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1 juin 2025

Avec « Moiré », Charlotte Leclerc électronique Brigitte Fontaine

Un océan-disque dans lequel nageraient synthétiseurs, boite à rythmes et chants languissants de Brigitte Fontaine façon library music, c’est un bon résumé du formidable deuxième album de Charlotte Leclerc. Un bis repetita gagnant toujours signé sur le label Delodio et qui redonne espoir dans la beauté sortie de nulle part. Décryptage de cette Leclerc chez qui rien ne semble compliqué.

Pire que les relances d’attachés de presse consciencieux, il y a les disques qui vous obsèdent et qui attendent que vous écriviez dessus. C’est comme une épine dans le pied. Ça vous relance à chaque pas, et chaque jour passé à faire autre chose que la mission que vous vous étiez fixée sonne comme une piqûre de rappel. « Moiré », de Charlotte Leclerc, est l’un de ces disques-rappel ; un de ces objets non identifiés sur lequel de prime abord on redoute d’écrire tant la beauté des 9 chansons se suffit à elle-même.
Ceux qui l’ont écouté sont formels, leur déposition tient la route : ce deuxième album de la Française ayant grandi loin de la France (à la Réunion jusqu’à ses 15 ans) est un doux condensé des plus belles heures de la library music des années 70 (voire de l’ambient des années 80, entre palmiers synthétiques, chants d’oiseaux et nappes zen), des mélodies heureuses de Beverly Glenn-Copeland, des productions jamaïcaines de Grace Jones période Walking in the rain et du chant faussement distant de Brigitte Fontaine. Difficile de dresser le portrait robot de cette énergumène; les flics ont préféré filer à la place pour s’enduire de monoï.

Un disque de matin électronique

Si la grand-mère bizarre de la pop française est ici évoquée, c’est parce qu’il y a un lien fort, quoique peut-être inconscient, entre son Il pleut et la Réunion natale de Leclerc. Imprégnée de cette façon de détacher syllabes et consonnes, la jeune Française laisse infuser le parfum des forêts humides dans ce « Moiré » où tout semble exotique, à la fois viscéral, lointain et, comme on dit quand on cherche des adjectifs interdits dans la rock critic depuis le passage de Patrick Eudeline à l’extrême droite, organique.

Si « Moiré » mérite mieux qu’une écoute rapide ou une chronique bâclée, c’est parce qu’il réconcilie également avec un genre oublié : le disque électronique du matin.

Joué aux premières lueurs du jour, ce dernier vise autant à faire oublier la cuite de la veille qu’à se lancer dans une pratique malencontreuse du yoga dans un club de riches, et dans tous les cas, rappelle à quel point certains albums de Saint Etienne ou Massive Attack – on pense à « Protection » – tiennent merveilleusement sur la durée. Touchés par le soleil et des émotions oscillant entre le ravissement et le spleen de la veille, l’espoir d’une après-midi bronzée et d’un passé perdu à jamais, ils possèdent ce super-pouvoir impensable pour qui passe trop de temps sur TikTok d’être écoutable d’une traite, en boucle, sans que l’auditeur n’exprime le besoin de zapper un titre, ni même de se forcer à retenir le nom de tel ou tel morceau.

Charlotte Leclerc, Moiré (Delodio) - Section26

« Moiré », en alternant micro-tubes pour gens élevés aux compilations mid-2000’s de chez DIRTY et instrumentaux période Montparnasse 2000 ou Télé Music, trace une ligne claire. On y plonge comme dans un voyage qu’on n’aurait jamais fait, et les productions dépouillées derrière La Chambre ou Comme un iceberg permettront une écoute familiale à mi-chemin entre l’exigence pour tous et la communion silencieuse. Tout l’inverse d’un nouvel album de Jean-Michel Jarre.

On vous souhaite donc une belle disparition dans cette jungle synthétique où chaque motif évolue selon les écoutes et les heures de la journée. Et si comme un Français sur deux vous êtes dans l’incapacité de partir en vacances cet été, voilà le parfait disque pour s’évader sans bouger.

Charlotte Leclerc // Moiré // Delodio

 

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