Pile 20 ans après ses débuts, le projet de Barrie Cadogan et Lewis Wharton est réactivé avec un nouvel album signé sur le label de Dan Auerbach des Black Keys. Une sorte d’éclaircie dans le ciel morose anglais où se devinent les noms de CAN et du The 13th Floor Elevators.
Little Barrie, groupe dont l’Europe a commencé à entendre parler du temps où l’Angleterre en faisait encore partie, a toujours eu le chic pour trouver ses producteurs. Tout débute en 2005 avec un premier essai finalisé par Edwyn Collins (qui produira au final 3 des albums du groupe). Un an plus tard, c’est Dan The Automator qui s’y colle sur « Stand Your Ground ». Vingt après tout cela, et alors même que le nom de Little Barrie n’évoque plus grand-chose à grand monde, c’est Dan Auerbach des Black Keys qui accueille ces réfugiés électriques sur son propre label, Easy Eye Sound. Mieux que ça même : il produit cet album que plus personne n’attendait et dont on saisit instantanément qu’il plonge très profond dans l’Allemagne kraut-funk des disques de CAN période Damo Suzuki.
Retour gagnant
Voilà déjà 8 ans, personne n’aurait parié sur la longévité du groupe : le batteur Virgil Howe décédait d’une crise cardiaque quelques semaines seulement avant le départ du groupe en tournée. Cette scoumoune qui colle à la peau, Little Barrie réussira par miracle à s’en défaire grâce au renfort d’une recrue de poids en la personne de Malcom Catto de The Heliocentrics. Ce mariage arrangé donnait ainsi naissance en 2020 à « Quatermass Seven » ; hélas publié en plein Covid-19. Pas de quoi arranger les affaires de nos Anglais qui ont certainement dû penser que les carottes étaient cuites et le futur loin derrière.

Une guerre sans morts
Voilà pour le contexte entourant la sortie de cet heureux « Electric War » qui sonne le pas de charge dans une Angleterre électriquement dévastée. Sans nostalgie ni revivalisme, le groupe dont le seul anachronisme tient à l’utilisation de guitares mélange influences, décennies et styles pour expulser une sorte de funk-garage nerveux à mi-chemin entre la compilation Nuggets de Lenny Kaye, les disques les plus jamesbrownesques de CAN et les albums miraculés d’Edwyn Collins dans les années 2000. Zero Sun, par exemple, sonne comme l’un de ces titres des Black Keys qu’on se désespère de ne plus entendre sur leurs propres albums, Sick 8 déterre un autre artiste encore vivant, à savoir Sean Lennon et son magnifique premier album « Into the sun » ; quant à l’ensemble du disque, il rappelle cette époque désormais lointaine où le rock venu d’Angleterre pouvait contaminer la planète entière sur la simple force d’un accord plaqué ou d’une chronique dans le New Musical Express.
Victimes d’une carrière en forme de sinusoïde, Barrie Cadogan et Lewis Wharton peuvent au fond d’estimer chanceux de ne pas l’avoir été : ce septième disque destiné aux gens ayant encore la force d’écouter une proposition artistique dans le bon ordre permet à Little Barrie de sortir de la petite boite dans laquelle la fatalité l’avait enfermé par erreur.
Little Barrie // Electric War // Easy Eye On Sound
https://littlebarrie.bandcamp.com/