L’un des premiers souvenirs que j’associe à Dick Rivers remonte à l’époque où j’ai commencé à m’intéresser au rock’n’roll. 1975… Le mercredi matin, j’aime traîner sur le marché de Chatillon-sous-Bagneux, en raison de cet étal sur lequel des 45 tours s’entassent dans un joyeux désordre. Au-dessus trône un pick-up mono qui crache à plein volume les tubes du moment. Ce matin, lorsque je m’approche, le vendeur a la bonne idée de lancer « Je cherche la ville du rock’n’roll ». Il faudrait toujours écouter le rock comme ça, sur un pick-up pourri, avec un haut-parleur qui sature. Et en mono, bien sûr. Le Dick de ces années-là oscille entre glam et country. Ce sont ses titres les plus électriques, comme Maman n’aime pas ma musique, qu’on écoute en boucle et qu’on s’échange dans la cour du collège.
Dans les supermarchés, on trouve des compilations 33 tours à prix réduit. C’est là que j’achète mes premiers albums : Chuck, Johnny, Gene, Eddy, Dick, Jerry Lee, Little Richard… Mais aussi ces groupes français des sixties : Pirates, Champions… La mode est au rétro : au Théâtre de l’Européen, on programme la comédie musicale Gomina.
Parfois, je passe un peu trop vite à la caisse. Un examen plus attentif m’aurait permis de constater que la couverture de ce soi-disant best of d’Elvis comportait en petits caractères la mention : « Vince Eager Pays Tribute to… » Si vous ignorez le sens de « pays tribute to », comme c’était mon cas à l’époque, cela peut se traduire par : vous venez d’acquérir une grosse daube inécoutable.
Un jour, au hasard d’un présentoir, je trouve un disque de Dick dont j’apprendrai plus tard qu’il s’agit de la réédition d’un album destiné au marché canadien – québécois, plus exactement. Je l’écoute de temps en temps, même s’il est plutôt country et que, pour l’heure, mes préférences vont aux rocks déboulés à deux cents à l’heure. Quand je commencerai à m’intéresser aux notes de pochettes, je découvrirai une drôle de signature sous certaines chansons : « M. Bernard – A. Baschung ». Eh oui, au début des seventies, Alain Bashung, qui n’a pas encore ôté le « C » de son nom de famille, est le directeur artistique de Dick et lui écrit souvent des titres, en compagnie du parolier Michel Bernard. Rivers et Bashung enregistreront aussi deux albums de standards du rock, sous le pseudo de The Rock Band Revival : Rock’n’roll Hits, volumes 1 et 2, pour ces fameuses séries à prix réduit. Deux 33 tours de bonne facture, que je vous recommande si le hasard d’un vide grenier vous fait croiser leur route. Intéressant de voir comment ils se sont répartis les rôles : Bashung chante les titres où il faut arrondir les angles, façon crooner, Dick s’est réservé ceux qui arrachent.
Pour moi, le nom de Dick Rivers est lié à un regret aussi. Été 1976, je passe les vacances dans le Sud-Ouest. C’est la canicule, on a un bon stock de cassettes et il y a ces Allemandes naturistes qui ont installé leur campement au bord de la rivière… Le paradis sur Terre ! Mais un soir, alors que les parents des copains qui m’ont invité nous emmènent au restaurant, j’aperçois, collée sur un arrêt de car à la sortie d’un village, une affiche annonçant un concert de Dick Rivers à quelques kilomètres. Mes tentatives pour convaincre les autres d’aller écouter sieur Forneri restèrent vaines. Plus tard, j’apprendrai qu’il s’est produit dans la région, aux mêmes dates, un autre évènement auquel j’aurais aimé participé : le premier Festival Punk de Mont-de-Marsan, organisé par Marc Zermati. J’avais décidément tout raté, il était temps de rentrer à Paris et de poursuivre mon éducation rock’n’roll, sans compter que nos timides travaux d’approche avec les Allemandes n’avaient rien donné.
Beaucoup plus tard – là, je fais un grand saut dans le temps –, j’ai contacté Dick, alors que je travaillais sur la biographie, Bashung, Vertige de la vie. Et je dois dire qu’il ne m’a pas déçu. Il a immédiatement accepté de partager ses souvenirs, ceux de « Pifou » et du « King », comme ils se surnommaient amicalement, direct, chaleureux, comme seul un Sudiste peut l’être. Au bout d’une demi-heure de conversation, nous raccrochons et je retourne à mon ordinateur. À peine suis-je assis que le téléphone sonne. C’est Dick, un détail vient de lui revenir. Je note la correction qu’il voulait apporter, nous papotons encore cinq minutes et raccrochons. Je retourne à mon ordinateur quand… le téléphone sonne à nouveau. C’est – oui, vous avez deviné – Dick, qui vient d’exhumer une autre anecdote. Je me suis alors souvenu de ce que m’avaient confié tous ceux qui ont travaillé avec lui : il ne lâche jamais le morceau. C’est un perfectionniste. Il se murmure qu’il peut appeler ses collaborateurs au milieu de la nuit, pour leur faire part d’une idée géniale et, bien sûr, urgentissime. Il faut s’impliquer à 100 % pour tenir le rythme. Un trait de caractère qu’il partageait avec Bashung.
Ce que je voudrais ajouter, c’est que la discographie de Dick Rivers a bien résisté au temps, y compris les enregistrements des Chats Sauvages. Sans doute parce qu’on y trouve peu de concessions aux modes du moment, sans doute parce que… eh, bien oui, j’ose le dire : he walks the line !
8 commentaires
komme kill est morte c facile on l’aime reste un nizzard!
moi dans le sud j’ai vu un flyer pourrave pour j thunders/heartbreakers cT au hearbreak hotel!
moi dans l’algavre j’ai vu un flyer A4 pour les Leningrad Cowboys!
moi dans le 41 j’ai pas vu un seul flyer pour les belettes d’astaffort moooods!
moi a Tuffnell Park j’ai vu par terre un flyer pour the tourists, the Mekons, & pete bien the stranglers!
moi j’ai vu a Sheffield in warp rds une affiche pour TRICKY DICKY DISCO!
moi j’ai vu une merde sur un plastron!