembre 1947 à Wichita dans le Kansas. Il est le fils d’une professeure de piano, Helen Fidler, et d’un pilote d’essai de l’armée américaine, Robert Newton Fidler. Ce dernier se tue le 22 juillet 1949 alors qu’il est en train de mettre au point l’un des premiers avions supersoniques US vers la base d’Okinawa : le Lockheed F-80 Shooting Star. Trois ans plus tard, Helen Fidler se remarie avec un autre homme, qui adopte le petit Joseph. Ce dernier change alors de nom en Joseph Fidler Walsh, du nom de son père et de son beau-père. Cela facilite notamment l’accès au système de santé et à l’inscription à l’école.
Joseph Walsh et sa famille déménagent assez souvent, passant de Columbus dans l’Ohio à New York puis Montclair dans le New Jersey. Tout le monde suit les activités professionnels du beau-père. Cela ne perturbe pas trop la scolarité du jeune Joseph. Par contre, la découverte de la musique rock avec le Walk Don’t Run des Ventures va avoir davantage de conséquences. A dix ans, il se fait offrir sa première guitare, et se passionne pour le rock anglais du début des années 1960 : Beatles, Rolling Stones, Kinks, Who… Walsh continue néanmoins ses études et travaille très sérieusement à un diplôme d’anglais et de musique. Il intègre la Kent State University dans l’Ohio en 1965. Parallèlement, il fonde son premier groupe : The Measles. Parallèlement à des études très sérieuses, il réussit à faire enregistrer un simple sur le label Cameo sous le nom de Ohio Express.

James Gang

En 1965, le batteur Jim Fox fonde à Cleveland le groupe James Gang. Il joue une mixture de rock anglais et de rhythm’n’blues. Tom Kriss en est le bassiste, Glenn Schwartz le premier guitariste stable, Phil Giallombardo le claviériste et chanteur. Le James Gang tourne dans le circuit de Cleveland et Akron, et joue logiquement à l’université de Kent, parfois en compagnie des Measles. Schwartz et Walsh sympathisent, et décident de faire jouer leurs deux groupes ensemble plus régulièrement, chacun ayant son petit public.
Mais à l’approche de Noël 1967, Glenn Schwartz se retrouve dans une panade personnelle. Il vient de refuser de répondre à son appel pour partir à l’Armée et combattre au Vietnam. Il est considéré comme déserteur. Par ailleurs, sa femme est en train de le quitter. Il se sauve donc précipitamment vers la Californie, où il réapparaîtra aux commandes du groupe Pacific Gas & Electric.
Schwartz ayant disparu sans laisser de traces pour ne pas se faire serrer par la Police Militaire, James Gang se retrouve sans guitariste. Walsh propose alors ses services, trouvant la musique du groupe de Jim Fox plus en adéquation avec ses aspirations personnelles. James Gang avance alors en quintette avec Bill Jeric à la seconde guitare. Giallombardo s’en va pour continuer ses études. Jeric part ensuite. Ce dernier est remplacé par Ronnie Silverman, qui avait fait partie du groupe, et qui vient de revenir du Vietnam après avoir accompli son service militaire. Nous sommes au printemps 1968, et James Gang est un quatuor à deux guitares, un peu comme Quicksilver Messenger Service, l’un des groupes phares de la scène psychédélique de San Francisco.

Le 9 juin 1968, James Gang a l’opportunité de jouer en première partie de Cream. Le concert se tiendra à la Grande Ballroom de Detroit. Silverman lâche au dernier moment le James Gang. Le groupe, qui a cruellement besoin d’argent, décide de monter sur scène en trio, et s’en sort remarquablement. Walsh comprend alors toute la liberté que peut lui apporter ce format de groupe.
James Gang signe avec le manager Mark Barger, qui les met en contact avec le producteur Bill Szymczyk, qui travaille pour le label ABC. En janvier 1969, James Gang signe avec la filiale de ABC Bluesway Records. Le trio part aussitôt aux studios Hit Factory de New York pour enregistrer un premier album avec Bill Szymczyk. Il grave son répertoire de scène, composé de plusieurs reprises largement réarrangées comme Bluebird de Stephen Stills, Lost Woman des Yardbirds ou Stop de Mort Shuman, mais aussi de quelques chansons originales très réussies comme Take A Look Around ou Funk #48. « Yer’ Album » sort en mars 1969 réussit à monter à la 83ème place du Top 200 US, et à la 79ème place du Top 100 canadien.
Les choses s’accélèrent pour le James Gang. Les dates abondent, et Bill Szymczyk réussit à placer le trio avec deux titres originaux (Laguna Salada et Country Fever) sur la bande originale du western psychédélique de George Englund, « Zachariah », qui ne sortira qu’en 1971. Walsh tient encore le rythme, alternant ses études et son groupe. Pour Tom Kriss, les choses tournent malheureusement mal. Son père, qui a travaillé une bonne partie de sa vie dans la société Alcoa qui produit de l’aluminium, est atteint d’un cancer lié aux multiples produits chimiques utilisés dans cette industrie. Il préfère partir en novembre 1969. Il est rapidement remplacé par Dale Peters pour continuer à assurer les concerts.

Ohio

Joe Walsh vit une intense activité personnelle entre ses études et le décollage du groupe dont il fait partie, et qui commence à dépendre de sa plume créatrice pour les morceaux originaux. En novembre 1969, James Gang se retrouve à nouveau en studio, au Record Plant de Los Angeles, toujours sous la houlette de Bill Szymczyk. Le son est plus live, les compositions plus mordantes. Walsh s’inspire de Led Zeppelin, mais aussi du climat politique américain de plus en plus violent, lié à la protestation des jeunes américains contre la Guerre du Vietnam. Mais à ce moment, rien n’annonce le coup de théâtre qui va transformer Joe Walsh.
Le 1er mai, le Président Richard Nixon annonce une expansion de l’intervention militaire américaine au Vietnam vers le Cambodge où circule la route alimentant les troupes Vietcong. Des heurts débutent dès cette date, avec des rassemblements sauvages, des confrontations avec la police, et quelques feux de barricades. L’État de l’Ohio commence à faire remonter des messages alarmistes sur la situation quasi-insurrectionnelle locale, et craint pour la manifestation officielle prévue le 4 mai à l’Université de Kent. La Garde Nationale est appelée, et ce qui devait être une nouvelle protestation pacifique avec déjà deux mille personnes tourne à la bataille rangée. Les militaires tirent des fumigènes pour disperser la foule, mais les étudiants refusent de quitter leur campus. Des tirs à balles réelles commencent à éclater dans une confusion totale. Quatre étudiants tombent raides morts, neuf sont très gravement blessés. Joe Walsh fait partie des étudiants qui manifestent, et il est le témoin des fusillades et des victimes qui tombent au sol. Il est traumatisé. Sa foi dans les Etats-Unis et ses études explosent. Il quitte aussitôt l’université, et devient musicien professionnel pour porter sur scène sa colère.

Lorsque sort l’album « James Gang Rides Again » en juillet 1970 avec le trio posant au verso en cuir et sur des motos empruntées à des bikers, on pense que tout est lié. Il n’en est rien. La musique a été captée bien avant les évènements du 4 mai 1970. Cependant, on ne peut écouter la fantastique suite The Bomber sans avoir les souffrances de Walsh en tête ce jour-là. Le morceau évoque en effet les contradictions et la folie d’un pilote de bombardier. C’est une pièce de génie qui intègre le Bolero de Ravel à la guitare, et qui par sa construction aussi originale que protestataire dévoile déjà l’engagement anti-Guerre du Vietnam de Joe Walsh face aux images de pilonnage au napalm. Le reste de l’album est constitué d’un excellent heavy-blues charnu avec Woman ou l’immence Funk #49. Il y a aussi des merveilles mélodiques où Walsh joue de l’orgue comme sur Tend My Garden, et où il développe des ambiances subtiles à la guitare acoustique comme sur Ashes, The Rain And I.

Comme Eric Clapton avec Derek And The Dominos, Walsh tente de se cacher derrière le nom d’un groupe. Il n’a pas le courage d’assumer une carrière sous son seul nom.

Juste avant la sortie de « James Gang Rides Again », au printemps 1970, James Gang assure six dates en première partie des Who. Après le set de Pittsburgh, Pete Townshend, le leader des Who, les invite pour une tournée commune en Grande-Bretagne. Joe Walsh ravit les Who, mais aussi Peter Green de Fleetwood Mac et Eric Clapton qui joue sous le nom de Derek And The Dominos. Les musiciens jamment d’ailleurs ensemble sur scène, notamment à la Boston Tea Party. Le disque atteint la 20ème place du Billboard US et le statut de disque d’or. Il se classe également 13ème des ventes au Canada.

Un trio en sursis

A l’automne 1970, le James Gang assemble un troisième album au Record Plant Studio de Los Angeles et au Cleveland Recording Company de Cleveland. Bill Szymczyk produit encore, mais avec le trio le surveillant de très près. L’album « Thirds » propose notamment le petit hit nommé Walk Away, un joli uppercut proto-hard-rock.

Plus encore que le disque précédent, Walsh manipule les langages et les univers sonores avec brio. « Thirds » propose encore un vaste échantillon de compositions et d’instrumentations qui pioche dans le hard-rock, la musique californienne, les balbutiements progressifs, le country-rock et le blues. On sent avec « Thirds » que Joe Walsh veut explorer de multiples univers, et que le hard-rock ne lui suffira pas. Midnight Man, Again ou White Man/Black Man montrent une propension de Walsh à s’aventurer dans la musique sans limites. Le disque n’est évidemment pas assez directement hard-rock. Malgré un nouveau disque d’or, ABC n’est pas satisfait. « James Gang Live In Concert » sort en septembre 1971, et propose le concert du 15 mai de la même année au Carnegie Hall de New York. La pression est gigantesque sur le James Gang alors qu’il joue en première partie de Grand Funk Railroad, Kinks, et Humble Pie. Après la sortie du live, le James Gang est décapité par le départ de Joe Walsh, qui n’aspire qu’à se reposer. Auparavant en décembre 1971, Steve Marriott lui propose de remplacer Peter Frampton au sein d’Humble Pie, mais il refuse. Il s’installe au pied des montagnes du Colorado, et commence à écrire de nouvelles chansons.

Comme Eric Clapton avec Derek And The Dominos, Walsh tente de se cacher derrière le nom d’un groupe. Il n’a pas le courage d’assumer une carrière sous son seul nom. Il s’agit d’un nouveau trio nommé Barnstorm avec Joe Vitale à la batterie et aux claviers, Chuck Rainey à la basse rapidement remplacé par Kenny Passarelli, et bien sûr, de Joe Walsh à la guitare, au chant et aux claviers. Le trio assemble ensemble dix morceaux, et les enregistre au Caribou Ranch de Walsh avec Bill Szymczyk à la console. Le guitariste a décidé de rompre avec le hard-rock. Avec l’aide de Vitale, la musique se fait plus folk, country et blues. Elle est luxuriante, à la fois mélancolique et lumineuse. Il y a toutefois de la technologie sur certains morceaux, puisque Walsh prend attache avec Pete Townshend des Who pour demander des conseils afin de maîtriser le synthétiseur ARP Odyssey. Walsh empile les couches de guitare acoustique, de slide, de fuzzbox, d’orgue, de piano et de synthétiseurs. Sa technique de la slide-guitare, très chantante, lui a été enseignée par l’un des meilleurs du genre : Duane Allman. La rythmique de Vitale et Passarelli a un groove moelleux, entre funk et rock californien. « Barnstorm » est d’une très grande beauté. On s’immerge dedans dès les premiers accords de Here We Go. Il plane une aura magique sur ces chansons que l’on ne retrouve que très partiellement chez d’autres, y compris chez Neil Young. Les tempos mid sont fréquents, les riffs grondent encore, mais l’instrumentation riche fait que Barnstorm n’a rien à voir avec du hard-rock. On peut presque parler d’orchestration tant les couches d’instruments, nombreuses mais toutes bien audibles, emmènent l’auditeur dans un voyage sonore étonnant. Giant Behemoth et ses nappes de piano électrique lacrymales, Mother Says, Home ou le génialissime Turn To Stone sont autant de pierres angulaires d’un artiste brillant qui vient littéralement d’éclore.

 

Une carrière solo en pleine ascension

« Barnstorm » sort en octobre 1972, mais ne trouve pas son public. Il atteint la 79ème place des ventes aux USA. Le nom de Joe Walsh a pourtant été ajouté sur la pochette au dernier moment. Mais ce disque avec sa vieille cabane branlante en pochette, et qui ne propose pas de hit (il n’y aura aucun single extrait), n’attire ni les radios, ni les fans potentiels.

Le show-business rock adore Joe Walsh, qui devient le pitre régulier des soirées.

Walsh est prié de retourner en studio et dès la fin 1972, Walsh, Passarelli et Vitale, complétés par le claviériste Rocke Grace, se partagent entre le Record Plant de Los Angeles et le Caribou Ranch. Bill Szymczyk est toujours aux manettes. Le 18 juin 1973 sort « The Smoker You Drink, The Player You Get », dont l’intitulé laisse transparaître l’humour caustique de Walsh. S’il s’agit du second album de Barnstorm, il est promotionné d’entrée sous le nom de Joe Walsh. Musicalement, il est également plus accessible en n’étant pas moins riche musicalement parlant. Disons que le groupe a injecté un peu plus de boogie dans sa musique, et cela marche. Le simple Rocky Mountain Way se classe 23ème des ventes US et 31ème au Canada. Il emmène le disque à la 6ème place du Top 200 du Billboard qui atteint le statut d’or. Joe Walsh est devenu un artiste majeur aux Etats-Unis.
Ce second album a toutes les qualités d’un grand disque, à nouveau. Il mêle boogie, jazz, folk et même des rythmes caribéens, comme sur le bel instrumental Midnight Moodies. Walsh dessine à nouveau cette atmosphère très particulière à la fois mélancolique et rêveuse, comme un soleil pâle sur une plage. Cela contraste fortement avec ce que le personnage est en train de devenir. Bon camarade, drôle, un peu provocateur, il ne refuse jamais un verre à boire et devient le copain de tout le monde. Il l’est déjà de Pete Townshend qui admire son talent de guitariste et d’arrangeur ainsi que son humour. Le show-business rock adore Joe Walsh, qui devient le pitre régulier des soirées. Il est aussi toujours dans le spectre de l’histoire du rock. Il va ainsi vendre une Gibson Les Paul Standard 1959 en 1969 pour gagner un peu d’argent à un certain… Jimmy Page qui va abandonner la Fender Telecaster sur le second album de Led Zeppelin. En 1970, il fera de même avec une Gretsch 6120 orange, cédée à un certain Pete Townshend des Who, et qui s’en servira autant au concert du Rainbow d’Eric Clapton en 1973 que pour le clip de Join Together des Who.

Barnstorm est dissous fin 1973, mais Walsh reste bon copain avec Joe Vitale, et il viendra jouer sur son premier album solo « Roller Coaster Weekend ». Vitale restera dans le groupe solo de Walsh, tout comme Kenny Passarelli. Sur l’album « So What » qui paraît le 14 décembre 1974, d’autres bassistes et batteurs apparaissent également, mais on constate surtout les noms de Don Henley, Glenn Frey et Randy Meisner, membres éminents des Eagles, aux choeurs. « So What » propose d’excellents titres mêlant une fois encore rock, funk, blues, et folk. Welcome To The Club, Time Out, Turn To Stone et County Fair sont de véritables pépites, le sommet artistique de Joe Walsh.

 

County Fair est un voyage sonore en soit, cette musique de soleil pâle, qui réchauffe et qui brûle à la fois. Les arpèges, les parties de slide paresseuses, ce groove vaporeux presque fantomatique parfois, tout est splendide, incandescent, d’une puissance émotionnelle rare. Si Walsh peut être un pitre, cette fois l’humour cache une vraie douleur. Le 1er avril 1974, sa femme Stefany et sa fille de trois ans Emma sont percutées en voiture par un chauffard qui a grillé un stop. L’enfant meurt sur le coup. Dévasté, Joe Walsh lui dédie la dernière chanson de l’album : Song For Emma. Des années plus tard, en 1985, la chanteuse Stevie Nicks, qui est alors sa compagne, lui dédiera la chanson Has Anyone Ever Written Anything For You ? sur son album solo « Rock A Little » après s’être rendue sur la tombe de l’enfant avec Walsh dont elle est la compagne à l’époque. La mélancolie rampante de « So What » est avant tout l’oeuvre de cette douleur intérieure, le guitariste exprimant sur chaque chanson les phases qu’il traverse, se perdant dans la fête ou la détresse personnelle, alternativement. La mort de l’enfant contribuera à la déroute progressive du couple, qui aboutira au divorce en 1978.
« So What » accroche la 11ème place du Top US et obtient le statut de disque d’or à nouveau. Walsh se lance dans une nouvelle tournée nord-américaine à succès afin d’oublier ses tourments. Il se lance à corps perdu, avec presque une années complète de concerts. Au milieu, il est invité à auditionner pour les Eagles qui viennent d’essuyer le départ de Bernie Leadon. Mais l’intégration de Walsh au sein du groupe californien fait débat, car celui-ci a une réputation de musicien très rock à la personnalité débordante. Et au milieu des egos de Frey, Henley et Meisner, ce n’est pas gagné. Le groupe vient de signer un numéro un des classements US avec « One Of Thses Nights », double album de platine, il va falloir assurer la suite. Et le départ de Leadon est un vrai problème, car il était la caution country-rock des Eagles. L’arrivée de Walsh et son rock bluesy californien pourrait permettre à Frey et Henley de développer leurs envies de musique plus pop.

Les sirènes du succès

Joe Walsh accepte d’intégrer les Eagles à la fin de l’année 1975 après sa tournée solo. L’annonce de son arrivée au sein du groupe déjà superstar fait grand bruit. Cela embête surtout son désormais ancien label ABC/Dunhill, qui en profite pour publier en mars 1976 les extraits d’un concert du 26 novembre 1975 au Santa Monica Civic Auditorium dans le cadre de l’émission Don Kirshner’s Rock Concert. Il porte le nom de « You Can’t Argue With A Sick Mind », inventé par Walsh et qui a validé la publication. Le disque est hélas simple, avec seulement six titres, et évidemment des tubes : Walk Away, Rocky Mountain Way ou Turn To Stone. Combien de merveilles comme County Fair aurait nécessité une version live sur disque ? L’album se classe 20ème du Billboard, et couronne une première partie de carrière solo.

Walsh entre en studio en mars 1976 avec les Eagles. Un aspect pratique est que le producteur attitré du groupe n’est autre que … Bill Szymczyk. Le guitariste se retrouve un peu à la maison. Il co-signe le titre Life In The Fast Line avec Henley et Frey, et il impose une composition de sa plume, co-signée par Joe Vitale, nommée Pretty Maides All In A Row. Publié le 8 décembre 1976, « Hotel California » est numéro un quasiment partout, se vendant par millions d’exemplaires. La tournée est évidemment gargantuesque, dans son univers californien. Walsh se livre à des duels de guitare épiques avec Frey et Felder. Il y a évidemment beaucoup d’alcool et de cocaïne, et cela terminera au reste le couple Joe-Stefany.
Cependant, Walsh reste un esprit libre. Il comprend vite qu’il ne pourra pas imposer ses chansons et ses idées exactement comme il le souhaite. Les Eagles sont une confortable rente, et pour perdurer, il ne faut pas entrer en conflit avec Frey et Henley. Sur « The Long Run » de 1979, Walsh réitère le même engagement : il co-signe The Sad Café avec les patrons, et amène In The City. Si ce n’est qu’une première version de cette chanson a déjà été publiée en avril 1979 sur la bande originale du film devenu culte « The Warriors » de Walter Hill. Le titre est intégralement réenregistré par les Eagles, « The Long Run » étant publié le 24 septembre 1979.

Un garçon perturbé

Pendant ce temps, Walsh a négocié un contrat solo avec Asylum, le label des Eagles. Il commence à se disperser entre plusieurs projets. « But Seriously Folks… » en 1978 propose encore quelques scories de son talent passé. Le disque atteint la 8ème place des ventes US et fait disque de platine. Mais par la suite, les ventes vont dégringoler comme la qualité de la musique.

En 1994, Joe Walsh se réveille dans un avion pour Paris avec son passeport, sans aucun souvenir d’y être monté ni pourquoi.

En 1980, après la séparation des Eagles, Walsh se présente comme candidat aux élections présidentielles. Il participe à plusieurs œuvres caritatives, et se passionne depuis son adolescence à la radio pirate. Plus l’âge avance, plus Walsh semble se disperser. La cocaïne lui permet de tenir ses multiples activités, mais cette drogue, alors qu’il approche les 40 ans dans les années 1980, ne fait que l’enfoncer dans ses lubies. Les disques sont désormais le théâtre de son humour, et de ses lubies sur les nouveaux instruments en vogue, notamment les sons synthétiques qui polluent des albums comme « The Confessor » en 1985 et « Got Any Gum ? » en 1987.
Walsh fait aussi le DJ sur des stations de radio, apparaît dans des films comme The Blues Brothers. Il tente de décrocher de la drogue à partir de 1993. Mais c’est en 2004 qu’il s’en remettra définitivement, selon lui après un rite Maori. Il racontera qu’en 1994, il se réveillera dans un avion pour Paris avec son passeport, sans aucun souvenir d’y être monté ni pourquoi. Cela sera le signal d’alarme pour lui d’arrêter. Sa grande révélation personnelle sera un bilan de santé effectué tardivement, et où il découvrira qu’il est atteint du Syndrome d’Asperger, qu’il est hyperactif et qu’il a des troubles obsessifs-compulsifs. Le tout a été aggravé par l’alcool et la drogue, ou plutôt, ces deux addictions furent une sorte de réponse à ces syndromes non-identifiés dans les années 1970.
Depuis le début des années 2000, Walsh a été de la reformation inespérée des Eagles, avec un double album qui a cartonné pour l’époque, « Long Road Out Of Eden » en 2007, numéro un partout dans le monde. Il a reformé pour quelques concerts le trio James Gang avec Jim Fox et Dale Peters, et a produit un album solo, « Analog Man » en 2012. Mais depuis, l’homme est fort discret. Le visage empâté par l’âge, sa bouche mince et verticale désormais proéminente, ses cheveux trop fortement teints en blond alors qu’il a presque quatre-vingt ans, tout cela n’a plus de sens.

Analog Man

Le live inespéré, et sans doute pas très légal nommé « Turning To Stone » à l’université du Texas le 24 septembre 1973, et enregistré par la radio locale, a brutalement rappelé l’exceptionnel talent de musicien et de compositeur de Joe Walsh. Il faut se jeter sur les presque quatorze minutes de Turn To Stone, et puis The Bomber et Rocky Mountain Way avec ses presques neuf minutes. C’est vraiment beau à en pleurer. Même la photo de la pochette est splendide. Joe Walsh semble si pur, si inspiré, si authentique.
Toute sa production de ces trente dernières années semble assez fade par rapport à ce concentré de génie de presque une heure. Joe Walsh et son talent restent un mystère, que le temps et les interviews n’arrivent toujours pas à expliquer. L’homme partira sans doute avec son secret. Sait-il seulement de quoi il en retourne ? A-t-il conscience de la puissance de sa propre musique ? Il faut avoir écouté un de ses disques d’entre 1969 et 1974 pour comprendre combien cet homme avait de l’or dans les mains.

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