Dès le départ, ça sentait le traquenard. Convoqué par la dernière punk de France sur son île Saint-Louis en pleine grève parisienne, on sentait bien que l’interview n’allait pas vraiment se passer comme prévu. C’était un peu à l’image de l’album de Fontaine qui sort ces jours-ci, « Terre Neuve », et où l’irréductible Gauloise renoue avec ses plus grands albums en se délestant de tous ses gadgets. Premier album enregistré depuis le départ de Jacques Higelin, « Terre Neuve » est donc ce tabula rasa inespéré trempant l’encre dans la tristesse pour en sortir un grand et beau moment. Tout l’inverse de l’interview qui suit.

Elle est là, lévitant sur l’île Saint-Louis, dans l’arrière-salle de L’Orangerie ; un restaurant qui ne semble n’avoir pas bougé d’un poil depuis les années 60. On apprendra plus tard que c’est ici qu’elle aurait rencontré pour la première fois Jeanne Moreau, « la plus grande actrice française de tous les temps ». Mais pour l’heure, on rame. Quarante-cinq minutes de retard au planning à cause des grèves, coincés dans un taxi, on prévient l’attaché de presse. « Brigitte vous attend ». Il est 15H30, doigts de pied en éventails dans ses baskets trouées, Brigitte ne sait pas encore qu’elle va rencontrer une équipe mal préparée et un journaliste arrivé les mains dans les poches, sans véritables questions, surement trop sûr de son fait ou, à l’inverse, bien conscient qu’on ne prépare jamais vraiment une rencontre avec cette Lady Fontaine casquée comme Moondog.

La suite de cette histoire, c’est évidemment une succession d’accidents prévisibles. Cinq minutes pour décider de l’endroit où poser les caméras, Brigitte qui trépigne, s’interroge (« faire l’interview assise ou allongée ? Vous allez me dire que c’est trop compliqué. Tout le monde dit ‘’c’est compliqué’’ de nos jours »), se plaint du temps qui passe, se ravise, change d’avis (« ce sera allongé finalement ») et, pendant que nos dos transpirent à grosses gouttes, coince l’auteur de ce papier sur deux références culturelles inconnues pour lui. Voilà, l’interview n’est même pas commencée que l’affaire est déjà pliée ; derrière ses grosses lunettes, la baronne a déjà conclu que Gonzaï, c’était tout de même pas très sérieux.

Tout l’inverse de « Terre Neuve », un disque froid enregistré avec Yan Péchin, l’artilleur derrière les derniers grands disques de Bashung, avec qui mémé s’est réconcilié avec la chanson coup de trique. Il faudra écouter le titre J’irai pas, brûlot punk adressé à ceux qui voudraient la foutre en maison de retraite (ou pire, sur les réseaux sociaux) ou Haute sécurité et son intro au zéro absolu (« Mon cœur est un mégot qui ne peut pas s’éteindre / Mon cœur est un joyau sans code pour l’atteindre ») ; tout sur cet album au tracklisting sans concession (17 titres) est l’inverse d’une blague avec featurings à la con imposé par la maison de disques. A tel point que cet album sans fanfares domine aisément la rentrée 2020. Une autre surprise de taille quand on sait que Fontaine, quelque peu diminuée par l’âge (ne lui en parlez surtout pas) est déjà donnée pour morte. D’ailleurs les hagiographies sont prêtes, déposées sur le haut de la pile. Les extraits télévisés et autres bêtisiers aussi, tant il est vrai que depuis la fin des années 90, Fontaine est devenue la bête de foire cathodique qu’on invite pour ses excès, son côté « hors cadre », ses sorties qui tranchent tellement avec la normalité consternante de ses con-frères.
Le fait est que Brigitte Fontaine n’appartient plus à l’époque, elle la surplombe. « Après moi, que des comptables » aimait à dire François Mitterrand. L’âme sœur de Jacques Higelin aurait pu répondre « après moi, que des chanteurs » tant cette femme qui a connu tous les combats, croisé le fer avec l’Art Ensemble of Chicago, Jean-Claude Vannier, Grace Jones (une collaboration pas mémorable) et même Chirac (« il m’avait écrit une lettre pour dire qu’il aimait mes chansons, j’ai mis 1 an à lui répondre pour finalement lui écrire un simple « merci »), en sait plus sur la vie et ses exubérances que la majorité des glandus de notre espèce qui viennent l’interviewer comme on viendrait au zoo avec les enfants.

Résultat de recherche d'images pour "brigitte fontaine verycords"Le féminisme (le titre Patriarcat en 1977, toujours aussi visionnaire), l’insurrection des barres HLM décrites plus tard dans La Haine (Quand les ghettos bruleront), Fontaine a déjà tout dit, tout écrit. C’était il y a plus de 40 ans et depuis, mémé est en roue libre dans un monde qui avance, finalement, trop lentement pour elle. Alors en bonne Bretonne, Fontaine a brodé, s’est amusée de son image anarcho-punk adoubée par Sonic Youth, enregistré des albums comme on aurait au supermarché et tant pis, finalement, si ceux publiés depuis 20 ans ont rapidement dépassé la date limite de consommation. Remise sur le devant de scène en 2001 grâce à l’horrible titre Y’a des zazous avec le pas moins supportable -M-, la compagne fidèle d’Areski s’est un peu perdue, un peu éteinte, comme une lampe qui se serait mise en veilleuse pour éviter d’aveugler les spectateurs. « Terres neuve » renoue, de ce point de vue, avec une poésie brutale, sans artifice, et le coup de poing est tellement énorme qu’on s’en relève difficilement. Un disque tellement à l’os qu’on en voit la peau, comme celle de la femme qui, alors que j’en suis encore à me demander comment on va attaquer l’interview qui suit, me lance : « Alors, c’est prêt ? On peut y aller ? Y’a l’équipe de France 2 qui attend là… ». C’est prêt, Brigitte, la caméra tourne.

Deux jours après cette interview-débâcle qui se conclura par un sobre « vous êtes un sale con » pour la simple et bonne raison que j’avais eu le toupet de lui rappeler son âge, je suis tombé sur un tag dans la rue, qui disait : « Les enfants, les militaires et les fous sauveront la planète ». On se fera vraiment chier quand elle et Christophe redécolleront définitivement dans leur gros Ovni.

Brigitte Fontaine // Terre Neuve, sortie le 24 janvier chez Verycords.
En concert à  l’Olympia le 29 mars, et en tournée française.

A lire aussi : Brigitte Fontaine par Benoit Mouchart, au Castor Astral, sortie le 6 février 2020.
https://www.castorastral.com/livre/brigitte-fontaine/

34 commentaires

  1. Chedid un cas d’école des fils de à la française celui là…
    après un premier album bricolé à la maison et que je l’avoue j’ai écouter pas mal en boucle, comme un manuel pour faire sa popotte sonique dans son coin plutôt rafraîchissant par rapport à la variétoche de l’époque- et ne venez pas me les casser avec trucmuches qui faisait mieux à l’époque, pour ça depuis des dizaines d’années j’ai pote qui bosse chez disquaire indépendant, qui me gave avec le même genre de trucs que vous ou que l’autre là, Perseverance mais qui n’écoute en fait que l’intégrale de Prince allez comprendre…-donc et bref, M (comme la mob pour les futurs vieux cons) est arrivé pour moi au bon moment. A cette époque j’en avait ras le Hulk des zikos amateurs qui ne sont là que pour picole gratos dans les rades et qui n’ont toujours pas compris le sens du mots arrangements, j’ai donc à ce moment là trouvé sa bon, se premier opus.
    Donc je lui est piqué ces recettes en changeant les ingrédients, ensuite et bien le masque du gentil gars ambiance Bjork & Co est tombé, déjà les passages radio complaisant qui propulse son titre machistador en haut de l’affiche aurait du m’alerter, oui je suis comme tout le monde, ben quand tout le monde écoutes, j’ai du mal…
    2eme album ça rigole plus, on s’entoure de quelques gars pas manchots (Segall, Atef, en gros Olympic gramophon ça vous dit quelques choses les Hipsteurs?) qui l’épaule et propulse sa recette vers chez les pros, vu que tout seul il n’y arrive pas.
    et là au moment ou sort le 3eme,les gars précités et malgré l’arrivé de Martel sentent bien qu’ils ne sont plus là que comme faire valoir de la star, qui elle, rêve de ce que papa à presque réussi, être aussi gros que Johnny, il y parviendras mais plus en volume quand popularité..
    Bref il ne veut plus que la tournée des festivals congénitaux de l’été, et l’hiver celle des centres Accord Arena en bon boutiquier qu’ils sont, et surtout c’est son grand trucs jouer en duo avec tout ceux qu’il ou son équipe (beaucoup sa famille je crois) considère comme le gratin de la chansons française contemporaine,
    Alors là perso, qu’il joue de la gratte en duos ok mais qu’il arrête de chanter. Personne n’as osé lui dire que la voix de castra-Falstofié c’est sympa, mais partout tout le temps, ouais bof.. de toutes façons on ne coule pas un PME artistique parce que l’artiste n’as pas de talent, ils font tous ça, du moment que les critiques spécialisées adoubent de temps en temps

    Et ses albums? et bien depuis le 3eme il est en roue libre, son délire n’as plus de limite et ses contrats lui permette d’assouvir son penchant égotique jusqu’à l’excès, c’est bien simple aujourd’hui, il serait seul sur scène avec des avec des automates. Pour ma part il y à longtemps que j’ai décroché, depuis ses contrats avec SFR je crois et que je suis passé à autre choses, pas lui apparemment,
    La maison chedid c’est du tenace

  2. y’a des jours je me paye la même tête fatigué qu’elle avec toutes ces conneries
    c’est l’age ou l’abus des drogues, un peu des 2 peut être…
    …Je l’aurai pas cru, lui, le Revivaliste Hippies, un boa rose autour du coup sauter dans tout les sens dans ces Raves naissantes de la campagne Montpellier-haine mitan 90’s, qu’il se transformerait en Supersayan Teknoman.
    Juste après c’est Happyparty, il nous a collez la migraine pendant des mois avec ces disques Bonzai records Hardcore inécoutable qui n’en finisse plus sans le kit Drugs qui va avec. Il a fini par potasser jours et nuits des manuels de machine à clics et zuit et ceux pendant des mois au lieu de réviser ces partiels.
    Ca lui à réussi pour gagner ça vie et même un poil plus…
    Donc il vit sa vie de patachon friqué, demandé un coup à Dam; un coup en Ossie, un coup a Bali, en laissant ces cheveux en cours de route mais traquant comme à ces 20 ans les filles de bonnes familles. Jeuns ou moins jeunes,( on est moins difficile avec le temps qui passe) qui traversent leurs phase existentielles, et qui croisent sa route d’apôtre de la « Bonne Parole » synthétik trance Around the World, rien de nouveau hhummm…
    Je les garde lui et d’autres dans un coin de ma tête au chaud quand même, personne n’est parfait n’est ce pas? et de temps en temps, ils m’appellent. C’est gentil.
    Je suis resté, sans prétention, un peu leurs Moriarty, vous savez celui de  » Sur la route » que nous avons tant aimaient, nous les gamins de la province de ce Languedoc un peu Californie un peu Mississippi avec de l’imagination, et nous n’en manquions pas avec l’aide de la Ganja locale(Cévennes d’amour).
    Et je suis devenu pour eux, une sorte de Jim mini Criquet à la con , voila ma case pour mes Bobos chéris. Le gardien de la flamme, celui qui « Taf Taf » à l’usine(parfois) pour rester pur, s’il savait ce que j’en pense de ces conneries.
    Pourtant j’adore toujours mon Baba Psychédélique et je n’échangerai pas mon Beefheart contre l’intégrale de Zappa, mais il y a bon longtemps que mon parfum préféré et celui de l’essence et que la lumière des néons à remplacé celle du soleil pour mes zigues, j’ai viré Punk Père de Famille Nihiliste, au secour!!!.
    Compter pas sur moi pour sauver la planète humaine, vu le nombre de dingues moi y compris, de toutes façons, c’est cramé.
    Je me tue à le dire à mes gamines . C’est dans ce sens que l’On mate de temps en temps d’ailleurs les séries survivalistes de la TNT et autres bricoles sur Trappeur du Grand Nord. Genre cour de rattrapage pour les nuls quand il y auras plus rien au supermarket du coin pour toi. Tu chopes au collet le chien de la voisine.
    Je suis assez fier de moi, j’aurai pas tout rater dans leurs éducations…
    Tout le problème est là avec mes anciens potes enfin ce qui non pas renoncé à être autre choses qu’une masse consumériste, ils font semblant de croire à la sincérité de leurs démarche, comme à une nécessité de poursuivre la lutte festive. Je suis pas contre.
    Donc on à traversé les Nineties presque tous ensemble, et lui, et d’autres, ne veulent plus s’arrêter de danser sous les bombes. Ils en vivent et ont un nom sur des listes pour soirée de luxe, ils sont arrogants comme toi Bester et beau aussi.
    Mais la question reste , ils sont ou les mecs ou les meufs vraiment doués qui font l’unanimité rayon musique, le son ou l’image, ?
    PS:
    -Je vais arrêter de vous les briser avec mes post à rallonge et monter mon blog de cuisine, ou je baverai sur la condition humaine la votre, la mienne

  3. Dans les commentaires ont se demande si c’est l’abus d’alcool ou d’autres substances ?
    Jeux de mots à la mort moi le sboube et autres post hors propos.

  4. bah la voici : tu ne mérites pas Gonzaï, sois condamné à écouter tous les disques de -M- jusqu’à la fin de ta vie de vendeur disque à la Fnac de Lille-Bethune.

  5. apparentée aux cc rosie ? belle gerbe c vrai, autant que le film joan of arc (français) qui m’a été teletuebees for the joke pour la st valentin day massacra.

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