Fort heureusement, dans le Pays des droits de l’homme®, rien n’interdit de remettre le jazz fusion au goût du jour. N’importe qui peut même, s’il le souhaite, créer une association loi 1901 qui s’appellerait Association française de défense de la basse slappée (A.F.D.S.) avec statuts déposés en préfecture. Qui d’autre que Sylvain Daniel pour en être le président ?

L’instrumentiste est connu pour accompagner les meilleurs (Thomas de Pourquery, Laurent Bardainne, Jeanne Added notamment) et son escapade barrée en solitaire vaut vraiment le détour. Derrière son nom de graffeur de seconde zone – SlyDee – se cachent des compositions qui assomment complètement la concurrence. Pour ne prendre qu’un seul exemple, écoutez le pré-refrain et le refrain de Resistance. Ça sonne hyper 80’s, les ombres de Stanley Clarke et de Prince planent sur ce disque qui fait penser à l’époque où les rappeurs samplaient Zapp à loisir (Say Goodbye notamment). Avis aux amateurs de breaks furieux (No Sex in Verneuil) et de synthétiseurs rétro : ce disque est le fait d’une minorité agissante qui veut imposer une esthétique venue d’Outre-Atlantique. Que des babtous au casting qui ont probablement pas mal écouté George Clinton ou RH Factor en ingurgitant des substances prohibées. On peut écouter ça en jouant à Tetris sur GameBoy ou en courant avec son jogging Adidas chiné en friperie pour essayer de retrouver l’allure fringante de ses jeunes années..

On pourrait parler de groove voire de hip-hop (symphonique) comme des darons chauves portant des casquettes et des Air Jordan. L’autre maître du rythme de cet album, c’est l’inénarrable Vincent Taeger (Poni Hoax, Le Sacre du Tympan, Tiger Tigre, etc.) qui s’illustre avec ses breaks furieux comme sur le très bon No Sex in Verneuil. Comment pourrait-on rater un disque avec ces deux-là dans les crédits, de toute manière ? Bruno Ruder (qui joue en duo et trio avec Jeanne Added), Aymeric Avice et Arnaud Roulin (Poni Hoax) complètent ce casting de costauds.

Autre grand moment : le morceau Paisley Rules, à mi-chemin entre Prince et Uzeb, qui verse dans le kitsch dosé avec parcimonie comme un bitter dans un cocktail. La fin du disque est non moins superbement écrite dans un registre plus rêveur, comme en témoigne le dialogue entre les chœurs et la trompette sur Old Fashioned qui clôt le disque, le duo avec Thomas de Pourquery ou le morceau Melancholia. C’est ample, intense, bref c’est beau.

Le morceau avec le rappeur Benjamin Epps, Le Monde est à nous, est aussi formidable. « La vie devrait être aussi fine que le sot-l’y-laisse » dit le sosie vocal de Westside Gunn sur ce morceau. SlyDee c’est le sot-l’y laisse de la musique, un truc réservé aux gourmets. Fred Pallem disait récemment sur les réseaux que les autres pouvaient toujours retourner écouter Vulfpeck. Et franchement, j’ai peu de choses à ajouter : qu’ils se battent avec leur blanc de poulet.

Sylvain Daniel – SlyDee // Sortie le 26 avril 2024 sur le label Kyudo Records
En concert au New Morning le 22 mai

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