Avec son excellent premier album éponyme, le groupe Bound By Endogamy réussit le tour de force de convaincre à la fois les irréductibles fidèles de la scène punk/squat tout en touchant un public plus large. Reste à savoir si le duo s’est réellement adouci, ou si l’on est face à une stratégie marketing pourtant loin de leur image.

Pas le choix que de commencer cet article par un moment définition, intense mais bref.

S/t d’abord : abréviation souvent utilisée dans le monde de la musique pour désigner un album éponyme. Deux options peuvent justifier ce choix : la volonté de simplifier en focalisant l’attention sur la musique ou l’envie de faire de l’album une sorte de manifeste en alignant l’œuvre avec le nom du groupe. Dans le cas des artistes qui nous intéressent, on penche pour l’option 2. On y reviendra.

Endogamie ensuite : obligation faite à un membre d’une communauté de se marier avec un autre membre de son groupe social. Traduit dans le contexte du milieu alternatif Suisse, et probablement au-delà des frontières helvètes, fait de tous se pécho les uns les autres et de se retrouver dans des bandes où tout le monde a eu des histoires avec tout le monde. Et voilà comment on se retrouve lié par l’endogamie, en version anglophone : Bound By Endogamy.

S/t – Bound by Endogamy, enfin : stupéfiant album sorti en décembre par le groupe genevois sur le label Bongo Joe (Hyperculte, Lalalar, Société Etrange). Si le nom du groupe est ouvertement une critique du micro-milieu culturel alternatif, ce premier LP tape plus large en crachant sur une société qui visiblement les répugne, fidèle aux thématiques et à l’esthétique punk dont ils sont issus.

Peut être une image de 3 personnes et texte

Pour comprendre et apprécier leur dernier album comme il se doit, il faut connaître un peu plus ce groupe, au-delà de la signification ironique de son blaze. Derrière Bound By Endogamy, BBE pour les intimes, on retrouve Kleio Thomaïdes (également dans le projet Savage Grounds) et Shlomo Balexert. Quiconque fréquente la scène musicale alternative suisse ne peut ignorer leurs dégaines. Dignes enfants du milieu squat, Kleio et Shlomo en ont tous les codes, mais à la manière des puristes, de ceux qui ont vraiment grandi là-dedans et en partage les valeurs, loin du fake des jeunes étudiants en art blindés qu’on retrouve pourtant aux mêmes soirées mais qui fréquentent la scène squat comme ils auraient pu se retrouver en afterwork.

Non, Kleio et Shlomo sont trash, vraiment. Et en colère, vraiment aussi. Ils l’expriment à travers leurs tracks qui oscillent entre industrielle, synthpunk, rave et électronique. Depuis leur début, chez Lux Records, la recette n’a pas beaucoup changé : rythmes effrénés et asymétriques, Shlomo à la batterie et aux synthés et Kleio tantôt hurlant tantôt murmurant des textes illustrant l’absurdité de la société.

Blanche-Neige à l’ère industrielle

Niveau textes et thématiques abordés, BBE avait annoncé la couleur dans son précédent EP Six cauchemars d’une machine fêlée (Dead Channel Records), où la track, attention on s’accroche, B2 00010 01110 01100 01111 10100 10011 00000 10011 01000 01110 01101 scandait déjà les dérives d’une société devenue virtuelle, discours que l’on retrouve dans leur dernière sortie avec Nothing où Kleio scande « digital blues, digital depression » pendant quatre minutes. Pour le reste des paroles, on reste sur la même veine, la société part en vrille, et tout le monde est assujetti à son taf ou à son portable. Le tout résumé dans Cogs (rouages en anglais), l’un des époustouflants singles de l’album. Stuck in a loop (coincé dans une boucle), rouages et engrenages, Bound By Endogamy, le groupe et l’album, nous hurle à la gueule nos statuts d’aliénés des temps modernes, mais dans une mouture punk/squat. Sur des prods versions sept nains sous acide (Going to the mine) les textes cherchent à faire comprendre à qui ne l’aurait pas intégré l’idée d’individualités en perte piégées dans des systèmes oppressifs, incapables de se libérer de ses contraintes.

Peut être une image de 3 personnes

Si Stuck in a Loop et l’ambiance des premiers titres du LP peuvent rappeler Six Cauchemars d’une machine fêlée par le côté ultra punk et expérimental, le reste de l’album met de l’eau dans son vin. Beaucoup plus accessibles et en douceur, des titres comme Lune ou Withered Flowers jouent d’avantage sur la sensibilité et semblent pouvoir atteindre un public bien plus large, au risque de perdre un peu la fan base d’origine. Une manœuvre comparable au changement de label ? En sortant cet album chez Bongo Joe, on peut en effet percevoir une envie de s’extraire du côté le plus niche de l’alternatif pour profiter de la notoriété du label à fort potentiel monopolistique des groupes prometteurs Suisses. On signe quand même pour ces tracks hautement mélancoliques, notamment pour le côté synthé à la Maria Violenza qu’on retrouve dans Withered Flowers, rappelant si besoin la scène que Bound By Endogamy fréquente.

Endogamixtape

En somme, l’album éponyme de ces Suisses en colère en passe de devenir culte pour la scène alternativo-branchée est à la fois un manifeste et une porte d’entrée à l’identité Bound By Endogamy. Sans renier leur dernier EP mais en permettant un accès plus en douceur à leur monde, le duo genevois devrait convaincre à la fois leurs inaliénables aficionados ainsi que les néophytes. Même sans écouter l’album, l’esthétique de la pochette déclenche les mêmes conclusions : photos des si reconnaissables Kleio et Shlomo devant un décor industrio-apocalyptique, marque de fabrique de la direction artistique de BBE que ce soit pour leur releases ou pour les DJ sets qui les ont révélés. Fidèles à leurs débuts tout en étant à nouveau une bonne manière d’en dire beaucoup à ceux qui les découvrent.

D’ailleurs, le titre de clôture de l’album confirme cette interprétation : Junktion Rivers, track cultissime pour les Genevois, hommage au quartier de la Jonction et capable de retourner n’importe quelle salle ou quelle cave de Suisse à chacun de ses passages est un clin d’œil à leurs fans de la première heure.
D’une qualité indéniable même si l’album peut parfois être plus posée que ce dont Bound By Endogamy nous avait habitué, reste maintenant à voir si la puissance et l’alchimie de Bound By Endogamy seront toujours aussi intenses sur scène, eux qui sont si calmes dans la vraie vie.

Bound by Endogamy // ST // Bongo Joe
https://boundbyendogamy.bandcamp.com/album/bound-by-endogamy

4 commentaires

    1. Comment peux tu te permetre de parler d’eux comme ca ? Tu ne les connais pas. Ils font probalement plus de choses artitstiquement interressantes en un mois que tu n’en feras en une vie. Move troll!

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